Sortir de l’hétérosexualité, l’expo de la rentrée !

Sortir de l’hétérosexualité est sans doute l’expo la plus réjouissante de cette rentrée ! Du 24 septembre au 6 Octobre, avec plus de 25 artistes, des conférences et ateliers, cette expo féministe organisée par Des sexes et des femmes dissèquera le système hétérosexuel pour notre plus grand plaisir.

Des sexes et des femmes revient avec une  deuxième édition, sortir de l’hétérosexualité, au 59 rue de rivoli. On y retrouvera Aïcha Sñoussi, Romy Alizée, Mila Nijinsky, RER Q, Virginie Jourdain, Céline Le Gouail, Noam Iroual  pour ne citer qu’elleux et tout un tas de conférences vraiment alléchantes comme : Hétéroféminsime vs Lesbianisme, Art et patriarcat, une critique non blanche de l’hétérosexualité, archiver nos dissidences sexuelles etc. Attention il est fortement conseillé de s’inscrire dès à présent, certaines conférences et ateliers sont déjà complets. Juliet Drouar qui a créé ce festival est à la coordination et au commissariat de l’exposition, Imen et Tamar s’occupent des conférences, Juliette Hammé et Lila de Gouinement Lundi s’occupent plus de la partie sonore avec notamment le podcast Adieu monde hétéro . Marie violence , la graphiste du festival, gère les réseaux sociaux. Un boulot bénévole monstre ! Le festival est aussi soutenu par Acceptess Transgenres.

Rencontre avec Juliet Drouar, une des initiatrices.

Salut Juliet. Il n’y a aucune expo sur l’hétérosexualité parce qu’elle est représentée de partout, tout le temps. Il est aussi très difficile de la remettre en question ou de la questionner même avec l’impact qu’à eu me too. Pourquoi ce sujet maintenant précisément ?

Je t’avoue qu’au départ c’est venu un peu comme ça. Au fur et à mesure je me rends compte de plusieurs choses sur le pourquoi maintenant. Déjà à l’époque du MLF, l’hétérosexualité a été une fracture entre les meufs lesbiennes et hétéras. Les hétéras sont à la fois contraintes et privilégiées à certains endroits par le système hétérosexuel. Aujourd’hui, beaucoup de meufs hétéras sont féministes (même si le mot peut être galvaudé ou repris à des fins nationalistes, racistes, capitalises etc.) elles se rendent compte que l’hétérosexualité peut représenter un problème même si ce n’est pas nommé avec la charge mentale, les violences physiques et conjugales, le fait qu’elles soient moins payées etc. Le capitalisme est fondé sur la gratuité de certains travaux effectués par des meufs et quand elles sont blanches avec des emplois à haut niveau social, elles vont déléguer les taches aux meufs racisées et/ou précaires. Du coup il y a tout de même une prise de conscience  que le système hétérosexuel permet de faire fonctionner tous ces pans là. Le remise en question de l’hétérosexualité voudrait dire : remettre en question comment on habite, est-ce qu’on est relié.e toute sa vie à un mec cis qui est aussi oppresseur ? C’est surement un moment pour établir un dialogue, une réflexion, solidarité, des espaces où l’on puisse se poser. Grâce aussi aux apports conceptuels des gouines (Wittig), nous sommes plus à même pour avoir les bons outils pour y réfléchir et détacher l’orientation sexuelle du système politique. Sortir de l’hétérosexualité ne veut pas dire sortir de sa sexualité mais plutôt sortir des contraintes sexistes posées par le patriarcat. On aimerait pouvoir créer des espaces et solidarités entre les féministes et pouvoir se parler.

« Sans Titre » Romy Alizée

C’est un festival qui s’adresse à tou.te.s pas uniquement aux personnes lgbtqi+ en tant que minorité mais en tant que personnes qui ont des propositions politiques pour des nouveaux types de sociétés. C’est aussi très important de sortir de l’idée de coming out toujours rattaché à la honte et l’idée que ça se passe bien ou pas en fonction de la validation que l’entourage hétéro va t’apporter. On sort surtout d’un système de violence et nous sommes une proposition sociétale. D’ailleurs, on a eu quelques réactions de type «c’est de l’hétérophobie» parce qu’il n’y a pas de notion de honte dans notre titre et que nous sommes en train de challenger un système. Metoo n’a pas abordé ce sujet de l’hétérosexualité mais plus des hommes cis agresseurs pas forcément d’un point de vue systémique.

