Fan de ma stagiaire lesbienne. Récréation : Yolanda

Sidonie travaille dans un ministère où elle cache précautionneusement son homosexualité. Dans le dernier épisode, elle consolait Alice, victime d’un douloureux chagrin d’amour et lui révélait sa propre homosexualité.

Alice, ma jeune stagiaire, dévastée par un chagrin d’amour, est en congé cette semaine. L’open space me paraît bien morne. J’ai quelques nouvelles d’elle par SMS. Selon ses mots : elle survit.

Pas de leçon, donc, pas de claque, pas de comparaison entre nos façons d’être lesbienne, une jeune, une vieille, une au placard, l’autre pas. Je profite de ce répit pour m’offrir une petite récréation, une anecdote de mes vingt ans. Alice fait remonter mes souvenirs, bons et mauvais. Allez, un bon, cette fois : Yolanda.

1994 : Pulp fiction, Portishead, Jorge Semprun, génocide au Rwanda. Je suis une sage jeune fille au chignon qui suit ses études et approche très peu les femmes. Les occasions sont rares et tout est contre moi. Il y a bien eu cette cavalière, rencontrée un week-end à Rambouillet, qui est ensuite passée plusieurs fois chez mes parents, qui a téléphoné, qui voulait trouver une faille pour me connaître… Mais ma mère l’a écartée en omettant de me parler de ses visites et de ses appels.

Alors, est-ce que ma grand-mère sent ma profonde lassitude ? Voit-elle que le point de rupture est proche ? Toujours est-il qu’elle m’emmène, quasiment contre ma volonté, me reposer dans un hôtel Spa en Espagne. (Bientôt, je vais tout quitter, perdre le soutien financier de mon père et me retrouver sérieusement à la dèche. Ce seront mes dernières vacances avant longtemps.)

Et je rencontre Yolanda. Je m’en souviens très, très bien. Elle est comme tombée du ciel, cette brune aux yeux brillants, au nez fin, à la bouche charnue. Elle a presque trente ans, transpire la joie de vivre, rayonne, et va me montrer que l’homosexualité, cela peut être simple, facile, heureux, détendu comme un jour de massages et de bains chauds.

Dès notre arrivée à l’hôtel, elle est là, dans son uniforme jaune, à l’accueil. Elle me regarde, me parle, me fixe, je ne sais pas… Elle me plaît tout de suite. En une demie seconde, je sais qu’elle est homo et que je peux, si je veux.

Elle a la voix éraillée et le sourire naturel. Je traduis pour ma grand-mère ses paroles de bienvenue et les formalités. Quand Yolanda se retourne pour prendre nos clés accrochées au tableau, je regarde ses fesses, ses hanches, son dos. Elle me surprend et me demande si je ne préfèrerai pas voir tout ça… sans vêtements. Et j’ose répondre « oui ». A l’époque, c’est un effort monumental, un dépassement de soi, vous ne vous rendez pas compte !

Alors, Yolanda se met à me faire des propositions. L’air de rien, d’un ton dégagé, devant ma grand-mère qui heureusement ne comprend pas un traître mot d’espagnol, elle me demande si j’ai déjà été avec une femme, et affirme qu’elle aura la réponse dès qu’elle sera contre moi, parce qu’elle va venir me rejoindre dans ma chambre, pour en parler, et que je serai enchantée.

Et ma grand-mère :

– Que dit-elle ? Elle est charmante.

– Rien, elle parle d’un restaurant.

Je fais les yeux ronds mais rien n’arrête Yolanda, tout sourire. Elle joue.

– Un restaurant, petite maline ? Dis-le donc à ta grand-mère. Je te veux nue.

Elle se penche sur le comptoir et attrape un petit plan de la ville. Son parfum me titille.

– Je sais que tu viens de regarder dans mon décolleté, regarde encore.

Je vois le début d’un sein et un peu de dentelle blanche. Yolanda fait des cercles au stylo sur la carte.

– Ici, c’est un bon restaurant, petite maline. Regarde, regarde encore mon décolleté. Quand je serai dans ton lit, je t’en montrerai bien plus. Ici aussi, c’est un bon restaurant. J’ai envie de t’embrasser, de te tenir, chaude, dans mes bras. Ici aussi, c’est un bon restaurant, mais il faut réserver. Je peux mettre ma langue où tu voudras. Là, c’est un restaurant dans un hôtel, mais si tu changes d’hôtel, je te viole.

