La psychologie française à genoux devant les théories misogynes de la psychanalyse

Cette année Sophie Robert, réalisatrice du film “Le mur, la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme” , nous offre deux nouveaux films. “Hold-up sur la psychologie”, ainsi que “le Phallus et le Néant”. où elle s’attelle à dénoncer  les fondements profondément patriarcaux et dangereux de la psychanalyse, mais aussi la main mise de la psychanalyse dans les facultés françaises de psychologie.

 

Hold-up sur la psychologie

Dans ce docu-rencontre, Sophie Robert donne la parole à un psychologue clinicien, une professeure de psychologie à Paris 8 ainsi que 5 étudiants en psychologie. Tous et toutes dénoncent l’omniprésence de la psychanalyse dans leurs enseignements au point que certains en sont même venus à quitter leurs formations ou à ne plus assister aux cours. Durant un peu plus d’une heure ils expliquent à tour de rôle leurs expériences dans les facultés françaises : des enseignements qui sont pour les ¾ issus de la psychanalyse, des cours tels que la psychologie clinique, la psychopathologie, la psychologie intégrative qui sont en réalité des cours de psychanalyse. Cette dernière est alors présentée comme l’unique approche en psychologie clinique. Les enseignements deviennent dogmatiques avec l’impossibilité de remettre en question ces doctrines et l‘enrôlement de beaucoup d’étudiants dans cette idéologie… Plusieurs étudiants font même le lien entre les modes opératoires de gourous et de leurs professeurs, toujours issus des courants freudien ou lacanien.

Autre point sur lequel les participants s’accordent : le manque d’esprit critique de la grande majorité des étudiants qui adoptent ses discours sans aucune remise en question. Or les formations psychologiques universitaires françaises forment les futurs psychologues qui iront par la suite exercer auprès de personnes fragiles, dans des hôpitaux psychiatriques, dans des cabinets privés, mais aussi en tant que psychologues dans les parcours médicaux imposés aux personnes trans, ou encore en tant qu’expert en charge des expertises psychologiques dans les tribunaux. C’est ainsi que régulièrement des tribunaux innocentent des agresseurs aux motifs de soi disant consentements silencieux de la part des victimes . Ce fut le cas en 2017 pour le violeur de 28 ans d’une fillette de 11ans.

Pour pallier à cette logique patriarcale et oppressive, quelques plateformes essaient de recenser les psy* dits « safe » et/ou inclusifs. Vous l’aurez deviné ils ne font pas légions. Voici quelques sites :
psy safe et inclusif
Bdd Trans
Psy gay

Loin de condamner la psychanalyse comme acte thérapeutique en soi, Sophie Robert dénonce le dogmatisme des théories sexistes qui fondent la pratique française et alerte sur ses conséquences :  » La psychanalyse s’apparente à une religion fondamentaliste et à une secte, avec la même manipulation mentale.  Le problème, c’est qu’elle est enseignée à l’université par des psychiatres ou des psychologues reconnus. Dans mon film  « le Phallus et le Néant », trois victimes d’inceste ou d’abus sexuels témoignent des dégâts causés par leur psychanalyse. C’est un problème de santé publique scandaleux qui mériterait débat. »

Le phallus et le Néant

Dans ce dernier film, la réalisatrice est allée à la rencontre de 18 professionnel.les ayant la double casquette psychanalystes / psychologues ainsi qu’une psychiatre, appartenant toutes et tous au courant freudien et lacanien. Ces 18 professionnel.les sont aussi auteurs/autrices, enseignent dans les facultés de psychologie et médecine, exercent en centres médicaux sociaux ainsi qu’en hôpitaux psychiatriques.

Le documentaire nous emmène à la découverte des fondements de la théorie psychanalytique traditionnelle de Sigmund Freud et Jacques Lacan, et qui reste aujourd’hui encore le courant majoritaire et de référence notamment en France. Illustrés par les interviews, Sophie Robert dégage les 13 commandements, qui constituent les fondements des théories psychanalytiques.

Elle expose non seulement comment la morale catholique ( le terme commandement n’est pas choisi au hasard) a imprégné la psychanalyse, comment celle-ci se fonde sur la domination patriarcale et la justifie : La femme est dévalorisée, invisibilité, elle doit être soumise sous peine de devenir dangereuse. La violence qui lui est faite est niée, voire justifiée.

Elle démontre aussi comment les psychanalystes vont projeter leur propre idée de la normalité sur les comportements de leurs patients, virevoltant habilement d’un concept à l’autre, d’une incohérence à l’autre, tordant parfois la réalité pour la faire coller à leurs théories. Mais aussi comment la pratique analytique se base sur la négation du vécu ou des sentiments  du patient, en inventant ou en niant ses traumatismes :  la vérité du patient surgit dans la pensée du psychanalyste.

