Aucune autre époque n’a autant exposé le corps des femmes. Notre nudité est visible partout : dans la publicité, à la télévision, au cinéma, dans la rue… Quand un homme est habillé, la femme, elle, sera souvent nue. Outre ce traitement sexiste de la nudité, le problème avec celles des femmes, c’est qu’elle est constamment érotisée, sexualisée et tournée vers le regard masculin. La nudité des femmes n’existe que rarement pour elles ; le corps des femmes n’est jamais montré tel qu’il est : des os, de la chair et des muscles. Une âme, un esprit, une personnalité dans de la matière. Ni plus ni moins.
Alors pourquoi toujours parler de sexualité quand on parle du corps ? Quand on parle du sexe même, de la vulve, de la chatte, pourquoi toujours en parler de manière érotique alors que notre rapport à notre corps n’est pas seulement sexuel ? Il est aussi et surtout émotionnel.
Tout ceci mène au sujet d’aujourd’hui que m’avait suggéré une amie il y a quelques temps : sommes nous nombreuses à nous toucher le sexe (ou une autre partie du corps) de manière automatique, sans intention particulière consciente ou sans intention sexuelle ? Et en effet, vous êtes nombreuses !
« Je le fais tout le temps et si j’ai les poils longs, je passe du temps à les entortiller, les coiffer, les tripoter… Parfois je tiens mon sexe, comme si je le cachais ou le protégeais, parfois même un peu fort, comme si je l’étouffais, ça c’est quand j’ai une sorte de tension sexuelle désagréable, un truc physique comme de l’impatience dans les jambes. De toute façon, chez moi je suis à poil tout le temps donc déjà ma chatte est à portée de main. Et puis parfois, on dirait que je la checke, comme pour voir si tout va bien, ce qu’elle sent, le goût qu’elle a… La plupart du temps ça n’a rien de sexuel, c’est juste un endroit de mon corps que j’aime toucher, je le fais naturellement, sans y penser. Parfois je me dis que ça craint, j’ai pas toujours les mains hyper propres et puis c’est presque une manie, comme sucer son pouce. Je me suis toujours demandée si toutes les meufs faisaient ça ou non et comment elles expliquent ce geste. Parce que moi j’ai du mal à l’expliquer… » nous affirme Marie.
Mais elle n’est pas la seule à dire qu’il s’agit d’un geste régressif, comme le fait de sucer son pouce, un automatisme qui permet de se sentir protégée, comme dans un cocon. Mélanie a le sentiment qu’il s’agit aussi d’un geste automatique qui rassure :
« Comme Marie, j’ai souvent la main sur le sexe quand je vais me coucher. Substitut du pouce ? Je ne sais pas. C’est rassurant, chaud, pas sexuel dans mon cas. Sinon, en journée chez moi, je peux être amenée à me toucher les poils, comme si je devais vérifier quelque chose, c’est très mécanique, je le fais aussi avec mes cheveux. Disons que comme je ne le vois pas, je le touche, comme pour m’assurer de quelque chose, que tout est en place, qu’il n’a pas « disparu » , c’est un peu ridicule dis comme ça, totalement inexplicable sur un plan rationnel, marrant de voir que nous sommes plusieurs dans ce cas ! La psychanalyse a oublié ce champ. »
En réalité, je crois que ce n’est pas si irrationnel que ça de se toucher le sexe sans intention apparente. Le corps a besoin d’attention émotionnelle, de se toucher lui même. Chaque partie du corps a besoin d’être en contact avec d’autres parties, comme un tout, parce que le corps n’est pas qu’une matière, il est aussi une énergie. C’est ce que semble penser Laura :
« Un magnétiseur m’a dit une fois que je le faisais pour me ressourcer, pour faire bouger les énergies et je pense que c’est un peu vrai. »
De plus, la plupart des filles qui ont témoigné pour cet article, remarquent le faire le plus souvent avant de s’endormir ou au réveil :
« J’ai presque toujours la main sur mon sexe avant de m’endormir, je m’en rends compte souvent en me réveillant. C’est un automatisme que j’ai depuis petite, cela ne veut pas forcément dire que je veux me masturber. Je pense que je fais ça pour m’endormir ou me rassurer. J’avais mon doudou petite, maintenant, j’ai mes poils. » ajoute Diane.
Eh oui, en fait, se toucher le sexe, c’est un peu comme avoir un doudou : « J’allais écrire que c’est comme avoir un peluche dans les mains avec lequel on joue plus ou moins consciemment, qu’on entortille, qu’on sent. D’ailleurs, quand je bosse sur mon ordi à la maison, j’ai toujours une main sur l’ordi, une autre dans ma culotte qui joue sans que ca n’ait rien de sexuel du tout. En revanche comme je prête beaucoup d’attention aux odeurs corporelles, notamment les miennes que j’aime particulièrement, j’aime beaucoup sentir mes doigts entre temps, je trouve que mes odeurs ont quelque chose de rassurant. Une espèce de doudou en somme. » explique Sophie.
Mais comme le font remarquer les commentaires d’Isabelle et Olivia, ce n’est seulement le sexe qu’on se surprend à toucher par automatisme :
Isabelle, elle, se touche souvent le sein :
« On m’a fait remarquer à plusieurs reprises que je me touche souvent un sein, ou plutôt, je pose ma main dessus, en toute circonstance, publique ou non. C’est inconscient : comme certaines personnes peuvent se toucher le visage ou les cheveux, et bien moi je pose ma main sur un de mes seins, plus particulièrement le gauche. »
Tandis qu’Olivia elle, adore se toucher les poils des aisselles :
« J’ai remarqué que je faisais la même chose avec mes poils sous les aisselles quand je les laisse pousser… c’est doux… Un fétichisme du poil peut-être. »
Relève au doudou, rassurant ou fétichiste ? Peu importe ! Se toucher, se caresser sans intention sexuelle permet d’appréhender son corps, de le comprendre, voire même de l’aimer. C’est peut-être même quelque chose d’essentiel ou un besoin de sentir que notre corps est bien là, une manière comme une autre de construire son identité.
Sarah
Photo 2 : Jordan Brandon