Les femmes gagnent moins bien leur vie que les hommes, c’est un fait, mais selon une étude de l’université de Washington, les lesbiennes gagneraient plus que les femmes hétérosexuelles. Dans tous les cas, les couples lesbiens n’échappent pas à l’écart de salaire dans le couple, et parfois, cette différence peut faire l’objet de tensions.
En effet, nous sommes nombreuses à nous laisser empoisonner par des histoires d’argent. L’argent dans le couple serait-il tabou ? Quatre femmes ont accepté de parler de leur expérience :
Pour Laura, la difficulté est telle qu’elle ne voit pas d’issue :
« Je ne suis pas du tout quelqu’un de matérialiste, loin de là, rien ne me fait plus plaisir que de faire plaisir à l’autre et j’ai horreur de recevoir des cadeaux ou d’entendre parler d’argent, de restos gastronomiques, de bling, voitures ou autres. J’ai besoin d’éclaircir ce point avant de passer à la suite car je pourrais passer pour quelqu’un que je ne suis pas.
Je suis cependant quelqu’un d’assez ambitieux, qui s’est lancé dans des études relativement longues avec des débouchés financiers plus ou moins intéressants. Ma chère et tendre n’a, quand à elle, aucune perspective d’avenir, par choix, ce que je respecte entièrement. Lorsque l’on s’est rencontrées, j’étais en prépa et son côté artiste bohème à vivre au jour le jour sans trop se poser de questions m’attirait car elle réussissait à être cette bouffée d’air dans un quotidien relativement stressant.
Cinq ans après, je boucle mes études, trouve un premier emploi et m’installe avec elle et là je comprends que dorénavant elle dépend entièrement et complètement de moi financièrement, sans aller jusqu’à parler de sorties ou restaurants, mais bien des dépenses simples de la vie quotidienne. Car bien qu’elle gagne son propre salaire, je me sens obligée de prendre en charge toutes les grosses dépenses (loyer, travaux éventuels, vacances…) car j’ai l’impression que ce serait injuste de la faire participer aux frais puisqu’elle ne gagne pas assez pour cela.
Cela créé un déséquilibre dans notre vie de couple car du coup elle se sent redevable et « inférieure » pendant que moi je culpabilise car j’ai l’impression de lui imposer un train de vie qu’elle n’est pas capable de suivre. Je me sens donc obligée de minimiser nos dépenses au maximum dès que je sais qu’elle va devoir mettre la main au portefeuille. De plus, la plupart de mes amis et connaissances étant du même cercle d’études et de travail, elle se compare sans cesse et je sais que cela joue sur sa confiance en elle.
Je ne sais pas s’il y a une façon saine de gérer ce genre de situations, personnellement j’essaie du coup de la coacher et de la pousser à reprendre des études ou changer de métier. Mais je ne sais pas si elle le ferait par envie ou pour me faire plaisir. Et je ne sais pas comment faire en sorte d’arrêter de culpabiliser de mon côté. Une chose est sûre, l’argent change forcément la dynamique de couple. »
Alice, elle, pense qu’il existe en France un tabou avec l’argent alors qu’il s’agirait juste de clarifier les choses et de trouver des compromis :
« J’exerce un métier dit « créatif » (journaliste), et dans ces secteurs, c’est connu : on ne gagne à peu près rien. Et comme j’ai toujours eu la bonne idée de sortir avec des filles du même secteur, souvent un peu plus jeunes que moi, j’ai toujours eu l’immense privilège de gagner plus qu’elles.
En fait, tout dépend de la mentalité de sa nana. Parfois, un équilibre se trouve naturellement. On coupe les restos et sorties en deux, on veille à sortir dans des endroits adaptés à notre porte-monnaie et tout va bien. Parfois, c’est une autre paire de manches. Il peut arriver qu’un véritable malaise se crée autour de la question financière. Je gère très bien mes finances, j’ai été éduquée comme ça, et garde toujours une part définie pour les loisirs et dépenses un peu annexes, sans pour autant calculer à l’euro près, mais l’idée est là.
Or, l’inconvénient de ce sens un peu maniaque de la gestion, c’est de passer pour une dépensière bling qui assume tout et gagne plus qu’elle ne le laisse entendre. Certaines de mes nanas n’ont eu aucun scrupule à se laisser entretenir, montant sur leurs grands chevaux idéologiques dès que j’avançais l’idée qu’elles pourraient participer à certaines dépenses basiques comme les courses, ou apporter un truc quand on dîne l’une chez l’autre. Là, c’est souvent assez mauvais signe, ça dénote un déséquilibre désagréable et un pot à embrouilles si l’on arrive pas à trouver un terrain d’entente. Le pire étant quand ta copine, qui n’a officiellement qu’une bourse étudiante pour vivre, te sort qu’elle s’est acheté une paire de chaussures de running alors qu’elle t’a dit trois jours avant qu’elle avait à peine de quoi se payer des pâtes.
En fait, l’argent, ce grand tabou de la société française, reflète pas mal la mentalité de la personne, et son éducation, aussi. Il peut arriver qu’une répartition n’effleure pas et qu’une simple remarque posée rétablisse la donne. Comme il peut arriver que la même remarque, énoncée de façon tout aussi posée et à visée constructive, t’explose au visage et t’amène à te poser des questions que tu n’as pas forcément envie de te poser là tout de suite. »
Louise gagne bien moins que sa copine mais semble avoir trouvé de bons compromis dans son couple :
« Ma meuf gagne trois fois plus moi, j’avoue que j’avais très peur au début de cette différence de niveau de vie et j’ai tendance à avoir un tabou avec ça, sauf que parfois, quand on arrive pas à suivre l’autre financièrement, il vaut mieux en parler.