Au bout d’un moment, je ris. Alors, je suis perdue. C’est comme dire : « Yolanda, fais ce que tu veux, je suis d’accord pour tout. » Et elle me tombe dessus le jour même, à dix-sept heures tapantes. Service d’étage, oh, oh, quelle belle surprise, Yolanda… Elle entre dans ma chambre avec des mignonnettes de whisky, du jasmin dans les cheveux, un grand sourire. Ok, moi, j’adore l’Espagne ! Et j’ai envie de vivre ça, une aventure, une fête, du sexe, avec une femme, loin de ma vraie vie.

Yolanda referme tranquillement la porte, se colle à moi, me parle doucement à l’oreille.

– Je t’avais dit que je viendrais… Salut…

Cela me trouble vraiment d’être contre cette inconnue qui ne bouge pas… Je suis muette.

– Tu me veux autant que moi je te veux ?

Pour lui répondre, je dépose un baiser sur sa bouche. Je vole, j’ai l’impression, je n’ai plus d’efforts à faire, je ne suis plus timide, ça me vient naturellement ! Yolanda sourit… Quelques secondes passent. Est-ce que je l’ai étonnée ? Ce baiser était-il trop… chaste ? Pathétiquement enfantin ? Je rougis. Elle m’embrasse à son tour. Mais mieux, avec plus de fougue, et puis avec la langue, en pesant sur moi, à me faire ployer, en me caressant le dos, les hanches, les fesses.

– Tu as l’air si jeune. Tu connais les femmes ?

– Oui…

– Alors tu veux que je te touche ?

Elle me pousse doucement sur le lit, se couche contre moi, m’embrasse encore, m’enlève mon t-shirt, ouvre les boutons de mon jean.

– Comme ça, tu vas être beaucoup mieux.

Tu m’étonnes. C’est si bon, de ne pas contrarier ses envies ! C’est si bon d’être gouine, pour une fois… Se laisser aller, se laisser guider, se laisser faire, et faire ce qu’on veut… Ah… Yolanda, Yolanda, Yolanda, de puta madre !

– Maintenant, je t’enlève tout, petite maline.

Elle me fait tomber le jean à la vitesse de l’éclair. Son uniforme aussi, est viré en moins de deux. Quand elle se couche sur moi, ma température monte d’un cran. Quand elle m’embrasse, je suis paralysée. J’ai des envies sauvages qui ne sortent pas. Pas tout de suite, mais ça va venir. Je les contrôle depuis si longtemps….

Yolanda retarde beaucoup mieux ses orgasmes que moi, et ils sont plus intenses, il me semble. L’âge, l’expérience, sans doute. Je ne demande qu’à apprendre. Et j’aurai mon cours tous les soirs, de cinq à sept, intense. Et j’aurai aussi quelques extras, des visites au beau milieu de la nuit, époustouflantes. Un feu, une énergie, cette Yolanda, un goût pour l’amour, pour le corps des femmes, une connaissance de son plaisir… Ah… Une si belle homosexuelle.

– Plus fort, plus vite, plus loin, s’il-te-plait.

A ton service, Yolanda.

Qu’est-ce qu’elle a pu devenir ? Elle devait ouvrir un bar lesbien à Barcelone. Comme tout est loin…

Nous nous sommes quittées à regrets, en amies, après des séries de baisers et de recommandations : « Vas bien, vis ta vie, sois forte, t’es belle, tu peux tout faire, vibre, tremble, écris, voyage, jouis ! » On s’est donné quelques nouvelles au début et puis… Tout passe. Mais je garde une tendresse pour elle, toujours, pour ce cadeau qu’elle m’a offert, cette parenthèse de fraîcheur, de rire, de gentillesse et de plaisir dans ma vie d’alors.

Et immanquablement, l’odeur du jasmin me fait penser à Yolanda.

La prochaine fois, Alice sera de retour et fera de nouveau mon éducation. La récréation est terminée, place à la leçon n°6 : Accepter une invitation dans un bar gay.

 

 

Sidonie

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