L’amour qui pique : F/cken Chipotle

F/cken Chipotle est DJ résidente du collectif Barbi(e)turix, multi-tâches et multi-talentueuse. Elle chapote la review permanente de la folle night pour Heeboo, elle a nous a déjà retourné.es deci-delà, dans une Wet et ailleurs, en balançant son univers qui prend tendrement et sûrement aux tripes.  Elle officiera samedi 6 avril à la soirée de clôture du festival Les femmes s’en mêlent au Trabendo. Point causerie.

 

Coucou, ça va, tu fais quoi en ce moment ?

Je viens d’arriver au bureau, je me dis qu’il fait beau mais que demain il pleut. C’est un peu ma philosophie de vie, haha.

F/cken Chipotle, c’est un hommage à tes origines mexicaines? Un amour inconditionnel pour le piment ? Une recette de filtre magique ?

Oui je suis née à Guadalajara, c’est pour ça que je dis tout le temps «  la la la la la ». Non, je fais de très mauvaises blagues donc hésitez pas à couper cette partie de ma vie au montage. En fait c’est un délire qu’on a eu avec des amis à Berlin, ou que j’ai eu toute seule, je me souviens plus bien. En juillet 2017, on a passé pas mal de « temps » au Ficken 3000 qui est une espèce de bar d’after gay super cool même si un peu creepy, et je m’étais fait afficher devant tout le monde par le physico avec un « NO GIRLS IN THE BACKROOMS !!! ».

J’en dirai pas plus. Puis on avait mangé des trucs très bons avec de la sauce chipotle, qui est une sauce mexicaine. Une amie m’avait dit « tu devrais t’appeler Chicken 3000 » en passant devant un kebab, quelques semaines plus tard, à Porte des Lilas. Mais j’avais peur que Clara 3000 y voie une espèce de provoc cheloue (alors que je l’aime beaucoup, bisou Clara), du coup je me suis appelée F/cken Chipotle. T’as rien compris ? C’est normal. Y’a rien à comprendre haha. Retiens juste que j’avais envie d’un nom « de scène » rigolo parce que j’ai pas envie de me prendre au sérieux, ça gâche tout de se prendre au sérieux. Détente, c’est que d’la fête !

 

crédit photo : Otto Zinzou

Tu es DJ et tu organises des soirées (sneaky-sneaky, …), tu t’occupes du webzine Heeboo consacré à la culture de la night. Pourquoi la nuit ? Est-ce que tu as toujours aimé ça ? Depuis toute petite ?

Alors il faut quand même noter qu’on a rien fait avec Sneaky Sneaky depuis l’été dernier, par manque de temps. Mais oui, la nuit. Je sais pas bien pourquoi, parce que pour être totalement honnête j’ai commencé à sortir super tard en club + quand j’étais petite j’avais super ultra peur de la nuit, j’avais toujours l’impression qu’un monstre se cachait dans le fond de ma chambre ou que j’allais me faire bouffer par un alien en allant faire pipi.

Puis je sais plus bien, une mauvaise rupture avec moi même, je me retrouve à intégrer Barbi(e)turix en 2012, je faisais déjà des playlists depuis quelques années, que je publiais sur un blog avec des textes en mode émo (même si à l’époque je connaissais pas ce mot), et Morello qui me contacte pour jouer à sa soirée alors que j’avais jamais touché à des platines. J’ai joué une fois et demi puis j’ai changé d’air et j’ai commencé à organiser des soirées au Chez Toi ou Chez Moi, le bar de Beno ; ça s’appelait les « MIIIAM », les visuels des event FB était débiles ; et c’était parti. C’était une chouette époque, on se retrouvait là une fois par mois, les copain.es étaient toujours au rendez-vous, même la famille se ramenait de temps à autre, parfois on était 50 dans ce mini lieu super chaud. Bon je suis à côté de la question en fait. Mais la nuit, c’est bien, pour être qui l’on veut, ou devenir quelqu’un d’autre, mais j’ai toujours l’impression qu’elle offre plus de possibilités et de choix que le jour. À méditer. Du coup j’en ai fait mon métier avec Heeboo, ce qui est à la fois cool et moins cool, parfois je me dis que je préfèrerais traire des vaches en Ardèche. À méditer aussi.

Comment fais-tu pour suivre d’aussi près les nuits parisiennes ? Tu as des super-pouvoirs ?

