Borusiade : « La nuit à Bucarest est très jeune, et en pleine ébullition »

Borusiade, c’est une de ces artistes qu’on voulait inviter depuis quelque temps déjà. Car par le mystère qu’elle inspirait dés ses débuts, par ses mixtapes parsemées sur les Internet, aux saveurs de vieilles K7 des années 80, elle nous avait fait attendre ses premières pros comme le Messi. Littéralement. Les premiers assauts ont été lancés sur un des labels les plus innovateurs de ces dernières années, Cómeme. C’était sexy, et dark. La suite était opérée sur Correspondant, le label de Cardini. Bingo. Entre Berlin et Bucarest, Borusiade, aka Miruna, nous raconte qui elle est, et vu le mystère derrière le personnage, c’est déjà beaucoup. A ne surtout par rater, à la Wet For Me – darkdyke edition, samedi 18 novembre.

Tu viens de Bucarest, du coup tu peux me parler de tes débuts là-bas en tant que dj ?

En fait, j’ai une formation classique, j’ai chanté pendant 12 ans dans une chorale professionnelle. Je prenais aussi des cours de piano. En parallèle j’écoutais les disques de mes parents, qui étaient très pop. J’ai toujours été une malade de musique, je dépensais tout l’argent de mes anniversaires dans l’achat de CDs, et j’ai commencé très jeune. J’imagine que c’est ça qui m’a donné envie, naturellement, de m’intéresser au dj-ing, j’avais besoin de partager de la musique avec les autres.
J’ai commencé à jouer, j’avais 19 ans. Je me rappelle assez clairement ma première fois sur des platines. C’était des CDJ 200. C’était dans les années 2000 tu sais, à l’époque de l’électro-clash. C’est ça qui m’a fait explorer toute cette vague de sons des années 80, c’était l’âge d’or de leur revival.
Concernant le fait que je sois une femme, j’avoue que ce n’est pas un truc auquel j’ai pensé à l’époque. Je n’y pense que depuis quelque temps. Clairement, dans mon milieu, j’étais la seule fille dj. Enfin je me rappelle d’une autre fille de Bucarest, mais elle jouait de la drum’n’bass, c’est tout ce dont je me souviens. Je crois qu’elle ne joue plus aujourd’hui d’ailleurs.
Il n’y avait donc pas beaucoup de filles djs à l’époque, mais jusqu’à récemment, c’est un truc qui ne dérangeait personne…

Pourquoi déménager à Berlin ?

On va dire que la scène électronique de Berlin m’attirait beaucoup. Son ouverture d’esprit faisait de Berlin une destination de rêve pour moi. C’est, je crois, ce qui s’est passé pour beaucoup de jeunes qui ont décidé d’y faire leur vie. J’étais en couple à l’époque, et ma partenaire était très motivée à l’idée de venir ici, ce qui m’a pas mal encouragée à me lancer.

Après, je dois t’avouer que là-bas, j’ai bien mis 5 bonnes années à me trouver, en tant qu’artiste. Et c’est un peu déçue que je suis rentrée à Bucarest. Mais j’ai décidé de rentrer avec un objectif réel, je me suis inscrite à un Master en Médias, à l’université. Je suis rentrée en tant qu’étudiante, et en même temps, je continuais de travailler ma musique. C’est cette année là que les choses ont commencé à se construire et que ma vie est devenue ce qu’elle est maintenant. Je pense qu’au fond, avant je n’étais simplement pas prête.

C’est quoi qui était si différent à Berlin ?

Tu sais, j’aime Bucarest et Berlin, intensément. Je n’échangerais pas l’une pour l’autre. Et c’est aussi pour ça qu’aujourd’hui je suis de retour à Berlin mais que je suis très très souvent à Bucarest.

Mais oui, elles diffèrent beaucoup, et c’est peut-être pour cela que ce compromis de vie me convient. A Berlin, ce que j’aime, c’est cette… tranquillité. Impossible à trouver dans une autre capitale européenne. Bucarest est bien trop encombrée. A Berlin, je me sens également très libre, ce qui n’est pas un point fort de Bucarest, mais aussi de pas mal d’autres villes en Europe, malgré peut-être quelques exceptions. Après, il faut avouer que ce qui me manque de Bucarest, c’est son temps, son soleil, et ses gens chaleureux – puis évidemment, ma famille et mes ami(e)s sont je suis très proche, mais aussi la façon de faire les choses, à la latine/balkanique, très différente de la manière de faire les choses plus… germanique, de Berlin.

Et concernant la nuit ?

