Lesbiennes à L.A. : Vida la série à voir!

Vida est une série de 6 épisodes diffusée sur Starz en mai-juin 2018. Elle se déroule à Boyle Heights à l’Est de Los Angeles dans un quartier en voie de gentrification. C’est l’histoire de Lyn et Emma, deux sœurs en froid qui doivent s’entendre pour régler l’héritage de leur mère : un immeuble criblé de dettes avec des locataires peu solvables et un bar LGBTQIA friendly peu fréquenté.

 Un univers lesbien réaliste

On découvre la vie des lesbiennes et des gays du quartier qui font face à l’homophobie et à la lesbophobie. Et surtout, Eddy, l’épouse de la mère des deux sœurs qui veut sauvegarder le bar de sa défunte épouse. Elle fait aussi son deuil pendant cette saison. C’est émouvant et bien rendu.

L’une des sœurs, Emma, est une femme d’affaires qui du mal avec l’intimité. Elle retrouve son quartier d’enfance, son amoureuse du lycée… On assiste à sa reconnexion avec elle-même, ses désirs, sa famille. C’est l’histoire qui m’a le plus intéressée dans la série et j’espère qu’on la verra plus dans la saison 2. Elle évolue tout au long de cette saison avec une scène de casual sexe lesbien très graphique et plutôt originale. A voir…

De la difficulté des femmes à disposer de leur corps 

La scène qui m’a le plus marquée est celle de Lyn qui réagit à une remarque de son amant sur la taille de ses seins. Il lui dit en substance qu’ils étaient très bien avant. Et elle concède avoir cédé à la proposition d’un ancien amant qui lui a payé de nouveaux seins. Lyn explique qu’elle n’a pas su dire non. Cela illustre cette incapacité à dire non parfois face au désir de l’autre, à ne pas dire oui mais à se laisser faire. C’est extrêmement bien écrit et bien joué.

Une autre scène avec Marisol, le personnage en lutte contre la gentrification qui est moquée par son amant d’un soir via une vidéo intime est l’occasion d’un retournement du rapport de force. C’est un moment plus jubilatoire car Marisol s’affirme face à quelqu’un qu’elle admirait beaucoup au début de la saison, et ce avec l’aide d’une de ses amies. Solidarité féminine en action !

Un pamphlet contre la gentrification 

Le quartier dans lequel se déroule la série est la proie des promoteurs immobiliers qui rachètent, détruisent, reconstruisent pour une population plus riche. Le quartier change. Les protagonistes le voient évoluer. Un bon tiers de la série tourne autour de cette tendance urbaine qui éloigne les pauvres et les minorités des centres.

C’est un sujet de société bien réel, aux Etats-Unis tout particulièrement car quand le prix des maisons augmente dans un quartier, les impôts locaux augmentent en proportion, ce qui fait qu’en l’espace de quelques années, des personnes propriétaires de leurs maisons peuvent se voir obliger à quitter leur quartier d’origine. Idem pour les commerces et les bars lesbiens. C’est l’une des raisons de la disparition des bars lesbiens dans les centres-villes américains (souvent remplacés par des coffee-shops).

Le phénomène et les stratégies de lutte des habitants sont bien décrits dans Vida via le personnage de Marisol, même si cela nous éloigne parfois un peu trop de l’intrigue principale.

Vida a été récompensé aux GLAAD Media Awards 2019. Sa représentation des latinx par des latinx à l’écran, derrière la caméra et à l’écriture a aussi beaucoup compté dans sa reconnaissance. On y voit aussi Rose Troche diriger les 4ème et 6ème épisodes. C’est elle qui avait filmé le pilote de L Word et surtout l’excellent épisode Let’s do it! quand toute l’équipe essaye de voir si Lara est lesbienne (l’un des meilleurs).  Rien que pour elle, cela vaut la peine de regarder !

La saison 2 commence le 23 mai 2019. C’est le moment de binge watcher avant pour voir si vous aimez !

Le travail de l’artiste Victoria Villasana sur les portraits des actrices c’est ici.

 

 

Carole A. Stéphane

Encore en deuil de Lexa & Clark (The 100), chercheuse de lesbiennes/bies dans les séries, auteure du guide Les Filles ont la peau douce et dit souvent que la mémoire sert à oublier.

Instagram : carolea.stephane