Not all men! #mode d’emploi

« Not all men », « pas tous les hommes » pour les hispanophones, est un # qui s’est fait connaître du grand public ces dernières années lors notamment de l’attentat masculiniste de Elliot Roger, et plus récemment lors du mouvement Me Too. Il est devenu le symbole d’une stratégie systématique ayant pour objectif de faire dévier les conversations sur le patriarcat. Vous avez peut-être déjà entendu cette réponse quasi instantanée à toute conversation mettant en cause les hommes, « qu’il ne faut pas faire de généralité », « ne mettons pas tous les hommes dans le même panier », « ce n’est pas inhérent aux hommes, mais aux %£*§&@ » … Au fond qu’est-ce que veut vraiment dire « not all men » et ses variantes ? Comment réagir et que répondre ? Par ici un petit mode d’emploi !

Aucune conversation ne cible jamais 100% de quelque chose.
Lorsqu’une conversation de ce type est amorcée il est évident qu’elle ne vise pas que tous les hommes de la terre mais ceux qui reproduisent le comportement cité. Lorsque l’on voit des pubs sur les dangers de l’alcool au volant, tous les conducteurs ne se sentent pas visés, ils savent que ces publicités ciblent les conducteurs buvant et conduisant en même temps. Et personne ne sent le besoin de crier « pas tous les conducteurs ! », les automobilistes trouvent même nécessaire de relayer le sujet, puisque l’alcoolisme au volant existe et qu’il peut avoir des conséquences mortelles.

Pourquoi est- il pertinent et nécessaire d’aborder certains comportements sous le spectre masculin ?
Certain.e.s pensent peut être qu’après s’être fait harceler dans un bar par un mec qu’on aurait eu envie de frapper avec un dictionnaire jusqu’à ce que la notion de consentement rentre, il suffit de se rappeler que tous les hommes ne sont pas comme ça pour se sentir mieux. Checking news ! Il n’en est rien. 
Bref, ça fait une belle jambe aux victimes que tous les hommes ne soient pas ainsi.

D’autant qu’à écouter les partisans du not all men, on en finirait pas se demander d’où sortent les 94 000 femmes victimes (ça fait un peu plus de 260 femmes par jour)  d’une tentative ou d’un viol en France en 2018. Il est donc important de souligner que les violences faites aux femmes sont systématiques.

Selon une étude de 2018, 86% des femmes ont été victimes à un moment ou un autre d’agression sexuelle dans la rue, cela ne comprend donc même pas les violences conjugales. D’ailleurs à ce propos, depuis le début de l’année 2019, 43 femmes sont mortes sous les mains de leur conjoint (celles-ci sont recensées par la page «  féminicides par compagnons ou ex » et sur une carte interactive ).

La dénonciation des violences faites aux femmes se heurte à un comportement de silenciation tout aussi systématique.

Les violences faites aux femmes sont majoritairement commises par des hommes. Selon le bilan gouvernemental : Insécurité et délinquance en 2018 : premier bilan statistique janvier 2019, les hommes sont responsables de ces agressions sexuelles à 97% .

Alors oui, tous les hommes ne sont pas des agresseurs pourtant il semble qu’il y ait une majorité des agresseurs qui soient des hommes. Le fait que majoritairement les hommes agressent et que les femmes subissent n’est donc pas un fait de hasard (pas à ce pourcentage, en tout cas). Il fait suite à un comportement systématique basé sur l’idée que les femmes ne sont pas les égales des hommes, que leurs corps sont à disposition et que leurs vies ne comptent pas. Ces agressions n’étant que la partie visible d’une société patriarcale nourrie à la culture du viol.

