Concevoir un clitoris avec une imprimante 3D, le défi d’Odile Fillod

Verlaine le célébrait en 1889, dans les murmures d’une rousse à une blonde « Laisse errer mes doigts dans la mousse/ Où le bouton de rose brille/… Afin que le plaisir, ma chère/ Illumine ton front candide/ Comme l’aube l’azur timide ». Et certainement tout était dit.

Il a fallu attendre 1998 pour avoir un schéma anatomique du clitoris et pour que la dichotomie des orgasmes clitoridien ou vaginal soit invalidée, 2009 pour que le point G soit identifié. Des siècles de littérature scientifique excentrique et de poésie ont accouché d’une éloquente liste pour désigner cet organe qui manque aux hommes : bigorneau, bigounet, perle, lentille, framboise, languette, clochette, gâchette, tentation, aiguillon de volupté, nympha…

Maïa Mazaurette et Damien Mascret constataient déjà dans leur précieux essai La revanche du clitoris, publié en 2007, que le clitoris était l’objet d’une « excision culturelle » massive et très enracinée dans nos sociétés occidentales. Les théories freudiennes et tous les discours normatifs androcentrés ont rangé la stimulation clitoridienne au rang de sexualité « immature » pour sacraliser la pénétration vaginale, sésame d’un orgasme « adulte ». Le tout dans le plus grand déni des mécanismes du désir et du plaisir féminins, car pas de plaisir féminin sans stimulation clitoridienne. Une évidence me direz-vous.

Le langage, les institutions et toute la culture ont participé à l’invisibilisation du clito. Cette petite chose donc, certes délicieuse, fricative et érectile, mais assez futile voire accessoire pour pas mal de monde. On sait depuis quelques années que le clitoris est un organe complexe de 10 à 12 cm qui se déploie de part et d’autre du vagin, et grâce au travail d’Odile Fillod, on pourra maintenant imprimer un clito 3D à taille réelle.

Car la méconnaissance autour du clitoris reste inscrite au sein de l’école où les manuels scolaires n’offrent que rarement des schémas de l’organe dans son intégralité et n’expliquent pas ou peu son rôle dans la sexualité. Odile Fillod, chercheuse indépendante et auteure du blog allodoxia « Observatoire critique de la vulgarisation », a donc élaboré un modèle imprimable en 3D à taille réelle dans l’optique d’un enseignement plus rigoureux en classe de SVT avec l’aide du FabLab de la Cité des sciences et de l’industrie de Paris-La Villette. Un projet qui fait écho aux préoccupations du Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes (HCEFH) qui remettait le 15 juin dernier aux ministres concernées son rapport relatif à l’Éducation à la sexualité en soulignant : « il est urgent de généraliser l’éducation à la sexualité, partie prenante de la construction des jeunes en tant que citoyen.e.s ».

Et si vous voulez être rigoureuses mais légères en même temps, je vous rappelle la création lancée par le collectif niçois LES INFEMMES L’Antisèche du clito, un fanzine tout à fait exact et parfaitement drôle, à télécharger pour l’imprimer tranquille à la maison. Je vous recommande aussi la promenade dans les créations clitoridiennes répertoriées par le blog d’anatomie politique et ludique Clitoris Invaders.

On finit par le message de paix-et-amour des Niçoises dans une auto-interview :

« le clitoris est pacifique, entièrement, exclusivement et souverainement dédié au plaisir. C’est le seul organe de l’espèce humaine dont la seule et unique fonction est de produire du bien-être ».

AMEN

Merci à cLaire

Isabelle Mornat

Isabelle aime les cabinets de curiosité et la vieille techno hardcore, la confusion des sens et les concentres Harley au clair de lune.