Durant 2h Sophie Robert s’emploie habilement à démontrer la misogynie, l’homophobie, la pédophilie des discours psychanalytiques. Ces théories n’ont qu’un but: servir l’idéologie patriarcale. Tel Charles Ferguson dans Inside Job, Sophie Robert démasque les incohérences de ses interlocuteurs qui persuadés de la véracité de leurs propos, tombent un à un dans le piège qui se referme.
À la fin du film, trois victimes d’inceste témoignent du caractère destructeur et de l’emprise psychologique qu’ont eu des psychanalystes sur elles.

Petite histoire des théories freudienne et lacanienne

En 1886, le terme « psychanalyse » est inventé par Sigmund Freud. En France au 20eme siècle, Jacques Lacan qui se destinait à devenir prêtre décide finalement de se consacrer à la psychanalyse en remettant au goût du jour les théories freudiennes. Il y intègre la morale catholique et pousse un peu plus le dénigrement des femmes au sein de la psychanalyse.

Freud et la castration

« À l’origine les deux sexes développèrent un organe sexuel mâle, et peut être les choses en vinrent elle a un gigantesque combat dont l’issue devait décider du sexe auquel incomberaient les souffrances, les devoirs de la maternité , et la soumission passive à la génitalité. Ce fut alors le sexe féminin qui dans ce combat fut vaincu. Les femmes conservent dans leur inconscient le souvenir de cet échec cuisant dont les combats de nos émancipés en sont aujourd’hui la manifestation. » Sendor Ferenczi masculin et féminin, 1929

Selon Freud et Lacan, les femmes se différencient des hommes par leur absence de sexe. Cette vision phallocentrée les pousse à penser qu’il y aurait dans l’inconscient, un référent universel : le pénis, qui serait un critère de classification selon la présence ou l’absence de pénis. Selon lui le vagin n’est que l’absence d’un sexe. Sur un plan psychologique, la construction de la fille puis de la femme est marquée selon lui par cette castration, la féminité s’articule alors autour de la dévalorisation de soi et l’envie de pénis. L’envie du pénis de la petite fille devient le désir d’une femme d’être pénétrée par un pénis. Avoir un pénis pour soi puis avoir un pénis en soi. La pénétration phallique devient la condition sine qua non pour une femme de s’affirmer en tant que telle. Vous voyez comme c’est pratique ? Encore un petit effort et on vous dit que le viol est pour votre bien… Wait. Mais c’est déjà fait ! En effet au XIX siècle, il était préconisé aux médecins de « masser la vulve » de leurs patientes souffrant de ladite « hystérie » ( encore une invention freudienne bien entendu ).

Le phallus devient le symbole de la potentielle relation sexuelle puisque pour qu’il y ait relation sexuelle il faut un pénis ( pour la prochaine saison de The L World, promis, on leur envoie un bouquin de Freud ! ) . On lui rend un culte, il devient un dieu. D’ailleurs le symbole s’étend bien plus loin que la représentation physique du pénis. Ainsi les femmes considérées comme émancipées : c’est-à-dire libre financièrement, libre sexuelle..Etc. ou encore les féministes sont considérées comme des femmes «  phalliquement  lourdes ».

« La réclamation féministe d’une égalité des droits entre les sexes n’a pas ici une grande portée, la différence morphologique devant se manifester dans des différences dans le développement psychique. Pour transposer un mot de Napoléon : l’anatomie c’est le destin » Sigmund Freud, la disparition du complexe d’Œdipe, 1923.

Lacan répond aux slogans soixante-huitards par des discours bien plus courts : « la femme n’existe pas ».
Si la femme n’existe pas, la mère elle est bien présente et elle est la cause de tous les maux. Une mère “ trop aimante” rendra son fils gay, “ trop castratrice” sa fille lesbienne…Même l’inceste maternel sera vu bien plus destructeur que l’inceste paternal. Aujourd’hui le corps médical fait peser la responsabilité de l’autisme sur  la mère.

La sexualité patriarcale

Selon Freud et la sexologie de l’époque, tout acte sexuel non reproductif est une perversion. La pédophilie, la sodomie ou la masturbation deviennent alors une perversion comme une autre. Or il n’y a pas de hiérarchie de ces perversions selon la présence de consentement ou non. Ainsi la pédophilie et le sadisme sont qualifiés non pas comme des agressions, mais comme des sexualités à part entière. Même si l’homosexualité est une perversion comme une autre, elle n’en demeure pas pour autant autre chose qu’une  une psychose. Selon André Green: “un homosexuel épanoui est un psychotique qui s’ignore. Bien portant en apparence, mais qui risque à tout moment de tomber dans la démence” . D’ailleurs les homosexuel.les seraient incapables d’avoir une analyse lucide et donc de devenir psychanalystes, et lorsque Sophie Robert interroge les participants à ce sujet ceux-ci répondent qu’ils n’en connaissent pas. Évidemment !

