Mafalda, la plus jeune anti-conformiste et féministe des héroïnes de BD

En 2009, La Repubblica publiait en double-page un dessin de Mafalda, héroïne de BD argentine, s’adressant à Berlusconi : « Non sono una donna a sua disposizione » (« Je ne suis pas une femme à votre disposition »). Ce dessin faisait suite à des déclarations sexistes de la part du premier ministre italien qui avaient déclenché une vague de réactions : plus de 97 000 femmes signaient un appel contre le premier ministre italien.

Le choix de publier alors le dessin de Mafalda, envoyé par son créateur Quino au quotidien en guise de soutien aux femmes indignées, n’est pas anodin : Mafalda est le symbole d’un esprit contestataire et anti-conformiste pour toute une génération dans le monde.

Mafalda naît en 1964 de la main de Joaquín Salvador Lavado (dit Quino) en Argentine. Elle apparaît pour la première fois dans l’hebdomadaire Primera Plana, puis connaît un énorme succès, devenu progressivement global, dans le quotidien El Mundo jusqu’en 1973.

La bande dessinée est toujours aussi brève qu’elle est efficace : en trois ou quatre vignettes, la petite fille de quatre ans s’interroge sur les problèmes économiques et sociaux du pays, sur les dysfonctionnements du système politique argentin, sur la pauvreté et la corruption, et sur les inégalités entre les hommes et les femmes. Le ton, malgré les sujets abordés, est toujours comique et léger.

Petite fille de son âge et de sa génération, Mafalda aime les Beatles, les pancakes et déteste la soupe. Elle appartient à une famille de la classe moyenne argentine et s’interroge constamment sur le pourquoi de certains ordres établis. Dans la bande dessinée elle apparaît souvent en train de lire, d’écrire dans son journal intime des réflexions beaucoup trop profondes pour son âge et de jouer aux échecs avec ses amis. Mafalda se cultive et rêve de devenir traductrice aux Nations Unies.

Elle méprise sa mère ayant abandonné des études supérieures et un début de carrière prometteur en tant que pianiste professionnelle, pour un mariage et un rôle de femme au foyer.

C’est souvent de cette tension entre les aspirations de Mafalda et la vie telle qu’elle la voit, de sa mère, qu’apparaissent des questionnements sur la place de la femme au sein de la famille.

Quino oppose également à Mafalda le personnage de Susanita, une de ses meilleures amies. Contrairement à l’héroïne de la BD, Susanita s’intéresse à toute sorte d’intérêts petit-bourgeois, elle est raciste, elle est superficielle, elle se soucie beaucoup de l’avis des autres et tout particulièrement du regard des garçons.

Si les personnages sont caricaturaux et représentent chacun différents aspects de la société argentine (qu’on peut retrouver au même moment en Europe ou dans d’autres pays d’Amérique latine), certaines planches laissent apparaître des personnages plus nuancés, ce qui les rend immédiatement plus sympathiques.

Les questions que soulève Mafalda sur la place des femmes dans les années 60, et sur son propre avenir sont à replacer dans une Argentine qui après avoir connu un fort mouvement féministe au début des années 50s avec Eva Perón et le péronisme, s’est vue coupée dans son élan par plusieurs coups d’Etat à partir de 1955.

Si en 1951, l’Argentine est le pays avec le plus de femmes au gouvernement, à partir de 1955 s’instaurent successivement des régimes conservateurs, catholiques et anti-communistes (c’est le cas dans bon nombre de pays d’Amérique latine à la même époque).

Mafalda, avec humour, est alors une des voix contestataires les plus importantes dans un contexte politique et social instable et conservateur. Plus de cinquante ans après, elle demeure une des héroïnes féminines de BD les plus célèbres dont les inquiétudes restent d’actualité.

 

 

Ana

Rousse des tropiques partageant un amour impérieux pour la peinture, les films de science-fiction et les voyages dans l'espace. Collectionneuse de gifs et d'images belles trouvées.