Ces femmes qui font l’histoire : Susan Sontag

Susan Sontag fait partie de ces écrivaines que l’on connait peu en France et qui a pourtant été l’un des piliers de la pensée critique contemporaine aux Etats-Unis.

Principalement essayiste, mais aussi romancière, Susan Sontag dit de son écriture qu’elle est intimement liée à son homosexualité. Ses journaux, publiés par son fils David Rieff après sa mort, mettent en lumière une personnalité étonnante, avide de liberté. En 2004, alors âgée de 71 ans, elle mourrait à New York d’une leucémie, accompagnée jusqu’au bout par sa partenaire amoureuse Annie Leibovitz.

Née en 1933 à New York, Susan Sontag a très tôt une intelligence exacerbée qu’elle exprime tant bien que mal. Incomprise sans doute, peut-être parce qu’elle était une femme, peut-être parce qu’elle était avide de liberté, ou tout simplement parce que ses questionnements remettaient en question l’ordre établi. Ce n’était pas seulement la justesse de son travail de recherche et d’écrivain qui faisait d’elle une essayiste de talent. Non, c’était aussi le doute constant qui l’habitait dans sa vie personnelle. Ses journaux mettent à nu une personnalité en mouvement, un caractère peu soluble dans la société, une incertitude présente tout au long de sa vie.

Précoce, elle entre à l’université à 16 ans et se marie à 17 ans avec Philip Rief avec qui elle aura un fils, David, deux ans plus tard. Philip Rief est aussi un homme de lettres avec qui elle collabore sur certains ouvrages. C’est surtout un partenaire intellectuel. Puisque Susan est attirée par les femmes, sa vie conjugale avec Philip est chaotique, bien qu’il lui apporte une stabilité émotionnelle qu’elle connait peu.

Les essais de Susan Sontag ne sont qu’une partie émergée de sa pensée critique et ses réflexions donnent vie à des ouvrages pointus. Ainsi, son essai De la photographie est devenu une bible sur ce que signifie le travail photographique tout comme ses ouvrages sur la maladie sont des essais essentiels : La maladie comme métaphore (1978), Le sida et ses métaphores (1988). Penseuse de son époque, Susan écrit aussi sur l’impérialisme et le communisme, elle prend part l’engagement politique contre la guerre du ViêtNam à la fin des années 1990. C’est à cette époque qu’elle commence à fréquenter la photographe Annie Leibovitz, après avoir vécu plusieurs histoires d’amour plus ou moins houleuses avec d’autres femmes: Harriet Sohmers Zwerling, Maria Irene Fornes, Nicole Stéphane, et  Lucinda Childs.

Mais ce que je retiens le plus de Susan Sontag, à part son fort engagement politique, ses essais philosophiques brillants et sa vie amoureuse assumée, c’est son regard acerbe sur le monde qu’elle exprime dans ses journaux.

« Quelle différence pourrait-il y avoir entre la situation d’une personne qui serait saine d’esprit tandis que le reste du monde serait fou, et celle d’une personne folle tandis que le monde serait sain d’esprit. Aucune. Leurs situations sont les mêmes. La folie et la santé mentale, c’est la même chose, prises isolément. »

Susan Sontag vit dans le doute constant. Cela fait peut-être d’elle un être émotionnellement instable mais je crois qu’on reconnait l’intelligence de quelqu’un à ses incertitudes.

Journaux et carnets de Susan Sontag: Renaître (tome 1) , La conscience attelée à la chair (tome 2) aux éditions Christian Bourgois, mai 2013, publé par David Rief, préface de David Rief.

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.