La psychanalyse échoue à dénoncer ces actes le plus souvent perpétrés par des hommes sur des femmes et des enfants, et dont le plaisir est celui des agresseurs. Freud emploie une hiérarchisation des personnes selon leurs sexualités  :  phalliques ou castrées,  actives ou passives  … les femmes et les enfants auraient donc un plaisir masochiste , dit « masochisme féminin » pour les premiers et « fantasme de fustigation » pour les seconds.  Et c’est bien ce qu’affirment les psychanalystes/psychologues interrogés par Sophie Robert :

« Le pédophile n’est jamais un violeur, il y a une morale chez un pédophile. Il veut être un bon père, qui aime l’enfant, mais qui veut aussi que l’enfant puisse jouir. Il y a jouissance lorsqu’un enfant est « touché » par un pédophile c’est la jouissance du plaisir ou du déplaisir. »

« Violez là, elle vous remerciera » Conseil du psychanalyste Aldo Naoui lors d’une thérapie conjugale. Prendre la vie à pleine main , 2013.

Ce que la psychanalyse oublie de mentionner dans son modèle de sexualité c’est que cette dernière n’a rien de neutre, bien au contraire. Comme chaque comportement, la sexualité s’inscrit dans un contexte historique avec des rapports sociaux particuliers. En l’occurrence ces comportements sexuels dits neutres, sont majoritairement commis par des hommes contre des femmes et des enfants : viol, exhibitionnisme, pédophilie, inceste, voyeurisme et sadisme. Ces actes qualifiés de sexualité à part entière par la psychanalyse qui ne s’attarde et ne s’intéresse qu’aux notions de plaisir ou de désir ressenti par l’agresseur, oublie que sans partage du consentement, il n’est plus question de sexualité mais de viol, d’agression.

Autre déclaration d’une psychologue/psychanalyste durant le « Phallus et le Néant » :

« L’inceste paternel, ça ne fait pas tellement de dégâts, ça rend les filles un peu débiles, mais l’inceste maternel, ça fait de la psychose, c’est-à-dire de la folie. ( l’inceste paternel ) est un inceste secondaire, alors que l’inceste primaire, l’inceste véritable, c’est de pénétrer la mère » .

De la psychiatrie traditionnelle à la psychiatrie radicale

Dans les années 50/60, en réaction au courant de psychiatrie traditionnelle Eric Berne lance un mouvement de critique psychiatrique : Le mouvement de psychiatrie radicale. Celui-ci affirme que l’activité thérapeutique est foncièrement politique puisqu’elle s’insère elle-même dans un contexte historique et politique qui régit les définitions, les normes de la santé mentale, mais aussi de son traitement. La société étant foncièrement inégalitaire et sexiste, les individus ne sont pas égaux devant les oppressions et donc ne devraient pas être soumis à une doctrine thérapeutique universelle.

Puisque la psychanalyse traditionnelle définit la « normalité » selon son utilité à la société, elle devient donc oppressive envers tout ce qui ne s’y conforme pas. A contrario le mouvement de psychiatrie radicale pense que l’analyse des problèmes individuels doit être lue selon le contexte social ( genre/classe/racisme ) dans lesquels ils s’insèrent.

Selon Eric Berne, l’oppression est la cause de l’aliénation, lorsque les opprimé.e.s ne sont pas conscient.e.s de leurs oppressions. Hogie Wy Ckoff estime ainsi que les femmes sont non seulement opprimées comme membre de la société, mais que certaines le sont aussi dans leurs rapports aux autres, et dans leur estime de soi. Certaines femmes ont ainsi intériorisé les valeurs négatives ou inferiorisantes que la société génère a leur encontre.Le mouvement de psychiatrie radicale préconise ainsi des thérapies de groupe avec des personnes ayant subies les mêmes expériences ( et en non mixté si besoin) dans un objectif de déconstruire les préjugés sexistes et de les orienter vers un développement personnel .

Deux des béances de la psychanalyse sont la sociologie et l’histoire. Ces deux dernières disciplines doivent faire partie de la grille d’analyse de la psychanalyse concernant les comportements des personnes, non plus en tant que simple individu, mais en tant qu’individu d’un groupe avec une histoire. Pour cela il faut aussi prendre en compte le fait que l’histoire est souvent écrite par les puissants. Comme toutes les sciences, la psychanalyse nécessite une plus grande intersectionnalité dans ses analyses.

Quoi qu’il en soit il n’est pas question d’être pour ou contre la psychanalyse en tant que telle, mais plutôt de remettre en question certaines croyances.
À l’inverse il est urgent et nécessaire que l’enseignement de la psychanalyse caché sous des intitulés faussement psychologiques sorte des facultés françaises et de nos tribunaux, hôpitaux, cabinets…
Bref, la prochaine fois que l’on vous vantera le génie de Freud, vous saurez de quoi il en retourne. Et surtout n’oublions pas que l’obscurantisme n’a pas sa place dans nos universités.


 

 

Roxanne Valin

Globe-trotteuse et passionnément tête en l’air, elle adoucit son côté radical par son amour des chaussettes pilou-pilou et des macarons pistache. Elle parle genre, lutte des classes et patriarcat sans invitation. Sa devise « the personal is political »