Rencontre avec Madame Rap

Madame Rap sera parmi nous pour la Wet For Me Pride édition au Cabaret Sauvage le 24 juin. On a taillé la bavette dans le vif du sujet avec Eloïse, sa fondatrice. Morceaux.

Bonjour Eloïse, t’as quel âge, tu fais quoi en ce moment ?
J’ai 33 ans, et je cours partout ! Je suis un peu en mode pieuvre/hyperactive/ubiquiste en ce moment. Je bosse en tant que journaliste indépendante, je développe Madame Rap avec mon acolyte la DJ Emeraldia Ayakashi à Paris et dans plusieurs autres villes en France, je suis militante féministe et LGBT + et je collabore à plusieurs initiatives, comme le gala des Out d’or de l’AJL, la Wet For Me de Barbi(e)turix pour La Marche des Fiertés ou encore Les Momumentales et Genre et Ville qui organisent un événement le 1er juillet devant le Panthéon pour célébrer la place des femmes dans la ville.

Madame Rap, site, label et e-shop pour la visibilité des femmes dans le rap va fêter ses deux ans en août prochain, de quoi es-tu le plus fière ?
Je pense que ma plus grande fierté est le fait que Madame Rap ne cesse de grossir et que de plus en plus de personnes aient envie de travailler avec nous. C’était une énergie ultra-positive qui donne un sens à ce qu’on fait.

Le site est très riche avec beaucoup d’interviews, d’articles, c’est ta collègue et toi qui écrivez tout ou vous êtes un collectif ?
Nous ne sommes que deux et c’est moi qui écris tout. Emeraldia se charge de toute l’identité visuelle et de la production artistique. Nous nous partageons le volet événementiel et le community management.

Comment s’est forgée ta culture rap, quel rap tu écoutes ?
J’ai commencé à écouter du rap vers l’âge de 5 ans, car mon grand frère en écoutait beaucoup. J’ai commencé à me forger mes propres goûts au collège avec des artistes comme le Wu Tang Clan, Public Enemy, NWA, A Tribe Called Quest, ou aussi NTM et Assassin. En seconde, j’ai découvert des rappeuses américaines (Salt N Pepa, Queen Latifah, MC Lyte, Lil’ Kim, Lauryn Hill, Foxy Brown, Bahamadia, EVE, Da Brat, Missy Elliott…) qui m’ont fascinée par la liberté de leurs discours et la diversité de leurs identités. Aujourd’hui, j’écoute toujours pas mal de rap old school et conscient, beaucoup de femmes (sans faire exprès !) et ce qu’on appelle « rap queer », du trap, du cloud…

Militer pour la visibilité des femmes ça marque ton parcours, pourquoi ?
Parce que la première discrimination à laquelle les femmes se confronte est cette invisibilisation. Elles se retrouvent face à un système qui leur dit « tu n’existes pas ». C’est très violent. Ensuite, je pense que le fil rouge de mon engagement est le corps, car c’est par lui que viennent toutes les violences sexistes (harcèlement de rue, injonctions à être mince, jeune, blanche, maternité et non maternité, sexualité, avortement, contraception, PMA, GPA, violences physiques et sexuelles…)

C’est quoi ton féminisme ?
C’est inclusif, je l’espère. C’est vivant aussi. C’est voué à changer, à évoluer, au fil de ma vie. Je ne me définis pas comme appartenant à tel ou tel courant et je déteste les étiquettes. Même si je suis plus proche du féminisme queer que du féminisme radical, je m’inspire de plein de choses et j’essaie de ne pas m’enfermer dans une case. De toute façon à chaque fois que j’ai essayé, j’ai bien vu que ça ne me correspondait pas.

Quelles sont les femmes qui t’inspirent ?
Violette Leduc, Angela Davis, Christiane Taubira, Blanche Gardin, Céline Sciamma, Virginie Despentes, Léonora Miano, Chimamanda Ngozi Adichie, Annie Ernaux, Kathleen Hanna, Janelle Monae, Frida Kahlo, Ava DuVernay, Maya Angelou, Me’shell Ndegeocello, Courtney Love, Jeanette Winterson, Bell Hooks, Björk…

Plus jeune tu as fait un mémoire à New-York sur les femmes dans le rap, tu as beaucoup milité dans des collectifs féministes, Osez le féminisme, La Barbe, les Femen… Madame Rap, c’est le moment de la synthèse ?
C’est le moment de la cohérence interne ! Je pense que j’ai pris deux chemins différents pour finalement arriver au même point. Ma passion pour le hip hop ne m’a jamais quittée, mais je n’arrivais pas à l’allier avec mon militantisme féministe, car ces milieux sont souvent hostiles au rap, ou ne s’y intéressent pas vraiment. Le rap, comme le rock, m’ont toujours accompagnée. Ce sont des musiques profondément politiques, des refus de se soumettre, des poches de liberté. Elles font écho à une forme de rébellion et d’incapacité (assumée) à me conformer, qui m’a toujours habitée. Ça me semble évident aujourd’hui, mais je ne m’en rendais pas forcément compte il y a quelques années.

Madame Rap sera à la Wet For Me Pride édition le 24 juin au Cabaret Sauvage, tu pourrais nous dire en trois mot l’esprit de ce que vous allez présenter ?
Hot, politique et inclusif !

Tes trois tracks favoris du moment ?
Le dernier Tricky « The Only Way », “She Loves Me Not” de Faith No More (je suis ultra fan de Mike Patton) et “Problems” de la rappeuse texane Snow Tha Product qui défonce !

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Un grand merci à Eloïse ! On part checker : www.madamerap.com et RDV le 24 juin prochain à la Wet For Me – Paris Pride Edition

Isabelle Mornat

Isabelle aime les cabinets de curiosité et la vieille techno hardcore, la confusion des sens et les concentres Harley au clair de lune.