TRIBUNE : Lesbiennes, émancipons-nous des stéréotypes de genre !

On évoque assez régulièrement les stéréotypes qui traînent sur les lesbiennes : la lesbienne n’est pas féminine, la lesbienne porte des pantalons trop larges et des baskets, la lesbienne a les cheveux courts, la lesbienne a vécu une expérience traumatisante avec un homme, dans un couple il y en a toujours une qui « fait l’homme », la lesbienne n’a pas « rencontré le bon », le cul entre lesbiennes n’est pas vraiment du cul, j’en passe et des meilleurs. On sera toutes d’accord pour balayer d’un geste de la main et avec un regard plein de dédains tous ces clichés. Mais on fait quoi, nous, pour lutter contre les stéréotypes ?

Plus tu découvres et t’intéresses au milieu lesbien, plus tu constates que les stéréotypes de genre restent bien ancrés. Bien malgré nous, nous véhiculons parfois ces clichés qui nous ont été inculqués depuis le berceau et notre premier doudou rose ou notre première petite jupette. Si individuellement, nous nous sommes parfois affranchies de ces codes, ou si nous sommes au moins parvenues à en prendre conscience, force est de constater que les clichés ont la vie dure.

Du rose partout

Le premier truc que tu constates quand tu traînes à droite à gauche sur les sites lesbiens c’est cette passion du rose. Comme s’il fallait insister sur le fait que nous sommes bien des filles, voire des petites filles, si l’on considère qu’en plus, on trouve des références aux bonbons, des petites fleurs ou des papillons. Si l’on a la chance de tomber sur un site dont le fond soit noir ou blanc, on n’échappe rarement à une touche de rose acidulé, à la rigueur, du violet. Encore un goût que des siècles d’éducation ont réussi à ancrer profondément : l’idée que la couleur bleue est associée aux garçons remonte à la Grèce antique, où les couples préféraient avoir un garçon et où enfanter un nourrisson de sexe masculin était perçu comme un don des dieux, de sorte que la couleur des cieux est devenue celle des garçons.

Mais ça n’a pas toujours été le cas, jusqu’au XVIIe siècle, le rose était plutôt perçu comme une couleur virile. Jusqu’à la Pompadour, favorite de Louis XIV, qui s’est entichée d’une nuance toute particulière de porcelaine et en a fait la couleur féminine par excellence. Bref, on ne se débarrasse pas des clichés comme ça, mais ils n’ont rien d’immuable. On pourrait peut-être, en attendant, envisager du vert ou du jaune, voire du orange pour illustrer nos sites et nos flyers.

Des nanas canons et super féminines

Parlons-en d’ailleurs des flyers et des affiches de soirées. Eux non plus, ne sont pas exempts de stéréotypes et représentent, pour la plupart, des nanas canons à faire pâlir de jalousie Kate Moss. Loin de moi l’idée de dire que les lesbiennes ne sont pas des nanas canons, mais justement, il me semble que nous ne répondons pas toutes aux critères qui nous feraient figurer dans les pages des magazines de mode.

Sur les affiches et dans la com’ des soirées lesbiennes qui représentent des femmes (et heureusement, tous les collectifs ne font pas leur com’ en représentant des couples de femmes !), les filles ont de beaux cheveux longs et soyeux, elles sont longilignes et hyper féminines. Ces femmes-là, si tu les croisais dans la rue, je ne suis pas sûre que tu irais les draguer direct. Certaines sont torse nu, d’autres ont des décolletés vertigineux et toutes, sans exception, ont les cheveux longs. Et on peut même voir sur un flyer de soirée deux barbies, très maquillées, une brune et une blonde, en train de s’embrasser. L’affiche d’une autre soirée, « Coyote Girls », représente deux femmes, une blonde aux cheveux remontés sous un chapeau de cowgirl et une brune à l’onduleuse chevelure brune vêtues de corsets old school qui laissent entrevoir une généreuse poitrine…

Évidemment, on peut comprendre l’intérêt d’utiliser ces clichés pour mettre en évidence la spécificité de ces soirées : le message doit être clair. A l’heure où tout va vite sur les réseaux sociaux, il faut pouvoir identifier le public d’une soirée d’un coup d’œil. Représenter un baiser entre deux jolies filles aux corps répondant à merveille aux critères de beauté véhiculés par notre société permet de cibler un public. Cela permet aussi, peut-être, d’attirer des filles un peu moins « conscientisées » et de les amener à fréquenter le milieu. Mais en même temps, n’est-ce pas courir le risque d’ancrer certaines représentations contre lesquelles nous devrions plutôt lutter ?

Il ne s’agit évidemment pas de jeter l’opprobre sur toutes les soirées qui organisent des défilés de lingerie, des présentations de sextoys, des concours de t-shirts mouillés et autres réjouissances du même genre, mais cette hypersexualisation du milieu qui se noie dans les stéréotypes de genre me semble dangereuse. On ne peut que s’interroger sur la pertinence de réduire les femmes, dans l’absolu, à ces images figées-là. Et en ce qui concerne les lesbiennes, on pourrait s’attendre à une conscience accrue de la part des organisatrices et des organisateurs de soirées.

Certes, le but est de faire danser les filles, mais toute soirée ne contribue-t-elle pas à la visibilité d’une communauté discriminée ? Ne faut-il pas alors voir tous ces événements comme des occasions de bousculer les normes et les stéréotypes ? Pour ma part, je rêve d’une affiche de soirée qui mettrait à l’honneur d’autres femmes : des grosses, des grandes, des maigres, des tatouées, des vieilles, des rousses, ou tout ça à la fois. Parce que ce qui fait la beauté d’une communauté, quelle qu’elle soit, c’est sa diversité.

 

 

Leslie

Leslie aime les paradoxes, les gens curieux et la grammaire mais aussi le reblochon et le rugby. Elle écrit sur la vie des gens et les livres. Twitter : @LPreel