Le festival international de films de femmes de Créteil aura lieu du 14 au 23 mars. Pour l’occasion, Jackie Buet, sa directrice et cofondatrice revient sur les débuts de l’aventure et nous présente l’édition 2014.
BBX : Le FIFF existe depuis 36 ans déjà…
Jackie Buet : Le festival est né en 1979. Je suis là depuis le tout début, depuis sa création à Sceaux (Hauts-de-Seine). Après, quand le festival s’est développé et qu’il est devenu plus important, on a décidé de changer de lieu parce que celui qui l’hébergeait était devenu trop petit. A ce moment-là, on a essayé plusieurs équipements autour de Paris. On avait envie de rester en banlieue. On se disait qu’il était important de participer à l’existence de choses qui comptent du point de vue de la culture en banlieue. On est d’abord allées à Nanterre puisqu’il y a la Maison de la culture de Nanterre « Les Amandiers » qui était à l’époque dirigée par Patrice Chéreau. Bobigny avait une assez grande Maison de la culture aussi. Et puis finalement, c’est Créteil qui nous a convaincues. On a eu un accord assez rapidement de la part de la Maison des arts où nous sommes actuellement ainsi que de la ville. Ce qui important parce qu’il était primordial pour nous de trouver un peu de financement.
C’est alors que vous nouez un partenariat avec « La Lucarne » ?
Tout à fait. Il s’agit d’un cinéma de quartier, qui en plus a un label « salle de recherche ». C’est une petite salle de 90 places qui a une histoire très chouette autour du cinéma d’auteur et du cinéma à faible distribution. Dès notre arrivée à Créteil en 84, nous avons commencé à collaborer avec cette salle en créant des programmes communs. Par exemple, nous avions mis à l’honneur des réalisatrices black américaines, nous avions fait venir Angela Davis, c’était une année formidable. Chaque année, on renouvèle ce genre d’évènements. Cette année, ce sont les Vietnamiennes qui sont à l’honneur. On essaye de faire découvrir des cinémas qui ne sont pas extrêmement connus.
La tribune que vous dédiez cette année aux réalisatrices Vietnamiennes rentre dans le cadre de l’année France – Vietnam. En quoi il était important d’honorer ce cinéma ?
On connait assez mal le Vietnam en France. On a de vagues souvenirs de la guerre américaine et de la guerre française au Vietnam. Les jeunes générations ont « Apocalypse Now » pour film référence. Mais nous avons essayé de trouver des réalisatrices qui ont une vue du Vietnam d’aujourd’hui. D’ailleurs, on a vu un film lesbien que nous avons décidé de ne pas prendre parce qu’il était pratiquement impossible de le faire sortir du pays mais il est consultable en archives dans notre centre. Pendant le festival, on ouvre nos archives aux professionnels, aux journalistes et donc on peut consulter des films qui ne sont pas forcément dans le programme mais qui sont pour autant très intéressants.
Ce travail d’archivage est réuni dans IRIS, un centre de ressources propre au festival. De quoi s’agit-il ?
Ce centre de ressources est ouvert toute l’année. Par exemple, cela fait longtemps qu’on travaille avec Cineffable (le festival international du film lesbien et féministe de Paris). Ses organisatrices viennent visionner des films plutôt axés sur la dimension lesbienne et LGBT car il y a des tas de films que nous ne pouvons pas prendre. On en visionne pratiquement 2000 et on en retient 130, ce qui est déjà pas mal. Du coup, le reste est un outil de travail pour d’autres.
Dans les 130 films que vous avez retenus, y en a-t-il beaucoup qui traitent d’homosexualité ?
Il y en a quelques uns cette année dans les fictions sélectionnées mais pas énormément. Nous n’avons pas eu beaucoup de propositions, c’est bizarre. Je trouve que c’est propre à cette année. Il y a ce documentaire vietnamien dont je vous parlais, qui est un peu maladroit mais qui est un témoignage finalement assez intéressant sur des couples de femmes. On a aussi un court métrage lesbien australien ( « Magic Miles ») très chouette ! C’est l’histoire de deux filles qui partent en voyage… avec une dimension photographique très importante puisque tout est recadré dans le film.
Pourquoi avoir opté, contrairement à Cineffable, pour un festival mixte ?
Ce n’est pas parce que je suis contre la non-mixité mais depuis le début, on a souhaité que le cinéma des femmes soit connu de tout le monde. Et c’était surtout pour répondre à l’absence des femmes à Cannes que je trouve assez scandaleuse parce qu’en 67 ans de festival, seule Jane Campion a eu la palme d’or. Chaque année, en sélection officielle, il y a une femme, deux femmes au grand maximum, ce n’est même pas 5 %. Donc, nous nous sommes dit qu’on voulait travailler en direction de toute la profession tout en favorisant les femmes dans nos programmes.
Photo de couverture : « Ana Ana » de Corinne van Egeraat et Petr Lom (compétition documentaire) Pour en savoir plus : http://www.filmsdefemmes.com/
Propos recueillis par Rania