Lady Echo : « Mon travail est une réponse à la chosification des femmes dans le graffiti »

Le mois dernier, Lady Echo, writer des US qui a dégainé sa première bombe à l’âge de huit ans, donnait une interview à Bombing Science. Un papier intéressant pour plonger dans son univers mais qui laisse complètement de côté une dimension assez fondamentale. Echo est writer certes, mais Echo est aussi une lady. On s’est donc permis de lui poser quelques questions.

Elle est née dans les années 80 dans le sud de Miami et est devenue officiellement writer en 1999. Elle a appris à décoder les signatures des graffiti en se baladant sur le porte-bagage du vélo de son frère. On peut voir ses graff aux States et en Europe et tout le long de la ligne de fret des US au Mexique et au Canada. Au cœur de son travail, il y a aussi des œuvres sur le corps féminin, le désir et la sexualité. Elle nous a parlé de ces pièces…

Selfie (Girls Are Graffiti Writers)- 2015- spray paint on concrete ( 2.4x 6) Photo by Dan / Zipgunforlife.com

Lady Echo : Nombre de mes œuvres se moquent des stéréotypes sur les graffeuses, jouent avec les idées et les concepts mainstream. Toutes ces œuvres sont essentiellement des autoportraits et racontent ma vie. Elles me permettent de m’exprimer d’une façon que ne le permet pas le graffiti traditionnel. Par exempl,e quand des graffeurs entendent parler d’une femme qui graffe, la première chose qu’ils demandent c’est « A quoi elle ressemble ? » (et on entendra jamais ça à propos des mecs). Donc ma réponse à ça c’est de renverser mon E pour en faire une paire de boobs géants qui dessinent un E renversé. Beaucoup de monde ne voit que la surface de l’image, qui peut être considérée comme sexy et ludique. Il s’agit en fait d’une réponse féministe à la chosification des femmes dans le graffiti – nombre de ces hommes réduisent les femmes à un objet physique des plus basiques… Ici, une paire de seins.

Ce qui est drôle, c’est que à cause de cet attrait sexuel, c’est devenu ma pièce la plus célèbre (de ce que j’en sais)- et presque tout le monde a réagi au contenu sexuel, peu d’hommes ont compris le sens caché derrière l’image. Même si la principale réaction est sexuelle, mon intention était de récupérer des parties sexualisées du corps en les mettant de face et au centre dans une situation où elles sont en général typiquement cachées – parce que même cachées ces parties sont toujours le centre d’attention pour certains.

Fuck You Pumps (Heels For Women Who Bomb)- 2015- mixed media on particle board- Photography by Joshua White / JWPictures.com

C’est un jeu sur le mot que les gens utilisent d’habitude pour les talons aiguilles sexy. C’est-à-dire « elle porte des ‘fuck me pumps,’ [les pompes ‘baise-moi’], elle doit être en chasse ». On m’a demandé de créer une œuvre avec une paire de talons aiguille donc j’ai eu l’idée d’attacher des bombes aux talons- des chaussures très sexy sont devenues alors des objets pour qu’une femme puisse faire du graf. Une femme avec ces chaussures ne cherchent à pas à coucher, ses actions et son attitude veulent dire « va te faire foutre ».

Honest Conversation- 2015- (48.3 x 48.3 cm)- mixed media on found plastic street sign- Photo by Joshua White/JWPictures.com

D’autres œuvres ont un sens plus personnel pour moi. « Wish You Were Here », basé sur un autoportrait, une photo de 2007, et « Honest Conversation ». Ces deux pièces sont inspirées par mon histoire avec mon ex Joe. Elles utilisent une imagerie clairement sexuelle pour exprimer des émotions. Pour moi le sexe et les émotions sont plus sincères que n’importe quelle autre interaction dans la vie.

Can I Love You?- 2014- (25.4 x 63.5 cm)- mixed media on wood- Photo by Joshua White/JWPictures.com

« Can I Love You » est une déclaration d’amour à un homme dont j’étais secrètement amoureuse, c’est peut-être pourquoi cette pièce force le spectateur à utiliser différents niveaux de sens pour décoder le message.

 

 

Retrouvez l’interview de Nathaniel Villano pour Bombing science

Un grand merci à Emerald !

Photo de couv : Wish You Were Here- 2016- (122 x 30.5 cm)- Ink + acrylic on wood- Photography by Joshua White/JWPictures.com

Isabelle Mornat

Isabelle aime les cabinets de curiosité et la vieille techno hardcore, la confusion des sens et les concentres Harley au clair de lune.