Maripol, sex fan des eighties

Membre active de l’underground new-yorkais des années 1980, Maripol est une artiste aux multiples talents. Amie de Keith Haring, Madonna et Jean-Michel Basquiat, elle fut tour à tour styliste, créatrice de bijoux et encore et surtout photographe. Son livre, Mari Pola X, un recueil de Polaroïds sulfureux, sort cette semaine en France. L’occasion de découvrir le travail de cette icône incontournable des eighties.

Lorsqu’on la rencontre au détour d’un café parisien, Maripol débarque tout sourire, avec cette aisance sociale des personnes rompues aux mondanités. Très vite, elle enchaîne bavardages et anecdotes débridées, commente des instagrams de Grace Jones prises à sa soirée d’anniversaire et entame le récit de sa vie à la vitesse grand V, comme si on se connaissait depuis des années.

Maripol a du bagou. Une éloquence fougueuse qui lui fait déverser plus de paroles à la minute qu’un Concorde de fioul au kilomètres. Pourtant, des avions, Maripol en a pris. Le premier, quand elle quitte son Maroc natal pour Nantes. Elle y passe les dernières années de son adolescence avant de quitter le nid. Direction Paris, où elle rencontre un jeune photographe qui la convainc de traverser l’atlantique. Maripol a 19 ans quand elle s’envole pour New-York.

Les choses s’enchaînent vite pour la petite frenchie. En 1977, elle est repérée par un chasseur de tête et nommée directrice artistique de la boutique italienne Fiorucci. Elle crée une première ligne de bijoux pour la marque. Succès. Elle déménage alors “downtown” dans un loft où s’organisent soirées, expositions et happenings artistiques. Elle ouvre dans la foulée son propre concept-store : Maripolitan. New-York est alors en pleine effervescence. La nuit bat son plein, la scène no-wave est son apogée et l’art s’écrit sur les murs de la ville.

Maripol a du talent, et cela ne tarde pas à se savoir. En 1984, elle rencontre Madonna grâce à un ami commun. Séduite par les créations de la jeune française, elle l’embauche comme styliste. Ce look punk-bohème résille et mitaines des débuts, période Recherche Susan désespérément, c’est à Maripol qu’on le doit ! En 1985, elle travaille sur les costumes du Virgin Tour, la première mais non moins mythique tournée de la pop-star. Les crucifix, chapelets et gros bracelets en caoutchouc crées par Maripol deviennent aussi iconiques que la star elle-même.

Depuis, Maripol a délaissé les dressings pour la production audiovisuelle. Après un premier film, Crack is whack, consacré à son ami l’artiste Keith Haring en 1986, elle s’essaye à l’art du clip vidéo pour Cher, D’Angelo ou encore Elton John.

Elle entame ensuite son projet le plus ambitieux, le film New York Beat Movie, consacré au peintre Jean-Michel Basquiat et à la scène artistique New-yorkaise post-punk. Initialement financé par Fiorucci et Rizzoli, le film est abandonné au milieu des années 1980 en raison de problèmes financiers. C’est l’écrivain et éditorialiste Glenn O’Brien qui ressuscite le film et le rebaptise Downtown 81. Le montage est finalisé en 2000, et le film présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes la même année.

Grande fêtarde devant l’éternel, Maripol a tiré des centaines de photographies de ses virées et rencontres nocturnes, exhibées dans plusieurs musées et galeries à travers le monde. Des visages de femmes ( beaucoup de femmes), des corps à découvert et des figures emblématiques de la scène underground, comme Edwidge, physionomiste du Palace ou Bianca Jagger, ex de Mick et amie d’Andy.

En ce moment, c’est à Las vegas que l’artiste doit poser ses valises, pour une exposition consacrée aux polaroïds… Où elle est d’ailleurs la seule femme exposée. Pour exhumer ses souvenirs, elle vient de publier un recueil, Maripola X, réunissant deux cent de ses Polaroïds personnels et 69 poèmes. Entre portraits intimistes de personnalités, instantanés des folles nuits du gotha et mises en scène érotiques, il révèle l’intimité du New-York Downtown.

Ni américaine, ni française, Maripol avoue ne pas trop savoir à quel continent se vouer. “J’appartiens à l’océan”, glisse-t-elle, amusée. Pour cette touche à tout qui ne tient pas en place, l’exil est un remède à l’ennui. D’ailleurs, elle doit nous quitter, son avion pour Kyoto décolle, et elle doit faire trois fois le tour du monde d’ici mardi prochain.

 

Lubna

Photos de couverture : de gauche à droite, Edwige, physio du Palace et gouine outée, Maripol et son Pola, Bianca Jagger et son plumeau.

 

Lubna

Grande rêveuse devant l'éternel, Lubna aime les livres, les jeux de mots et les nichoirs en forme de ponts. Elle écrit sur l'art, avec un petit a : bd, illustration, photo, peinture sur soie. Twitter : @Lubna_Lubitsch