On ne fait pas des sorties les plus chères et avec la carte chômage, je peux avoir la gratuité ou des prix préférentiels dans les musées. Pour le reste, je dépense très peu et j’ai appris à prioriser afin d’avoir assez d’argent pour faire des petits voyages avec ma copine. Après je sors très très peu et je ne bois pas, tandis que ma copine est un peu plus extravertie que moi et sort beaucoup. Pour le reste, on essaie de faire moitié-moitié pour certaines choses ou elle va nous offrir des billets pour tel événement ou m’inviter au restaurant. Surtout on essaie d’en parler posément sans en faire un big deal. Avec mon ex qui gagnait quand même beaucoup moins que mon actuelle, c’était plus compliqué. Sans doute parce que j’étais une personne différente à ce moment là. Sans doute aussi parce que ma copine actuelle vient d’un milieu plus proche du mien, moins bourgeois et qu’elle n’est pas élitiste pour un sou. Plein de raisons qui font que je suis plus à l’aise avec elle. »
Pour Julia, tout aurait pu bien de passer si seulement elle avait insisté auprès de sa copine de l’époque. Pour elle, si elle gagnait plus d’argent, il était donc logique qu’elle investisse davantage financièrement. Mais parfois il n’est pas si facile que ça d’accepter d’être dépendante.
« En fin d’école d’ingénieur / début de vie active, je suis sortie avec une fille de huit ans plus âgée que moi. À la fin de mon école et avant d’avoir un travail, je squattais chez elle car je n’avais pas de revenus. Elle était au RSA et faisait des petits boulots en tant que masseuse érotique et ponctuellement de la prostitution.
Du coup c’est moi qui dépendait d’elle. Au bout de quelques mois, j’ai obtenu un travail d’ingé à Paris alors qu’on vivait à Grenoble. J’ai commencé avec un salaire de 1900 euros net, soit bien plus que son RSA. J’aurais pu largement subvenir à nos besoins de toutes les deux si elle était venue m’accompagner à Paris.
Mais elle souhaitait rester indépendante, ce que je peux comprendre, alors je ne lui achetais jamais grand chose, pas même souvent ses billets de train. Quand je pensais que parfois elle se prostituait pour payer un billet pour me voir, ça me mettait mal à l’aise, mais je ne pouvais pas y faire grand chose. Elle était plus âgée que moi, elle n’avait donc pas à être à ma charge, et c’était une tête de mule. Donc malgré ce que j’aurais pu et voulu lui offrir, elle n’aurait pas pu beaucoup en profiter.
Finalement on s’est quittée car elle habitait bien trop loin, et même si elle venait chaque fois quelques semaines à Paris, elle ne voulait pas y vivre et s’ennuyait à mourir à faire la « femme au foyer » ce que je peux comprendre. A la réflexion je me demande si je n’aurais pas dû plus insister en mode « shut up and take my money ». Car je l’aimais vraiment mais n’ai pas pu assez lui offrir.
J’aurais presque préféré rester comme elle à vivre dans des squats, voyager et vivre au jour le jour. Moins que la différence de revenu, c’est aussi la vie de salarié attachée à une boîte / à une ville versus quelqu’un qui vivait au RSA et de petits services donc plus libre de mouvement, qui a changé la donne. »
Enfin, parfois le problème n’est pas la différence de salaire dans le couple mais comment les personnes gèrent cette différence. Valérie a vécu une mauvaise expérience avec une femme qui avait un train de vie plus grand qu’elle.
« J’étais en couple avec une femme qui « » »gagnait » » » beaucoup plus que moi. En fait il s’agissait d’argent de poche : ses parents étaient riches et divorcés, son père devait donc verser une pension conséquente à ses deux filles jusqu’à leurs 25ans (2000€/mois sans travailler).
A l’époque où je l’ai connue je travaillais à mi-temps en plus de mes études. Je touchais 500euros/mois et j’avais économisé un peu au cours du temps. Elle habitait à Rennes, moi à Orsay, donc on se voyait le week-end. Vu que je bossais le week-end, j’ai du arrêter pour être avec elle (donc je touchais 100euros d’argent de poche de la part de mes parents). Je faisais malgré tout mon maximum pour payer la moitié de nos dépenses communes (nourriture + sorties dont elle était friande puisqu’elle avait les moyens). Je devais me débrouiller pour payer les trajets vers Rennes toutes les deux semaines, et vers Paris une semaine sur deux (car on ne passait jamais le WE chez moi, donc j’étais toujours celle qui dépense…). J’ai utilisé toutes mes économies dans la relation, et au moment de la rupture elle m’a reproché de lui avoir « coûté cher » en raison des cadeaux qu’elle m’avait payés et des quelques sorties (demandées par elle), que je n’avais pas pu assumer financièrement… »
Quand on a une grande différence de salaire dans le couple, il est parfois difficile d’arriver à un compromis, mais il s’agit surtout de faire se croiser deux mondes différents. S’il est plus facile de trouver un compromis quand on a grandi dans des milieux assez proches, je ne pense pas qu’il soit impossible de trouver un terrain d’entente quand on vient de milieux très différents, mais cela sera sans nul doute infiniment plus complexe. Et vous, avez-vous déjà été confrontées à des tensions liées à l’écart de salaire avec votre copine ?