Comment as-tu construit cette expo ?

Dès la première édition on a eu la volonté que l’art ne soit pas annexe mais soit mis au premier plan. Toutes les normes esthétiques qu’on nous propose sont emprunts de patriarcat et d’hétérosexualité. On ne sait même pas ce que serait un monde esthétique qui n’en serait pas imprégné. Je ne pense pas que l’on puisse détacher l’œuvre de la personne. On ne voit même plus toutes ces codifications esthétiques qui nous façonnent sans que l’on puisse les articuler. C’est en ce sens que les normes esthétiques sont pour moi toujours politiques. C’est pour cela que nous avons à cœur de proposer d’autres normes de valeurs esthétiques. Comment créons nous ? La création reprend l’épistémologie qui s’applique aux sciences avec une socialisation très masculine, l’abstraction, le mec qui se retire pour créer, le génie, etc. Donc il y a beaucoup d’œuvres collectives. Le sujet est également important et surtout quel type de personnes on a envie de toucher.

Autoportrait de Mila Nijinsky

L’autre volet très important est l’imagination ! L’imaginaire est ce qui permet d’avoir une vision politique. Du coup comme nous sommes dans un bain patriarcal nous luttons tout le temps. Le but est aussi de se demander : qu’est-ce que je veux en terme de vision de société, d’utopie, de mythe ? L’appel à projets a été orienté vers des propositions et d’utopies de ce que seraient des mondes féministes et réuni plus de 25 artistes. Il y a aussi une expo sonore avec l’idée de l’outil sensoriel. Nous sommes toujours dans un environnement sonore hétérosexuel qu’on ne choisit pas et il y aura aussi un univers sonore ( création artistique, archives, textes féministes actuels, etc. ) durant l’expo qui sera diffusé.

Quand pour la première fois, as-tu ressenti que l’hétérosexualité pouvait être un douloureux problème ? Qu’est-ci qui t’as permis d’approfondir cette question ?

Ce qui exprime cette souffrance concerne mes premières rêveries lorsque j’étais très petit où je m’imaginais en chevalier qui délivrait des princesses. Déjà de devoir être dans sa tête, tout le temps passer à rêver ! Le fait de ne pas être moi avec mon corps. La souffrance de ne pas s’exprimer, de ne pas pouvoir aimer ou être aimé. Dans une tête d’enfant, essayer de composer avec ça en se travestissant tout en reprenant certains codes et gestes de l’amour hétérosexuel. J’ai toujours eu l’impression que c’était une mascarade, que j’étais dans un théâtre de l’absurde et de la violence.
Le féminisme, les lectures, les rencontres m’ont permis d’approfondir tout ça, très clairement ! Il y a aussi un aspect thérapeutique très important : on nous apprend à soigner ce qui ne va pas en nous pour qu’on oublie de penser que c’est un problème de système. La rencontre avec le féminisme m’a permis de comprendre que je n’étais pas le problème, que ce n’était pas de ma faute et donner un sens et trouver un collectif. Je ne pouvais pas exister dans un monde hétéro. Dans la communauté que j’ai trouvé je peux exister !

Infini – Billy SériB

Avec l’apport du lesbianisme dans le féminisme et les questions de genre, les espaces lesbiens sont-ils plus accueillants pour les personnes trans ?

Une des clés du système hétérosexuel est de produire des hommes et des femmes toujours dans un rapport de domination. Cela créé du féminin et du masculin qui n’existe pas par nature et aussi des catégories de sexes. Il y a une pluralité de sexes au niveau chromosomique, hormonal, gonadique, etc. et scientifiquement, il est impossible de déterminer deux sexes. Ensuite, cela est aussi produit artificiellement par rapport aux violences qui sont faites sur les personnes intersexes de réassignation et aussi par toutes les politiques de genre qui par la contrainte au mouvement, l’alimentation, à la pilule, etc. produisent des corps binaires, des morphologies différentes.
Un certain nombre de ce système est repris par des personnes lesbiennes dans le milieu vis à vis des personnes trans qui s’identifient en tant que lesbienne. Du coup, il y a ce truc attendu d’alignement entre le genre et le sexe, un rapport à la génitalisation de la sexualité. C’est hyper dur pour la plupart des meufs trans. Par rapport aux mecs trans, il y a une projection avec les mecs cis et tout ce que cela comporte. Or les hommes et les femmes existent en tant que classe mais pas par nature. C’est important dans le milieux d’essayer de ne pas reproduire ce type de schéma. ( pour aller plus loin )

