L’ex de mon amie, l’amie de mon ex et mes exs

 « J’ai eu une amie qui est sortie avec un ex, deux exs qui sont sorties ensemble, je suis sortie avec l’ex d’une amie, sors maintenant avec une pote qui était aussi celle de mon ex, et ai une ex en couple avec une amie. »

Certaines d’entre nous préféreraient que le milieu soit moins incestuel, que les relations se croisent moins, d’autres pensent qu’il faudrait qu’il y ait un « code d’honneur lesbien » à respecter, un code d’honneur amical pour éviter les souffrances parfois engendrées par des relations qui se créent autour de nous. Cet article ne parlera donc pas seulement des croisements des relations mais surtout de nos amies qui sortent avec nos exs, de nos exs qui s’aiment à leur tour ou de nos désirs pour les exs de nos amies.

« Lorsqu’elles ont rompu, je n’ai pas voulu faire de choix entre les deux et j’avais envie d’être présente autant pour l’une que pour l’autre, d’autant plus que c’était C. qui s’était fait larguer de manière assez brutale et je ne voyais pas de raison à ne pas la soutenir alors que nous avions toujours entretenu des rapports chaleureux. Nous avons alors passé beaucoup de soirées ensembles, avec entre guillemets, ce « prétexte » de la rupture autour duquel se retrouver. J’étais peinée de ne pouvoir l’aider davantage et je m’inquiétais pour elle, bref, elle a commencé à vraiment faire partie de ma vie, nous discutions jusqu’à quatre heures du matin, on se faisait des dîners… Et un soir, alors que nous devisions culture, m’est apparu l’évidence : j’avais complètement craqué pour elle. » N.

Nous ne contrôlons pas vraiment vers qui tendent nos désirs et de qui nous tombons amoureuses. Nous pouvons choisir d’agir en fonction de ceux-ci seulement ? Que se passe-t-il lorsque cette personne que nous aimons ou désirons est l’ex d’une amie ? Et que devons nous faire ?

«  Je prendrais le problème dans l’autre sens en fait. Si, pour une raison ou une autre, une personne est peinée par le fait qu’une amie à elle sorte ou couche avec son ex, alors l’amie en question, justement parce qu’elle est son amie, devrait s’en abstenir, à moins que ce soit le grand coup de foudre, l’amour fou. Mais s’il s’agit simplement de coucher avec l’ex, l’envie de ne pas faire de mal à son amie devrait l’emporter sur le désir. » C.

Nous devrions sans doute nous abstenir donc dès lors qu’il s’agit d’un désir sexuel et pas d’amour ? Mais savons nous réellement de quel désir il s’agit dès le départ ? Devons nous nous abstenir et passer à côté d’une éventuelle histoire ou se laisser aller, quitte à blesser l’amie en question ? Ne s’agit-il pas en fait, non pas d’agir ou non en fonction de nos désirs ou de nos amies mais plutôt de la façon dont cela se fait ?

« Après je suis d’accord, il faut de toute façon être respectueux, c’est à dire a minima le dire, de préférence avant, pour savoir si son amie serait blessée par cela. » C.

« Je pense que plus que le degré d’amitié, ça dépend vraiment comment c’est fait. Je pense que par respect, il ne faut pas hésiter à le dire à l’amie en question, sinon on garde ça en nous, ce n’est pas forcément une meilleure idée. Il faut trouver un compromis peut-être, expliciter et faire comprendre qu’on a pas fait ça pour lui faire du mal. Mais il faut le dire, car ça finira par se savoir d’une façon ou d’une autre et je me sentirais personnellement plus respectée si on m’en parlait que si cela était fait dans mon dos, car dans tous les cas, si le désir est là, peu importe sa forme, il y aura des actions derrière, on peut pas l’empêcher, d’ailleurs, je ne crois pas qu’on en ait le droit ». S .

Mais nous pouvons également prendre le problème dans l’autre sens et penser à l’amie avant tout :

« La question n’est pas de savoir s’il est bon ou pas d’être peinée par cela (je pense que cela dépend vraiment des caractères, et qu’il n’y a pas de « bonne » manière de voir les choses sur cette question, seulement des manières différentes). La question est de savoir si l’amitié est plus forte qu’un désir ponctuel. » C.

