5000 parapluies contre l’homophobie

Pendant près de deux heures et sous une pluie battante, 5000 personnes se sont réunies mercredi soir devant l’Hôtel de Ville de Paris pour dire non à l’homophobie. Reportage.

La place était noire de monde, et la colère de ce petit monde tout aussi noire. Parapluie dans une main, pancarte dans l’autre pour certains, représentants d’associations, citoyens et élus se sont relayés hier sur le Parvis de l’Hôtel de Ville à partir de 20 heures. Après les intimidations à l’égard d’hommes politiques favorables au mariage pour tous, après le Printemps des associations vandalisé dans le Marais, c’est surtout le passage à tabac de deux couples homosexuels et le visage tuméfié de Wilfred affiché dans tous les médias qui ont donné lieu à ce rassemblement d’urgence.

« Les gens qui sont contre le mariage s’opposent à nos vies »

Dans la foule, compacte, le ras-le-bol est général. Coups de sifflets en rafale, Barjot, Boutin et Escada interpellés par les slogans et hués, leur tête, « Un des visages de la haine », placardée sur des pancartes.

Derrière ses verres de lunettes parsemés de gouttes de pluie, Laure, co-responsable chez Act Up de la commission prévention et égalité des droits, témoigne de la colère des militants : « On doit montrer qu’on est capables nous aussi d’occuper la rue, accaparée ces derniers temps par les homophobes, les extrémistes et les fascisants.» Pour elle, les partisans du mariage ne ce sont pas affirmés assez fermement jusque-là, et n’ont notamment pas donné de réponse forte aux manifestations anti : « Si l’homophobie s’exprime de façon exacerbée c’est aussi parce qu’on a laissé croire qu’il y avait un débat sur ces questions-là, qu’il y avait une égalité des points de vue, que c’était pas si grave d’être contre le mariage et l’adoption. Non, les gens qui sont contre s’opposent à nos vies, et ne pas vouloir de nos vies c’est comme vouloir notre mort. »

Des triangles, des cercles, des rayures, noire et rose ou arc-en-ciel, les bannières des associations LGBT étaient toutes là. Beaucoup de manifestants ont aussi tenu à venir dans une démarche individuelle, à l’image de Christine, un peu à l’écart en compagnie de son amie Sarah. « Moi je viens-là en mon nom, précise-t-elle, car je suis excédée. Ce n’est même plus de l’indignation, j’en ai vraiment plein les bottes ! J’ai 51 ans, donc ça fait 51 ans que je suis ostracisée, c’est long, c’est chiant. Je suis femme et homosexuelle donc je cumule. Je sais pas si les gens se rendent compte de ce qu’on vit. »

Accompagné de quelques amis, Guillaume, un grand blond aux yeux clairs, se sent lui aussi visé directement par le climat de violence actuel : « Wilfred, ça aurait pu être moi, n’importe lequel de mes amis, n’importe quand et dans n’importe quelle rue. »

« Il faut que ce débat redevienne digne »

Non loin de là, les gens se pressent autour d’Erwann Binet, le député PS et rapporteur du projet de loi sur le mariage et l’adoption. Celui qui se dit catholique pratiquant précise, avec beaucoup de calme : « Il fallait montrer notre exaspération parce que même si parmi les opposants il n’est pas seulement question d’homophobie, on voit bien qu’elle pousse sur ce terrain-là, elle utilise les manifestations anti comme une caisse de résonance. Il n’est pas acceptable de laisser penser que dans notre pays l’homophobie est quelque chose de normal ou un moyen d’exprimer son opposition à un texte. »

Lui-même victime d’intimidations et de menaces ces dernières semaines, le député d’Isère souhaite que ce débat prenne fin le plus vite possible : « Il faut qu’on arrive au bout, je souhaite que ce débat reste digne, ou plutôt le redevienne. Qu’on puisse sortir sans être face à des opposants qui vous entravent, comme ça nous arrive à nous, élus. La meilleure arme que nous ayons contre l’homophobie c’est de faire adopter ce texte : c’est la reconnaissance par la loi, par le code civil et par la société, des couples homosexuels. » Le mariage pour tous comme remède contre l’homophobie ? Un point de vue partagé par Caroline Mécary. La célèbre avocate du barreau de Paris qui défend les droits des LGBT depuis des années était elle aussi présente au rassemblement : « Il faut que la loi sur le mariage soit adoptée, car elle permet d’instaurer une égalité en droit, d’instaurer une égalité symbolique, et donc elle participe de la lutte contre l’homophobie. »

 

Charlie

 

Crédit photo: Chill O.