POLY MON AMOUR, MES AMOURS POLY – 3

Dernier dimanche d’Août, sans qu’il soit vraiment le dernier de l’été – suite et fin de notre enquête sur le polyamour.

Pour cette dernière partie, je souhaitais creuser les relations polyamoureuses dans leur organisation et leurs questionnements, puis après réflexions et quelques échanges assez violents à ce sujet sur internet, j’ai décidé de faire de cette dernière partie un coup de gueule.

Malgré toutes les nuances que j’ai pu mettre dans les deux précédents articles concernant le polyamour, malgré les pincettes et le recul que j’ai tenté de prendre, l’article a été sujet à de vives critiques, mais surtout à de vifs jugements sur les relations polyamoureuses. J’ai ainsi pensé que cette dernière partie pouvait permettre de mettre les points sur les i sur le polyamour.

Il y a quelques temps déjà, j’ai publié un texte personnel sur le polyamour sur ma page facebook qui faisait suite à mon coming out de polyamoureuse. Fin de printemps 2013, j’annonçais enfin à mon entourage que la monogamie ne me convenait plus et que malgré toutes les tentatives, ma décision était prise de ne plus m’enraciner dans des types de relations qui ne m’allaient pas. Mais…faire son coming out (si tant est qu’il y ait besoin de faire un coming out) de polyamoureuse, c’est comme faire celui de lesbienne. Nous avons droit aux mêmes types de réflexions :

« C’est parce que tu n’as pas rencontré la BONNE personne, tu verras quand tu tomberas VRAIMENT amoureuse »… 

Cela ne vous rappelle rien ?

« Non mais tu n’as pas rencontré le BON MEC, tu verras quand tu tomberas amoureuse d’un homme POUR DE BON… »

Certaines personnes se permettent ainsi de remettre en cause nos sentiments et nos émotions, parce que « Tu comprends, dans le polyamour, tu n’aimes pas VRAIMENT les personnes… tout au plus, tu les apprécies, tu les adores ou les désire…mais concrètement, tu ne PEUX PAS aimer plusieurs personnes à la fois, la nature humaine est exclusive en amour… ». BLA BLA BLA BLA

NON.

Qui a défini que l’amour, le VRAI était exclusif ? Et concrètement, qui peut répondre à la question : C’est quoi l’amour ?

PERSONNE.

Personne ne peut définir l’amour, le désir amoureux, le désir sexuel. On ne sait pas ce qui déclenche quoi. Il y a quelque chose d’irrationnel dans l’amour et chercher à raisonner des sentiments et des émotions c’est comme chercher à savoir pourquoi on désire et aime une personne du même sexe : ça n’a strictement aucun intérêt. Et tout au pire, c’est chercher la cause pour l’éradiquer.

Annoncer qu’on est polyamoureuse, c’est faire face à des jugements parfois violents émotionnellement : « Tu as envie de papillonner en fait, tu ne veux pas vraiment t’impliquer dans une relation, enfin…tu as peur de l’engagement non ? Tu ne fuis pas quelque chose ? Et tes parents, ils sont comment tes parents ? …Mais tu as 27 ans maintenant, il serait temps de te poser…l’horloge tourne… »

HUM.

Plusieurs points à éclaircir.

Premier point :

Etre une personne polyamoureuse ne signifie pas qu’on a peur de l’engagement, bien au contraire, on a bien envie de s’engager, mais pas dans une unique relation. On tombe amoureuse d’une personne, puis d’une deuxième, pourquoi devrait t’on arrêter la première pour la seconde ? Quel mal y à t’il à aimer plusieurs personnes ? En quoi aimer une seule personne est-il mieux que d’en aimer plusieurs ?

Et, quel mal y’aurait-il aussi à ne pas vouloir s’engager ? Que mettons-nous dans l’engagement?

L’exclusivité sexuelle et amoureuse ? Des enfants futurs ? La rencontre des parents ?

Ca veut dire quoi s’engager, concrètement ? Ne mettons-nous pas des choses différentes dans ce terme ? Même dans le cadre des relations monogames, aucun couple n’y met la même chose, pourquoi en serait-il différent pour les couples polyamoureux ?

L’engagement, cela pourrait être accorder une place privilégiée à certaines personnes dans nos vies, dans nos cœurs et dans notre temps, sur une période non définie. On peut s’engager en amitié, en amour, en famille, dans une association, une activité…L’engagement n’est pas quelque chose de figé, et sa constitution n’est pas quelque chose d’universelle.

Second point :

Qu’est-ce que veut dire « se poser » ? Quelle est la définition de cette expression ? Si cela signifie se mettre dans une relation exclusive, dans une vie tracée dont on voit à peu près où cela va nous mener, à envisager de façon presque immédiate une vie de famille…ce n’est pas cela, pour moi.

« Se poser » peut vouloir dire d’être enfin en phase avec ses principes, avec ce en quoi croit en croit, avec ce qui nous convient ; c’est peut-être prendre des décisions plutôt que de laisser les choses pourrir d’elles-mêmes, c’est savoir un minimum ce que l’on veut et agir en conséquence de ce que l’on sait, ;c’est arrêter de mentir aux autres et de se mentir à soi.

Et enfin, on n’est pas obligé non plus de se poser. Il n’y pas un âge qui nous dit « Maintenant, pose toi ».

Pour finir…quelle horloge ?

Les personnes plyamoureuses n’ont pas plus peur de l’engagement que les personnes monogames. On pourrait aussi dire que les monogames en série ont aussi peur de s’engager…mais qui peut se permettre de juger les relations et les émotions d’autrui ? Qui peut dire à notre place ce qui est bon pour nous à part nous-mêmes ?

Le bonheur des unEs n’est pas le bonheur des autres.

Personne n’accorde la même valeur aux relations, à l’amour, à l’amitié, au désir, au sexe, à toute chose, finalement.

Le polyamour n’est pas la réponse universelle à tous les problèmes de couple et de relations. Le polyamour est une « alternative » à la monagamie pour les personnes qui ne s’y épanouissent pas dedans. Le polyamour est une réflexion sur ses émotions, sur notre rapport aux autres et notre rapport à nous-même. C’est aussi une réflexion sur notre confiance en nous et ce qui nous constitue. Le polyamour est une façon de vivre ses relations de façon non exclusive et si possible dans le cadre de dialogues et de beaucoup de communication.

Communication dont beaucoup de couples en général auraient à gagner si elle était vraiment présente.

Et finalement, le polyamour recouvre des réflexions et des parcours de vie trop différents pour que l’on puisse se permettre de parler pour les autres.

Ainsi, cet article coup de gueule, bien qu’il doit parler en nom de nombreuses autres personnes, il parle surtout en mon nom.

ENFIN.

Mon coup de gueule voudrait aussi interpeller les associations LGBTQ qui, pendant les manifs anti mariage gay et les discours homophobes, n’ont jamais déclaré que mettre sur le même plan l’inceste, la pédophilie et la polygamie était déplacée. Parce que ça l’est.

Avant même de pouvoir remettre en question les relations dans la société, faudrait-il pouvoir enfin, au sein de la communauté LGBT arrêter de catégoriser les « bons homos, trans » des « mauvais ». Ceux qui veulent une vie conformes aux attentes de la société hétéropatriarcale actuelle (sans jugement aucun) de ceux qui la remettent en question par leurs modes de vie, leurs relations et leurs réflexions.

Sarah

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.