L’hétérosexualité comme régime politique c’est le moyen aussi de produire de la main d’œuvre au capitalisme, d’instaurer définitivement le travail domestique gratuitement. Ça serait presque hérétique non d’être lgbtqi+ et capitaliste ?

Le capitalisme se construit à la base du patriarcat et du couple hétérosexuel qui assure le travail de reproduction. Par exemple, lorsque les femmes vont travailler à l’usine, les pouvoirs publiques se rendent compte que le travail de reproduction baisse. Il y a alors une réorientation pour que les femmes restent à la maison avec l’injonction à être mère,  la putophobie qui se développe avec l’injonction faites aux femmes de devoir rentrer à la maison pour effectuer le travail gratuit. Sans ce travail gratuit, le capitalisme ne pourrait pas survivre. le système hétérosexuel est aussi très lié à la société blanche qui a imposé dans la colonisation son modèle et ses bi catégorisations de genre, sexe, etc. qui à l’inverse avec une double contrainte par nationalisme et racisme instrumentalise la cause lgbtqi en disant en gros : les homosexuel.le.s c’est le monopole de la blanchité. Alors que ce n’est absolument pas le cas. Le capitalisme repose sur la colonisation et l’esclavage. Il permet aussi à certaines femmes de s’en sortir financièrement au prix de l’exploitation d’autres femmes ou des personnes racisées. Effectivement c’est un contre sens d’être lgbtqi et d’être capitaliste. Il y aura des conférences ( ici aussi ) là dessus justement !

Julie Pomme

A ce stade, on peut dire que l’hétérosexualité est une secte. As-tu été contacté par l’Etat qui vient de prendre conscience que cette expo est d’utilité publique ? Reste -il encore de la place pour des visites de groupe d’écoles, collèges, lycée ?

I wish, i wish ah ah ! En tout cas j’ai l’impression que beaucoup de personnes sont intéressées et que l‘année prochaine on pourra avoir une salle plus grande. Il y aura des captations des conférences  et donc du matériel pédagogique pour toutes les écoles ! Le 5 Octobre, l’expo est accessible toute la nuit. Lorsqu’il y a des ateliers ou des conférences, l’expo est inaccessible par exemple.

Cette secte fait peur. Aurais-tu des conseils pour  s’en sortir ? Une ligne d’écoute est-elle prévue après l’expo ?

On a deux conf sur une perspective hetera sur comment s’en sortir  (ici) et (là). On essaye d’avoir une autre production de cette atelier sous forme de tool box peut-être. On va essayer de réfléchir aussi  à une tool box sur les réflexions chez les gouines. Avec l’idée de communauté de terres de femmes, de l’habitat avec l’idée qu’il faut changer structurellement et politiser la question de l’habitat. A partir du moment où on créé des logements pour des familles mononucléaires, c’est un lieu propice à la violence physique et mentale et à l’isolement.

Eve – Maïc Batmane

Y aura t’il une troisième expo des sexes et des femmes ? Et penses-tu déjà à un prochain thème ?

Nous n’en avons pas parlé encore collectivement mais j’espère qu’il y en aura une ! Je tiens à remercier tout le travail bénévole effectué encore une fois cette année. Et j’espère surtout pouvoir dans l’immédiat trouver un lieu pour continuer l’exposition parce que c’est un travail monumental, difficilement vendable sur le marché de l’art mainstream, qui mériterait d’avoir un plus long temps d’exposition !

 

Tous les events au 59 Rivoli, Paris (programme ici )
Vernissage/exposition en accès libre et gratuit
♿ Lieu accessible aux fauteuils roulants

Delphine

Extraterrestre passionnée de métaphysique et de pizza, elle parle de féminisme, cinéma et surtout de l'invisible.