Antoinette Fouque, mort d’une féministe controversée

Celle qui a été saluée par plusieurs membres du gouvernement, dont la ministre des Droits des femmes, comme  une « grande voix du féminisme » est décédée ce 19 février. Sa disparition a été annoncée le 21 février, par ses proches collaboratrices. Co-fondatrice du Mouvement de Libération des Femmes (MLF), cette psychanalyste de formation parlait de 1968 comme de sa véritable « naissance ».

Un parcours féministe

A partir de là, elle trace un parcours intellectuel et militant atypique, revalorisant une « identité femme » au sein du féminisme. Poursuivant une thèse en lettres, elle avait rencontré en 1966 Monique Wittig, romancière et théoricienne féministe à un séminaire de Roland Barthes, essayiste et sémiologue français. Enseignante, elle se forme à la psychanalyse et obtient un doctorat en sciences politiques. Elle continuera ensuite à militer et sera ensuite députée européenne à partir de 1994 et jusqu’en 1999. C’est durant cette période qu’elle siègera notamment à la commission des Droits des femmes.

 En parallèle de ses activités politiques, elle mène une carrière d’éditrice et fonde une maison d’édition, Des femmes. Son objectif était de promouvoir la création féminine, sur la même ligne qu’Hélène Cixous, théoricienne et penseuse féministe de sa génération. Partant d’une même approche psychanalytique, Antoinette Fouque évoquait une géni(t)alité pour l’équivalent d’un génie « au féminin ».  C’est dans cette perspective de valorisation des femmes et de leurs productions qu’elle a terminé son grand projet d’un Dictionnaire universel des femmes créatrices quelques mois avant son décès, comme un point final à son activité.

Une pensée sujette à controverses 

Dans  l’élan d’effervescence militante et intellectuelle de Mai 68 (tout le monde baignait alors dans le post-structuralisme, cherchant à définir de nouvelles frontières dans sa discipline), elle fonde le groupe Psychanalyse et politique. Dans le sillage de Freud, elle s’interroge alors sur ce qui fait une femme, sur sa libido, sur sa psyché créatrice particulière et qui selon sa pensée, serait particulièrement « créatrice », de par la faculté des femmes à procréer.

Antoinette Fouque a longtemps été critiquée pour sa captation du MLF, dont elle avait déposé le nom, alors que ce mouvement politique était encore spontané et ne s’était pas encore pensé comme tel. Eclipsant quelque peu d’autres féministes telles Josiane Chanel, Monique Wittig ou Christiane Rochefort, on comprend que sa personnalité ne faisait pas consensus. Oeuvrant pour la libération des femmes, elle a également défendu la dépénalisation de l’homosexualité, tenant une position retrospectivement ambigüe quant au « système hétérosexuel » tel que l’a pensé Wittig et qu’elle ne remettait par ailleurs pas en cause.

S’il est vrai qu’Antoinette Fouque paraît aujourd’hui dépassée dans sa croyance d’une différence des sexes, (comme l’indique le titre de son ouvrage principal Il y a deux sexes : essais de féminologie, paru en 1995 chez Gallimard), on ne peut lui reprocher d’avoir placé le débat féministe dans le champ intellectuel. Sa volonté d’affirmer un sujet femme va certes à l’encontre du féminisme lesbien de Wittig et à sa suite, des théories queer et transféministes qui ont mis en crise le sujet « femme » des féministes.

Cependant, sa volonté de faire avancer la reflexion globale sur certains sujets nous fait voir que le féminisme est aussi fait par des penseuses, intellectuelles, un état de fait que la féministe ne pourrait renier. Dans le féminisme, il y a débat, débat d’idées et des visions du monde qui s’affrontent.

Saluons donc nous aussi la militante, ses initiatives pour revaloriser la création intellectuelle des femmes et laissons la psychanalyste de côté s’il le faut.

Bénédicte