Elles furent le premier groupe punk entièrement féminin: quatre adolescentes qui n’avaient pas la moindre idée de comment faire quoi que ce soit mais qui grimpaient sur scène pour chanter leur rage de vivre. Elle criaient au monde entier « allez vous faire foutre ! » s’amuse Greil Marcus dans son ouvrage Lipstick Traces.
Ari Up n’a que quatorze ans lorsqu’elle monte The Slits (les fentes…) avec Palmolive, Kate Korus et Suzi Kutsy, en 1976. Un an plus tard, de la formation originelle, seule Ari Up reste, les trois autres membres sont remplacés par Viv Albertine, Tessa Politt et Budgie (futur membre de Siouxsie and The Banshees), lui-même remplacé par Bruce Smith, en 1979. Des tribulations propres aux groupes punks dont la stabilité n’était pas le point fort.
The Slits ne savent donc ni jouer ni chanter mais leur charisme et leur personnalité ont marqué la période punk : Des filles aux longues dreadlocks (loin des iroquoises et des cranes rasés, clichés des punks) sans perfecto ni creepers, qui éructent sur des guitares non accordées et dont elles ne savent pas se servir.
The Clash les prennent sur leur tournée, White Riot dès 1977. Elles avaient fait leur première partie au Roxy de Londres : « elles auront à porter le double fardeau de leur sexe et de leur style, qui repoussent les limites du concept d’amateurisme éclairé… », raconte Greil Marcus. Joe Strummer et sa bande leur apprendront à jouer, à accorder leurs grattes et The Slits sortiront en 1979 leur premier album chez Island Records.
Sur la pochette violette, les trois membres féminins s’exposent en amazones recouvertes de boue, seins nus et longues dreadlocks. Eliminant du portrait le batteur Bruce Smith, The Slits conserve leur image de sauvageonnes, de punkettes et surtout de féministes ! Le seul groupe punk féminin se devait d’être représentatif ! Typical Girl (la chanson la plus célèbre du groupe) présente la femme moyenne, celle qui est enfermée dans le schéma patriarcal et qui ne parvient pas à s’en sortir. The Slits appellent à la rébellion et particulièrement celle des femmes.
Elles reprennent aussi I Heard Through The Grapevine, la célèbre complainte interprétée par Marvin Gaye en 1966.
Profondément inspirées par le reggae, The Slits sont proches de l’esprit des Clash diffusant un message à la fois de paix mais aussi de changement par le refus d’obéir. En 1982, Ari Up s’envole de Londres pour la Jamaïque où elle deviendra mannequin.
Leur second album sort chez CBS en 1981, Cut n’ayant pas obtenu de recettes suffisantes. The Return of the Giant Slits évacue le son rock que l’on retrouvait dans le punk pour devenir plus jazzy et l’Afrique devient leur continent d’inspiration principal.
Vingt-huit ans plus tard, l’ultime enregistrement du groupe, Trapped Animal est salué par la critique comme un album de la génération post-punk. Fidèles, The Slits reprennent leurs influences reggae qu’elles mêlent au dub et au ska. Mais la joyeuse bande n’aura malheureusement pas le temps de poursuivre sa carrière post-punk puisque le 20 octobre 2010, John Lydon (aka Johnny Rotten, l’ex- leader des Sex Pistols) annonce le décès d’Ari-Up des suites d’une longue maladie.
Ces femmes dénuées de tout talent musical mais dotées d’un don scènique inimitable ont su créer un punk intemporel. Well done !
Angie