Clip de fin pour Marika Hackman et Amber Bain (The Japanese House)

Le couple discret de la scène indépendante londonienne, Marika Hackman et Amber Bain, n’est plus. Une rupture aussi déchirante qu’exemplaire, mise en musique et en images sur le titre « Lilo ».

La responsable de cette merveille, c’est Amber Bain aka The Japanese House. La jeune anglaise a signé 4 EPs en 3 ans d’une électro-pop éclectique, délicatement imbibée de vocoder et parsemée de chansons sibyllines d’amour lesbien. Sorti en septembre dernier, le single « Lilo » annonce la sortie prochaine de son tout premier disque.

Marika Hackman, son ex, officie sous son propre nom et navigue entre plusieurs eaux, avec un premier disque folk sombre et contemplatif, « We slept at last » (2015). Le deuxième, « I’m not your man » (2017), est un revirement inattendu, jouissivement rock et délicieusement sexuel, bardé de références à The L Word, de métaphores très (très très) suggestives et, sommet de délectation, d’une chanson sarcastique sur la lourdeur des mâles hétéros.

Le couple, quant à lui, est resté extrêmement discret, tellement discret que seul.e.s les fans, les vrai.e.s, savaient (à grand renfort d’espionnage sur les réseaux sociaux et de recoupement de témoignages). Les moins fans l’ont découvert par « Lilo ». La chanson, un breakup song douloureusement lumineux, dessine trait par trait la rencontre entre les deux artistes. Inattendue, soudaine, violemment libératrice pour Amber Bain, inespérée et pourtant secrètement attendue. Avec en creux, la fin de cet amour « transitionnel », comme s’il comprenait en son sein les germes de sa fin.

« You were floating like a lilo

With your eyes closed, going where the tide goes

Caught in flux : you drifted till you hit the sides »

La voix grave et chaude d’Amber Bain, une mélodie en volutes, envoûtante, soutenue par de délicats arrangements de synthé, guitare électrique et boîte à rythmes, de plus en plus enchevêtrés, complexes et cristallins, donne la mesure des liens qui se défont, jusqu’à ce que ne reste que le souvenir ému d’une complicité amoureuse autant qu’artistique. Bleu lac, jaune colza, blanc solitude, voiture en flammes et forêt.

Le clip est bouleversant de tendresse et de sincérité : tourné après la rupture, Marika et Amber s’y enlacent en vain, cherchent leurs chaleurs respectives, le regard résigné et pourtant empli d’affection. Leurs corps irrémédiablement lointains. La métaphore du matelas pneumatique rythme le naufrage tranquille de la relation, à la fois supportable et insupportable, tragédie d’une fin définitive et douceur du souvenir.

«  Hold my breath another minute

I can keep my head : there’s nothing in it

I’m a patient wave

And it’s an easy ride »

Une rupture sereine, sublimée par le talent d’Amber Bain et par un clip impeccable ; de ces ruptures que l’on jalouse, apaisées, en paix avec soi et avec l’autre (et photogéniques). En somme, une élégie toute en nuances de l’abandon, de la capitulation face à ce qui nous bouleverse et menace de nous submerger. Qui nous laisse, exsangue, entre l’euphorie et les larmes, (comme) après l’amour.

Chloé

– S’indigne en musique. Fanatique de rock, de folk, de folk-rock, de post-machin et d’indie-truc. Ecrit aussi pour Sourdoreille et Hardies. Twitter : @ChiloeChloe