Hmmm, je m’abonne à tous les events intéressants qui me passent devant les yeux, puis j’essaie de bien faire mon métier, de faire « des recherches », comme n’importe quel journaliste, en vérité. Certains connaissent la politique locale du Piémont sur le bout des doigts, ou sont incollables sur le cinéma turque des années 1980, moi c’est la nuit, et plus particulièrement la nuit un peu « surprenante ». Pas de supers pouvoirs, j’essaie juste de faire mon taff au mieux. Mais j’avoue que ce n’est pas toujours évident, par exemple, de savoir quels clubs bougent à l’instant T dans des pays de l’est ou à l’autre bout du monde, on va dire que notre sujet est tellement underground, informel et parfois secret que la documentation est faible. Parfois je me débrouille pour trouver des espions sur place. C’est le truc le plus pratique, ça et les réseaux sociaux. Ça prend du temps, mais j’espère que la communauté Heeboo des « nuits sauvages » va se développer encore et encore dans les années qui arrivent, et de plus en plus à l’étranger.

Est-ce que tu te souviens du premier son qui t’as mise à l’envers ?

Sans la moiiiiindre hésitation : Da Hool – meet her at the Loveparade. Je piquais le cd à ma sœur, et je dansais comme une dingue dans ma chambre en imaginant que j’étais à la Love Parade. J’avais quoi, 11 ans ? J’espère que mes enfants feront pareil. C’est trop bien d’être un enfant quand on y pense.


Quels genres aimes-tu mixer ?

Y’a pas vraiment de mot pour qualifier cette vague exotico-froide qui nous vient d’Amérique Latine. Mais quand on me demande j’appelle ça de l’EBM tropikal. Un truc qui donne chaud mais qui rappelle l’absurdité de la cold des années 1980. J’adore les trucs absurdes et sexy.

Comment prépares-tu tes sets ?

J’aimerais trop répondre un truc genre « en studio avec mes copains producteurs », lol, mais je vais te répondre « dans le métro ». Je repère des artistes, j’écoute ça en marchant, et si ça me fait frissonner je me dis que ça va fonctionner. Puis j’écoute ce que font leurs potes, et ainsi de suite. Pour le reste j’sais pas trop, au feeling, enfin tout dépend de la date, si c’est une date qui me fait flipper je prépare une intro, au moins, pour me sentir en confiance, mais sinon le feeling je trouve ça bien. Tu noteras ça quand je commence à balancer de l’EBM allemand inconnu un peu border au MAUVAIS MOMENT et que dix personnes (enfin j’suis gentille) quittent le dance floor en me regardant bizarrement. Mais c’est comme tout, trouver le bon moment, ça s’apprend !

Qu’est-ce que tu fais avant de mixer ? Et après ?

Je fais pipi. Trois fois. Haha. Non en vrai j’ai besoin de quelques minutes en mode solo parce que j’aime pas trop les foules, enfin seulement pour les soirs où je sais qu’il y a du monde. Quand tu mixes et que t’as des centaines de personnes ou plus qui te fixent en attendant de voir ce que tu vas faire ou pas faire, ça met légèrement la pression et c’est hyper invasif pour quelqu’un d’un peu « émotionnellement limité » comme moi. Donc oué, quelques minutes toute seule pour souffler avant le « grand bain ».

Dj c’est un bon plan pour choper ?

On pourrait croire que oui, mais me concernant non. Ça m’intéresse pas trop les meufs ou les mecs qui viennent me voir en plein set pour me chuchoter à l’oreille. Une fois une meuf est passée derrière moi pour me faire des « câlins », c’était clairement abusé sur le coup, j’étais toute rouge, mes potes se foutaient de ma gueule (bon en fait c’était quand même un peu drôle). Ce qui m’a marquée c’est que si ça avait été un mec j’aurais littéralement pété un plomb. Mais là comme c’était une meuf j’ai rien dit, et je me suis débrouillée pour qu’elle se barre gentiment. C’est débile au possible non ?

Deux ou trois inspirations ?

Les bandes originales de films américains des années 1990. Ken Loach. Robert Smith.

Un mot d’ordre pour une belle fête ?

Le respect de l’espace de chacun, les amis, la bienveillance, l’humilité des artistes et des orgas, des lights qui déglinguent.

On retrouve F/cken Chipotle très bientôt-tout de suite et sur facebook!

 

Isabelle Mornat

Isabelle aime les cabinets de curiosité et la vieille techno hardcore, la confusion des sens et les concentres Harley au clair de lune.