L’espace : la frontière finale… pour les femmes ?

Retour sur les premières femmes dans l’espace et plus généralement le sexisme dans le milieu académique des sciences.

Le 16 juin 1963, Valentina Terechkova n’a que vingt-six ans, et s’embarque dans une mission de trois jours pour orbiter la Terre quarante-huit fois. En pleine guerre froide et course spatiale, elle devient la première femme à s’élever au-dessus de la stratosphère, la première cosmonaute. Triomphe absolu pour l’URSS contre les États-Unis, triomphe double même, car il faut y lire : « Nos femmes, même les plus jeunes, sont aussi fortes et intelligentes que vos hommes ; et, « A bas le sexisme bourgeois, chez nous, femmes et hommes sont égaux ».


Valentina Terechkova

Rien ne prédestine pourtant Terechkova à voyager dans l’espace : elle est employée dans une fabrique de textile. Son amour du parachutisme, un entraînement rapide, et son statut de fille d’un héros de guerre, lui permettent d’être sélectionnée parmi les nombreuses candidates pour la mise en orbite.
Or, il semblerait s’agir d’une pure affaire de propagande visant en premier lieu à mettre à mal le rival capitaliste. C’est un pari gagné d’ailleurs puisqu’il faudra attendre vingt ans encore pour que les États-Unis envoient la première femme astronaute, Sally Ride (nous y reviendrons).
N’empêche que l’événement fait réagir les femmes à l’Ouest : LIFE magazine publie un article une semaine après le vol, intitulé « She Orbits Over the Sex Barrier » (elle vole au-dessus de la barrière sexiste), où l’auteure révèle les arguments bidons des chercheurs américains et où elle dresse un portrait d’une douzaine de femmes plus qualifiées et entraînées que Terechkova, qui seraient donc capables de prendre le relais dans l’espace. Et pourtant, pas de vols pour les chercheuses américaines.
Côté soviétique, sous cette couverture d’égalité c’est en fait à peine mieux. Originellement, la mission était prévue pour deux cosmonautes femmes, mais quand Vostok 5 et Vostok 6 décollent en 1963, Terechkova est accompagnée d’un collègue masculin.
Aussi, malgré l’insistance de Terechkova et de ses collègues féminines et la formation d’un groupe de cosmonautes femmes (rapidement dissous en 1969), il faudra attendre dix-neuf ans pour qu’une soviétique ait le droit de retenter l’aventure.


Les premières femmes astronautes de la NASA : Sally Ride, Shannon Lucid, Kathy Sullivan, Rhea Seddon, Anna Fisher and Judy Resnick

En 1983, aux États-Unis, c’est enfin le tour de Sally Ride. Astronaute brillante, elle va participer régulièrement dans de nombreuses missions, à bord des vaisseaux ou depuis la Terre. Le parcours de Ride est un parcours difficile, les questions que lui posent les journalistes avant son premier voyage gravitent majoritairement autour de son genre et non de sa mission. Il s’agit pour elle, de prouver constamment, qu’elle est aussi préparée au voyage que ses collègues masculins.
C’est que le sexisme dans le milieu scientifique commence tôt, et est souvent accompagné de divers types de harcèlement comme en témoignent ces étudiantes dans cet excellent article.
Beaucoup moins nombreuses que leurs paires masculins, les femmes deviennent vite les proies préférées de leurs professeurs et collègues qui mettent en doute leurs capacités ou tentent de les séduire. Tenant en compte le CV des concernés, le milieu académique étouffe souvent le scandale au détriment des victimes.

Concernant Sally Ride, extrêmement réservée, ce n’est qu’en 2012 que l’on apprend que la première femme astronaute est également la première astronaute LGBT. Un secret jalousement gardé, puisque les astronautes devaient se tenir à la politique du « Don’t Ask, Don’t Tell », tout comme les militaires américains.
Depuis, quelques améliorations au sein de la NASA, pour les femmes et pour la communauté LGBT avec notamment la création du NASA LGBT Advisory group en 2009, visant à interdire les discriminations au sein de l’organisme et qui défile régulièrement lors de la Gay Pride.
Du côté des femmes, si les choses se sont améliorées, il y a encore du chemin à faire, comme le rappelle la page Wikipédia concernée : « Si jusqu’en 2014, vingt-quatre hommes ont déjà séjourné sur la Lune, aucune femme n’a pour l’instant quitté l’orbite terrestre. »

Ana

Rousse des tropiques partageant un amour impérieux pour la peinture, les films de science-fiction et les voyages dans l'espace. Collectionneuse de gifs et d'images belles trouvées.