Il est donc pertinent et nécessaire de parler des hommes qui agressent et pas seulement des agresseur.es, puisque ceux-ci ne commettent pas leurs crimes pour des raisons diverses et variées mais basées sur un mode de pensée sexiste qu’il faut combattre. Lorsque les auteurs de violences sont presque tous reliés par un point commun, il est normal de se questionner sur le lien de cause à effet entre les deux. Les chances d’être attaqué.e par un requin sont de 1 sur 3 748 067, alors qu’une femme française à 1 chance sur 7 d’être agressée sexuellement… Pourtant la peur des requins est vue comme rationnelle alors que le fait d’être prudente envers les hommes est vu comme misandre.

Outil de silenciation ?
Alors me direz-vous, quel est l’intérêt du not all men, puisqu’il coule de bons sens que l’on ne vise pas individuellement tous les hommes ? Et bien en réalité, on se rend compte que l’une des spécificités du « not all men » est qu’il apparaît toujours dans un contexte de silenciation de la parole des femmes. À titre d’exemple vous entendrez rarement des hommes s’exclamer « Arrêtez les généralités, tous les hommes ne sont pas hétéro! », de même vous entendrez rarement des hommes s’offusquer lors de conversations ou l’on sous-entend que les hommes sont virils par essence. C’est donc dommage que cette réponse systématique et qui se veut de la non-généralisation ne s’applique en réalité que pour mieux renforcer le patriarcat, et non pas dans un but de déconstruction positive des normes sociétales. Ainsi sous couvert d’ouverture d’esprit et de tolérance la réelle portée de ces arguments et de dévier la conversation et nier le vécu des victimes.

Quand des victimes ont le courage de dénoncer des comportements sexistes, des violences, des agressions, du harcèlement, leur répondre que tous les hommes ne sont pas ainsi, c’est leur demander de se taire. De taire leur vécu. C’est leur dire qu’on ne veut pas savoir, qu’on ne veut pas entendre parce que d’autres ne sont pas ainsi et que donc leur vécu n’est pas légitime. Lorsque l’on sait que seulement 1 victime sur 8 porte plainte en cas d’agressions sexuelles (selon le dernier bilan publié par le gouvernement), on se dit que ce genre d’argument fait partie de pression sur les épaules des victimes. C’est quelque chose qui est trop souvent rencontré par ces dernières que ce soit de la part des femmes comme des hommes. Une fois de plus ce sont aux victimes que l’on s’en prend, plutôt que de se confronter aux coupables. Quant aux hommes ils doivent comprendre que ce n’est pas lors de discussion qu’il faut dire « not all men », c’est lorsque l’on est face à un comportement problématique qu’il faut s’interposer et montrer qu’on ne fait effectivement pas partie de cette catégorie.

Un homme commet un acte horrible envers une femme : « Elle aurait dû être plus prudente »/ Les femmes sont prudentes : « Pourquoi tomber dans la paranoïa ? Tous les hommes ne sont pas ainsi ! »

Lorsque l’on parle des hommes, de leurs comportements, ce n’est pas de tous les hommes à titre individuel dont nous parlons, mais du groupe social qu’ils représentent, du patriarcat et de ceux qui le perpétuent. Les hommes qui ne se font pas l’écho de comportements patriarcaux ne sont pas visés par ces discussions et vous savez quoi ? … Ils ne se sentent pas visés non plus. Alors pourquoi tant d’hommes se sentiraient visés par des comportements dont ils se disent non coupables ?… La réponse est sans doute dans la question !

Car si le féminisme est ouvert aux hommes, ceux-ci doivent auparavant mettre au clair leurs allégeances en tant qu’alliés.

Superman: Mais alors quel est mon rôle en tant qu’homme au sein du féminisme? / Femme : En bref, ton rôle est d’écouter ce qu’on a dire les femmes, déconstruire tes privilèges d’hommes, et de considérer tes congénères responsables de leurs actes.

Roxanne Valin

Globe-trotteuse et passionnément tête en l’air, elle adoucit son côté radical par son amour des chaussettes pilou-pilou et des macarons pistache. Elle parle genre, lutte des classes et patriarcat sans invitation. Sa devise « the personal is political »