Je ne suis pas certaine qu’il faille prendre la question en ce sens, ni même en le sens inverse. Finalement, il ne s’agit de savoir si notre amie sera blessée de notre action (elle le sera de toutes façons sans doute sans qu’il y aient eu d’actions derrière ces sentiments ou désirs), mais de savoir si une amitié sera menacée par ces désirs. Une personne qui tombe amoureuse de notre ex le fait rarement pour nous blesser.

« La question à se poser, au final, et c’est une question à se poser en toute sincérité : cette personne que j’appelais jusqu’à présent mon amie, me veut-elle réellement du mal ? Bien souvent, la réponse est non. » L. A.

Alors, où est véritablement le problème ? Parmi vos nombreux témoignages, le degré d’intimité avec l’amie en question a été évoqué, mais justement, plus vous êtes proche de votre amie, plus vous êtes à même de la comprendre et de ne pas la juger et de la respecter. Finalement, c’est l’égard que nous porte cette personne qui va déterminer notre façon de réceptionner cette nouvelle inattendue « Je suis amoureuse de ton ex ». Ce n’est pas une chose facile et on ne demande certainement pas à cette amie d’être enthousiaste à cette idée là. Mais ne s’agit-il finalement pas plutôt d’apprendre à travailler sur soi, sur sa propre confiance ?

« J’ai appris à gérer ces situations de relations ami-es/exes exactement de la même manière que j’ai géré le travail sur soi qu’a nécessité mon choix du polyamour. C’est à dire en travaillant sur l’estime de soi et sur mon ego, pour échapper aux mécanismes de la jalousie et de la possession. Aussi, pour moi il n’est ni question de blâmer l’ex pour se taper la copine ou la copine pour « oser » se taper un-e ex, mais plutôt de se dire « mais pourquoi n’ai-je pas suffisamment d’assurance pour pouvoir m’en foutre et me contenter de voir mes proches se faire plaisir ». Bref, le problème, il est en soi, et non chez les autres. La réelle déviance je la vois plutôt dans un « ami », qui exige, explicitement ou implicitement, que l’on ne doit pas toucher à ses ex. Mais qu’est ce qu’une amitié qui entend dicter à l’autre ses désirs et ainsi empiéter sur sa liberté ? Comme en couple, je pense qu’aimer en amitié de manière véritable, c’est le vouloir libre. » L. A.

Il serait malvenu d’exiger de chaque personne une capacité à s’introspecter, à prendre sur soi et à travailler son estime. Tout le monde n’en est pas capable. Mais c’est peut-être à nous aussi de rassurer l’autre, notre amie afin qu’elle ait les clefs pour comprendre que si on est tombée amoureuse de son ex ou si on a simplement couché avec elle, ce n’était pas pour la blesser.

Certaines personnes parlent de « code d’honneur lesbien » et semblent possessives avec leurs exs, voire, avec leurs amies , même s’il ne ‘agit pas que de désir de possession (puisque dans une relation amoureuse, de nombreux autres paramètres entrent en compte). Mais si code il doit y avoir, ne serait il pas mieux placé dans le respect et surtout la communication avec autrui plutôt que les réactions vives et parfois disproportionnées (même si elles sont totalement légitimes sur le moment).

Doit on avoir un code d’honneur dans le milieu lesbien plus particulièrement qu’ailleurs? Décréter que nos exs ne peuvent pas sortir avec nos amies n’empêche t-il pas la spontanéité de nos élans ?

« C’est déjà suffisamment difficile d’éprouver de l’attirance, de l’intérêt pour quelqu’un… Alors si par manque de bol ça tombe sur l’ex d’une amie, je ne vois pas qui saluerait l’effort de frustration et de droiture qu’on s’impose à soi-même en s’en privant. » F.

Et vous, que pensez-vous du « code d’honneur lesbien » ?

Sarah

 

 

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.