Et bien, je pense que tu sais que la nuit berlinoise est difficilement comparable à n’importe qu’elle autre nuit dans le monde.. Après, même si je suis DJ, je ne sors pas beaucoup, en dehors des clubs où je joue. Je rate tout du coup, parce que je voyage beaucoup, je joue beaucoup, et en dehors de ça, j’essaie de me reposer. Ce qui doit sembler bizarre. Un DJ qui ne sort pas en club !
Concernant la nuit à Bucarest, elle est très JEUNE, en pleine ébullition, il y a une scène, oui, mais elle reste encore petite, même si elle déchire.

Tu as sorti des morceaux sur trois des meilleurs labels du moment : Cómeme, Correspondant et Veronica Vasick’s Cititrax / Minimal Wave, pourquoi ceux-là ?

Je crois que ce que ces trois labels ont en commun, hormis le fait qu’ils sortent de la musique incroyable, c’est qu’ils sont dirigés par des femmes… Je ne les ai pas choisis pour ça, c’est arrivé comme ça, mais c’est important !

Comment ça s’est fait ?

Ma première rencontre a été avec la famille Cómeme, au regard de Lena Willikens et Avril Ceballos, la manager du label. Lena m’a demandé de leur jouer des morceaux, puis elle m’a invité à jouer à son Salon des Amateurs, à Düsseldorf. Dans le même temps, Avril me demandait des démos pour Cómeme. Puis au bout d’un moment j’ai reçu un appel de Matias Aguayo le directeur du label, et il m’a proposé de sortir mon premier EP.
Ensuite il y a eu Correspondant. Je crois que Jennifer Cardini, sa directrice, est la première DJ femme que j’ai vu jouer derrière des platines. C’était au Rrex en 2006 ou 2007, et ça m’a beaucoup impressionnée. Je crois que c’est à ce moment là que je me suis dit “j’adorerais faire la même chose”. Et voilà, dix ans plus tard, en 2016, j’ai quatre tracks à sortir et Matias Aguayo qui me demande où j’aimerais les sortir. J’ai répondu “Correspondant”. Il a pris le téléphone, il l’a appelée. Puis le reste de l’histoire on le connaît.

Il y a un(e) artiste dont tu te sens proche aujourd’hui ?

Si je dis “moi-même” ça sonne un peu égocentrique non ?

Ton style, maintenant, qui est à la fois super puissant, sombre mais également assez “sexy”, tu penses que c’est un reflet fidèle de ta personne ?

Merci pour la description !
Je ne sais pas, je fais les choses comme elles me viennent, comme je m’imagine les faire, donc oui, je pense que c’est peut-être ça ?!

Tu écoutais quoi quand tu étais ado ?

J’ai très tôt aimé un peu de tout, un mélange assez équilibré entre le classique et le rock’n’roll… un truc entre Bach et les Smashing Pumpkins, avec une influence très britannique, de T-Rex en passant par Bowie. Mais sans hésiter, en premier lieux, les Doors, je suis même allée sur la tombe de Jim Morrison à Paris, j’avais seulement 9 ans… Puis Queen, pour la vie.
Puis ensuite sont venus les incontournables Le Tigre, Electrelane… je peux continuer longtemps à citer des noms (sourire)

Tu aimerais être une inspiration pour les futures mélomanes et futurs clubbeurs ?

Je pense que ce serait un peu présomptueux de ma part, mais je suis déjà très fière de voir que de jeunes filles sont venues me voir un jour pour me dire à quel point je les inspirais, en faisant ce que je suis, et ça, ça compte déjà beaucoup !

Ce que je souhaite aux futures mélomanes ou futures clubbeurs, c’est d’être de plus en plus ouverts sur le monde, et inclusifs, de promouvoir l’égalité, c’est important…

Bon et sinon, on avait oublié de te demander, mais Borusiade, ça vient d’où ?

Mon véritable nom est Miruna Boruzescu, alors Borusiade est juste un jeu de mot. Je pense que Miruna, ça aurait été trop intime, alors Borusiade m’est venu mais je n’ai jamais trop réfléchi à comment ça m’était venu, c’est juste comme ça !

Ne manquez pas Borusiade à la Wet For Me – Dark Dyke edition !

Plus de son sur son soundcloud et sa page Facebook

Adeline

Caution musicale de la team et rédactrice en chef du mag Heeboo, Adeline est amatrice de sonorités brutes et de soirées sans façons. Elle aime : le bleu / ponctuer ses interventions de points / râler. Ses soirées à elle (et à tout le monde) : Sneaky Sneaky.