Dessine-moi une chatte

« Pour que demain, des teuches et des teubes cohabitent sur nos murs et inscrivent en lettres de graphes un peu plus d’égalité ». C’est le vœu du collectif vagina guerrilla qui décline sa vulve logotipée sur des sacs, badges et stickers vendus pour la bonne cause. Dessine-moi ta chatte, décore-moi la moule. Pour un monde plus juste ?

La représentation du sexe féminin a été accaparée. La chatte a été soustraite. Une disparition orchestrée à coup d’ombres, de brumes, de plis et de main posée. Pas de poil. Juste rien. Il faut attendre le XIXe siècle pour que certains artistes découvrent quelques sexes pour le plaisir solo de mâles commanditaires. Goya. Courbet. La vulve dévoilée avec l’avènement de l’art moderne ? Au XXe siècle les vulves ont le vent en poupe. Elles s’exposent en 3D. Le Women’s lib a sa fabrique de vulves, des mains d’Hannah Wilke, qui façonne ses chattes en terre. L’évidence même. La vulve est peu à peu investie. Les temps de la moule messianique sont venus.

Avec son Grand mur de vagins, l’artiste anglais Jamie McCartney a réuni 400 moulages de vagins de 18 à 76 ans sur neuf mètres linéaires. L’œuvre a un site dédié sur lequel on peut lire que Jamie veut faire de 2016 l’année du vagin et clame « Viva la vulvalution ». Il propose dix bonnes vagino-résolutions pour 2016 et souhaite combattre la labiaplastie, une chirurgie des lèvres de plus en pratiquée pour avoir un sexe anonyme. Il n’y a pas longtemps, on vous présentait le travail de Cassie avec ses rorschattes et sa série Black&White – Projet Don’t try to cut them all. Eloge de la diversité.

Un autre combat frémit. Presque en sens inverse, loin de l’unique, le même, mais partout. Le logo-chatte forme des bataillons. Un modeste viva-la-vulva en Angleterre propose sa version ondoyante rose tyrien. Les Finlandais connaissent depuis longtemps un petit soleil hérissé simple et efficace. Et le vagina guerrilla a concocté un pussy bi-rose assez complet, plutôt sophistiqué, qui se prête à pas mal de projections entre le museau rieur, pour les terre-à-terre dans mon genre, et la Virgen de Guadalupe, pour les plus mystiques.

Le collectif arbore son logo pour contrer l’invasion banalisée des bites bombées vite fait dans la rue, partout. Le manifeste interroge «  Pourquoi la représentation du sexe féminin n’aurait-elle pas droit de cité, elle aussi, sur nos murs ? ». C’est pas trop dur à dessiner et sinon il y a une boutique pour s’approvisionner.

L’art vaginal (vous avez mieux ?) est en pleine ébullition. Cup-cakes, porte-clés, boucle d’oreilles, boules de sapin, oreillers, j’en passe et des meilleurs. Dix-huit pages sur etsy (ma préférence va aux vulvettes… délicieux sacs à main). On peut pas dire que l’art bital soit à la hauteur de cette offre. Le corps féminin marchand, une vieille histoire !

Allez viens, on va taguer nos chattes au coin de la rue.

 

Isabelle Mornat

Isabelle aime les cabinets de curiosité et la vieille techno hardcore, la confusion des sens et les concentres Harley au clair de lune.