Du meufisme au féminisme et vice-versa : rencontre avec Camille Ghanassia

Il n’y a pas longtemps, avec les copines on a fait l’initiation aux premiers secours des pompiers nos amis. Et qui j’ai rencontré entre le dégagement d’urgence et le massage cardiaque ? Camille Ghanassia la co-créatrice, avec Sophie Garric, de la web-série « Le meufisme ». Alors après on a taillé la bavette. Morceaux.

La première saison s’est tournée en 2013, totalement autoproduite. Sophie devant la caméra, elle écrit aussi les textes, Camille derrière, à la prod, au cadre, au montage aussi dans les premiers temps. Elles réalisent les films ensemble. L’équipe s’est agrandie progressivement avec une diffusion bricolée à base de recherche aléatoire d’adresses mail dans les journaux… Tout est parti d’un petit délire dans le salon de Camille aux prémices d’une rupture sentimentale.

Elles s’attendaient à réunir 500 vues, le premier épisode a dépassé les 10 000, avec beaucoup d’articles presse à la clé. Le prix du web programme à La Rochelle, puis à Paris, les a propulsées pour envisager une coprod, avec Dailymotion et Believe digital. Et puis Canal plus était à la recherche de programme digitaux, elles ont tenté leur chance. 24 vidéos, 12 épisodes et 12 bonus, pour la saison 2. La saison 3 s’est produite également avec Universal qui a proposé un vivier d’acteurs, Elodie Frégé, Thomas Dutronc et Naïve New Beaters, un groupe de trois mecs, la série a évolué avec des épisodes plus longs et une structure narrative. En ligne de mire un long-métrage sur lequel elles réfléchissent.

Sophie et Camille ont toujours voulu être cinéastes, elles ont commencés par faire des courts autoproduits et au fil des dépits, ont tenté leur chance sur le web. En 2013 il y avait assez peu de programme de fiction féminine sur le web et beaucoup de tutos beauté. Bien sûr les vidéos de CamWeb, de Marion Séclin ou bien sûr de Natoo. Mais encore une fois en fiction… Pas grand-chose. Elles voulaient faire des fictions avec le point de vue féminin, celui d’une meuf lambda, ni femen, ni Nabila, ni belle, ni moche, juste avec une conscience d’être au monde, le meufisme donc.

Le premier épisode, « Le FMI de la meuf »,  a été décrié par nombre de collectifs féministes aux yeux desquels elles sont passées pour de « pauvres poufs superficielles » qui ne servaient pas la cause. Quand elle a commencé le projet, le féminisme lui semblait être un concept suranné voire négatif, un gros mot pour pas mal de monde avec des combats loin derrière. Les femmes ont gagné du terrain, des droits, elles peuvent déclarer leurs impôts, avoir leur cibiche, elles sont maîtres de leur corps avec l’avortement et l’accès à la contraception. Et pourtant, Camille est partie d’un étrange constat, le sentiment que se battre était encore nécessaire. Parce qu’on se fait insultée dans la rue comme ça pour rien, parce que le patriarcat est aux commandes. Camille comme Sophie, ont besoin des mecs, d’amour et de compréhension, elles veulent juste savoir comment les femmes et les hommes pourraient vivre en harmonie. La critique frontale leur semble contre-productive. Pas radicales, pédagogues, elles croient à l’humour et la fiction pour instaurer le dialogue.

Elles ne se voyaient pas lancée dans un projet féministe au début. Mais au fil des épisodes c’est devenu beaucoup plus clair. En marche et sur la route elles sont devenues résolument féministes et se sont formées. Un parcours initiatique donc, qu’elles ont projeté de raconter dans un livre à paraître. Et désormais, Camille se dit fière et flattée de voir les médias la ranger du côté des féministes.

Isabelle Mornat

Isabelle aime les cabinets de curiosité et la vieille techno hardcore, la confusion des sens et les concentres Harley au clair de lune.