Tegan & Sara : « C’est important de promouvoir les femmes artistes »

Ce weekend avait lieu à Paris une grande messe lesbienne : le concert de Tegan & Sara pour leur Love You To Death Tour, du nom éponyme de leur huitième album, The place to be. Barbieturix a eu la chance de rencontrer en exclusivité les artistes canadiennes, qui ont dépassé la barre des un million d’album vendus dans le monde, pour une interview « laid back » avant d’enchaîner sur leur sixième concert.

BBX : Comment devient-on “Tegan & Sara” quand initialement l’une rêvait d’être vétérinaire et l’autre avocate ?

Tegan : Dans les années 90s c’était la mode d’être dans un groupe. Tout le monde avait un groupe. On jouait plutôt bien. On a eu beaucoup de chance, les producteurs ont très vite vu le potentiel de notre duo en tant que soeurs jumelles et ados.

Sara : On a même repoussé certains labels car on préférait pouvoir être nous-mêmes. On n’a pas choisi la voie la plus simple en signant avec des labels indépendants mais au moins personne ne nous dictait comment nous habiller, ni comment nous comporter.

Aucun producteur n’a souhaité tirer partie de votre sexualité ?

Tegan : Comme t.A.T.u ? C’est un groupe monté de toutes pièces, pour s’adresser à un public bien particuliers.

Sara : Personne ne nous a forcé à avoir une sexualité hétérosexuelle ni à mettre en avant notre homosexualité.

Vous avez beaucoup de fans qui sont impatient.e.s de vous voir ce soir, comment expliquez-vous votre longévité après 20 ans de carrière ?

Sara : Cela nous étonne toujours. Notre succès d’aujourd’hui, jamais on aurait pu l’imaginer. On connaît tellement d’artistes talentueux qui n’ont jamais percés, tout comme d’autres artistes bien plus connus que nous. Personne ne peut répliquer “Tegan & Sara” et être certain.e d’avoir le même succès. Quand on a commencé, on doutait de nous. Lorsque notre manager nous a expliqué que notre travail porterait ses fruits dix ans plus tard, ça nous a rassuré, on était pas obligé d’être pros tout de suite.

Comment se passe votre relation de travail, en tant que soeurs ?

Tegan : C’est une force vu les hauts et bas qu’on a connu. Bien sûr il y a des jours où je voudrais être la boss et là ça se complique… mais si on avait pas été soeurs on aurait sans doute abandonné !

Sara : On a que nous deux à gérer, c’est plus simple qu’un groupe. On a fait la tournée de The Killers, un groupe constitué de 4 fortes personnalités, on se demande encore aujourd’hui comment le groupe fait pour tenir avec leurs agendas de chacuns ! En fait pour la plupart des groupes je ne comprends pas comment ils font…

Comment gérez-vous vos planning respectifs ?

Sara : On essaye d’inclure nos proches le plus possible dans nos tournées. On a eu notre mère avec nous par exemple. J’ai aussi invité ma petite amie en Amérique Latine.

Tegan : On n’a pas les moyens de faire des tournées confortables car la tournée rapporte peu, c’est compliqué de voyager tout le temps avec nos proches… On se fait vieilles [elles ont 36 ans ndlr], on a des responsabilités maintenant, Sara a ses chats… [rires]

Vos influences musicales sont multiples, de Nirvana à Rihanna, comment se passe votre processus de création musicale ?

Tegan : On est très porté sur l’actualité, la politique, très engagées. Nos vies ont évoluées, le monde également tout comme la musique. L’écriture reste très importante pour moi, c’est sans doute pourquoi on met en moyenne 3 ans à sortir un album.

Sara : J’écoute beaucoup de musique électro, sans paroles, de la techno et du jazz. Pas pour m’en inspirer mais plutôt pour l’atmosphère.

Tegan : On est passé de l’indie rock joué à la guitare à une musique plus pop et populaire. La plupart des gens nous disent préférer nos premiers albums à nos derniers, alors que les premiers albums sont les moins “Tegan & Sara” ! A cette époque on était managé par des hommes qui nous disait quoi faire…depuis on a pris la place qui nous était dû, on fait vraiment ce qu’on veut faire. Il faut que les femmes se fasse leur place dans l’industrie de la musique, ou plutôt, il faut que les hommes leur fasse de la place. C’est important de promouvoir les femmes.

Est-ce pour cela que vous êtes productrices également ?

Tegan : Oui, on a co-produit la plupart de nos albums.

Sara : On a produit quelques artistes, même s’il s’agissait d’amis. Ce n’est pas la même pression que s’il s’agissait d’inconnus dont on doit gérer la carrière.

Tegan : On manque surtout de temps pour le faire.

Est-ce votre projet de “retraite musicale”, de produire des artistes et de vous occuper de votre fondation ?

Tegan : Notre fondation est surtout d’ordre politique et concerne des sujets LGBTQ. Vu ce qui se passe dans le monde aujourd’hui, on veut surtout aider les personnes trans et racisées. La plupart des dons vont aux hommes gays blancs et on aimerait changer ça.

Sara : Notre fondation couvre pour l’instant que l’Amérique du Nord, on vise bien sûr l’international, on prend contact avec les associations LGBT un peu partout. On est sur ce projet depuis un moment, avant même les présidentielles américaines, on aurait lancé la fondation dans tous les cas, peu importe le résultat.

Vous souteniez Hillary Clinton, que pensez-vous du nouveau président élu ?

Sara : On a fait notre tournée aux Etats-Unis en plein pendant les présidentielles, c’était très particuliers, on invitait les gens à aller voter. Et le résultat est tombé…Nos compagnes sont toutes deux américaines, on vit entre les Etats-Unis et le Canada, on a un visa mais on ne sait pas jusqu’à quand… Si un jour on écrit un tweet critiquant Trump qui sait ce qu’il est capable de faire ? Ou alors s’il décide un jour que les artistes sont néfastes pour la société ?

Tegan : Certaines personnes nous disent de lui laisser le temps de gouverner mais on a vu ce que ça a donné en laissant du temps à Hitler !

Sara : Ma compagne a déjà rempli les papiers pour s’installer au Canada.

En tant que canadiennes vous avez Justin Trudeau, vous êtes plutôt bien loties non ?

Tegan : C’est vrai, mais on est bien passé d’Obama à Trump ! Il y avait des inégalités avant, il y en aura toujours après… c’est pour ça qu’on a lancé notre fondation ! On récolte déjà des fonds grâce à notre partenariat avec Kiehl. On a été très bien reçu pour ce partenariat, c’est plutôt positif pour la suite !

 

Emmanuelle

Crédit photos : Marie Rouge

Emmanuelle

Caution militante et intersectionnalité de la team, hyperactive touche-à-tout (nous n'avons toujours pas compris quel était son vrai métier), co-fondatrice des soirées Peaches & Cream, DJ à ses heures perdues.