Attache-moi: bondage et fouet (à la Playnight)

La page Wikiépédia sur le BDSM est riche en informations mais cette pratique qui utilise la douleur, la contrainte ou l’humiliation est souvent mal vue. Parfois perçue comme une pratique déviante, elle peut être aussi perçue comme une pratique remettant en scène la domination (patriarcale). Mais le BDSM est une véritable prise de pouvoir sur les personnes qui le pratiquent, peut-être encore plus pour les femmes.

Le BDSM ce n’est pas forcément ce que me dit la page Wikipédia, ni ce que je lis dans la presse, ni ce que j’entends dans les médias. Il ne s’agit pas que d’une pratique ou d’une expérience éphémère pour certaines personnes, mais aussi d’une philosophie de vie, d’une mise en pratique de fantasmes et de désirs variés.

Depuis  quelques mois maintenant, la Playnight organise des ateliers bondage et fouet et nous initie doucement mais surement à l’une des lettres du BDSM. Afin d’aller au delà de ce que je connais du BDSM, j’ai posé des questions à Meyko qui co-anime l’atelier bondage :

BBX : Qu’est-ce que le BDSM pour toi ? Qu’est-ce qu’il n’est pas ? Peux-tu nous parler de ses pratiques ?

Le BDSM, c’est, pour moi, un jeu de domination/soumission, peu importe les moyens que ce jeu implique. Ce sont vraiment des pratiques qui dépendent aussi des personnes. Ça peut être des expériences comme ça, dans des soirées, de manière assez décousue, ça peut être une pratique régulière ou voir carrément une philosophie de vie. Mais on pratique pas forcément le BDSM uniquement dans le milieu BDSM ou dans des soirées, c’est un truc que tu fais très bien chez toi. Ce qui est intéressant en soirée, c’est le regard des autres, ça renforce parfois le sentiment d’humiliation.  Je sais que certaines personnes ont du mal avec ce terme mais pour moi, l’humiliation ici, dans ce jeu, ou même dans cette philosophie de vie, c’est quelque chose d’hyper puissant. Tu fais le choix d’être dominée par quelqu’unE, ça demande une véritable confiance en l’autre. C’est une profonde communication entre les personnes impliquées, avec des règles. Ça ne se pratique pas comme ça. Ça demande une connaissance minimum de l’autre et de ses limites mais aussi de ses propres limites. C’est pour ça que c’est vraiment intéressant en terme d’échange entre deux personnes, parce que c’est un abandon, une prise en main par l’autre et totale de son plaisir, voir de sa vie parfois. Pour moi, les règles que demande le BDSM et même la philosophie qui s’en dégage, tel que je le conçois, devraient être adaptées à n’importe quel type de relation. Ca demande une telle capacité à communiquer et une approche tellement respectueuse de l’autre qu’il faudrait appliquer ça partout.

BBX : Qu’est-ce que le BDSM t’a apporté ? Que te fait-il ressentir ?

Pour moi, c’est quelque chose de puissant, véritablement. Et plus particulièrement dans le milieu entre « meufs », queer ou à la Playnight, ça m’a apporté une petite confiance en moi. C’est assez étonnant parce que je n’ai pas beaucoup de confiance en moi, mais apparemment, animer cet atelier m’a apporté un certain charisme. Les personnes qui viennent me complimenter à la Playnight par exemple, je suis sûre qu’elles ne me remarqueraient pas dans une soirée plus « normale ». Mais c’est aussi hyper puissant de savoir qu’on choisit d’être soumise aussi, c’est un vrai empowerment pour moi. Au delà du fait que j’ai l’air d’avoir plus confiance en moi, c’est une prise de pouvoir sur mon propre désir et aussi mon corps. A la différence de soirées lesbiennes plus basiques, ici, je ne me sens pas jugée, tu peux t’habiller comme tu le sens, tu es bien avec ton corps peu importe comment tu es foutue et à quoi tu ressembles. Mais ce qui compte dans le BDSM, c’est ce choix fait d’être soumise. Ce n’est pas imposé. Finalement, ce n’est pas une question de savoir qui domine qui, c’est un choix, un échange entre deux personnes, un accord sur la place de l’une et la place de l’autre, que ce soit ponctuel, régulier ou carrément quotidien.

BBX : Peux-tu me donner ton point de vue sur les soirées BDSM en général et le BDSM dans le milieu queer ou comme ici à la Playnight ? 

Ah, un truc que j’ai remarqué dans les soirées BDSM non queer, c’est que c’est vraiment hétéronormé. Il y a des micromilieux avec des fantasmes précis parfois, mais il reste toujours quelque chose de commun à ces sous-milieux, quelque chose de transversal , c’est que l’homme est souvent le dominant. Pour pratiquer le BDSM avec des femmes dominantes, il faut aller dans une de ces sous-soirées du BDSM, comme si c’était quelque chose de plus particulier, je trouve ça vraiment dommage. Il n’y a pas véritablement de remise en question, de jeu finalement de domination puisque c’est toujours le même qui domine, et je le regrette. A la Playnight, le remise en question est évidemment plus forte et plus intéressante parce que ce sont généralement des « femmes » ou des personnes trans qui viennent à la soirée. Le jeu est aussi plus libre parce qu’il n’y pas d’homme cisgenre qui va te dominer, je me sens personnellement beaucoup plus libre. Puis dans le milieu BDSM, il y a aussi des codes : il faut être belle, bien foutue. Puis les soirées BDSM n’échappet pas aux codes de beauté de la société actuelle. A la Playnight, ou en tout cas comme je l’ai expérimenté, j’ai l’impression d’échapper à cette injonction, à ce jugement de valeur. C’est tellement plus libérateur.

Propos recueillis par Sarah

La prochaine Playnight aura lieu le 21 février, toutes les infos ici.

Illustration : Clémence Thune

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.