Drague lesbienne sur Tinder : mission impossible ?

Draguer des filles lesbiennes ou bies sur Tinder : Mission impossible ? Notre envoyée spéciale en territoire géo-localisé a tenté de se faire une idée de la drague queer sur application smartphone, de la France à l’Australie. Récit.

Il fallait bien plus que la simple perspective de plans cul consommés façon Whopper – sans la queue d’une heure – pour me convaincre d’aller sur Tinder. Je dois vous l’avouer, je suis plutôt branchée séduction IRL, mais après plusieurs étés de solitude, l’envie me manquait d’aller me péter le dos en gesticulant avec une inconnue. Et après 15 ans de milieu lesbien, l’amour, le vrai, on sait qu’il n’existe qu’à la télé.

Alors tout ça, c’est la faute de ma pote Anna. Un sms et une capture d’écran de ma photo du profil auront suffi à me faire prendre conscience du fait que j’étais en train de rater la méga fête. La première fois sur Tinder, je me suis sentie comme une enfant dans un magasin de confiserie dont les bonbons, passage à l’âge adulte oblige, auraient été remplacés par un bal ininterrompu de photos de filles. Un peu rebutée par cette idée de sélection par l’image et trop impatiente pour trier sur le volet, je sombre assez rapidement dans le « mass matching » : me parlera qui voudra.

Une bonne partie de mes prétendantes virtuelles ont entre 18 et 22 ans. Elles me « rassurent » en m’annonçant d’entrée la couleur : avec elles, pas de batifolages inutiles, elles cherchent l’amour, le vrai, celui qui rime avec mariage et PMA. Et pour cela, rien de telle qu’une cougar responsable. J’imagine alors mes longues nuits passées sur Football Manager remplacées par biberons et listes de courses, le tout au côté d’une fille dont je pourrais être la mère. Angoisse.

Passées les premières inquiétudes, je finis par rencontrer quelques filles sympas et notamment une dont la remarque aurait du me mettre la puce à l’oreille « Je comprends pas, en fait tu rencontres pas en mode date ? » A vrai dire, pas vraiment. Mon aventure sur Tinder va réellement commencer alors que je dois passer un mois et demi seule à l’autre bout du monde, sur une île appelée l’Australie et sur laquelle je vais utiliser l’application comme une fusée de détresse.

 

La technique numéro un des étrangères quand vous arrivez dans leur pays et de vous dire « bonjour » en Français, les plus audacieuses ajouteront un « comment ça va ? » Ne vous y fiez pas, dans 99,9% des cas, les dites jeunes filles ne parlent pas un mot de Français. Le passage par la case « Aïe spik Ingliche » est quasi obligatoire. Rassurez-vous, elles adorent toutes le « Frainch akssunt ». Mon tout premier rendez-vous Tinder à la sauce barbecue m’invite à un tea party du dimanche à l’opposé des habituelles soirées parisiennes.

Premier choc culturel, les habituelles et odieuses gamines hipstérisées sont remplacées par de sympathiques quinquagénaires qui assument leurs poils, des jambes au menton en passant par les aisselles. Ici, pas de chichis, tu viens comme tu es. On ne parle pas de son week-end shopping à Londres ou d’orgies berlinoises mais de son futur séjour dans les arbres de Tasmanie. Après cette expérience réussie de sociabilisation par Tinder, l’espoir nait d’un séjour porté par de merveilleuses rencontres. C’est évidemment à ce moment-là de l’histoire que tout se gâte.

Idée sombrement stupide que d’accepter une visite touristique motorisée de Melbourne et ses environs, en huis clos dans la voiture d’une inconnue. Inconnue dans l’absolu très gentille, mais qui face à mon refus de prolonger l’expérience en tête à tête, dans le même lit, au bord de l’océan, va monter en puissance jusqu’à me proposer de venir vivre avec elle « for ever, » ponctuant ses phrases d’un surprenant « you’re so beautiful ».

Face à un tel emballement, comment lui dire avec tact que je n’envisage pas une relation autre qu’amicale ? En m’inventant une copine jalouse bien sur ! Mais sa réponse est sans appel : « Quitte la, elle ne te mérite certainement pas. »

En parallèle, mon téléphone s’emballe, les messages et les sms les plus surréalistes fusent. Si la Parisienne aime manifester son intérêt en vous ignorant royalement, la Carte de Tendre est une invention française après tout, l’anglo-saxonne est plutôt directe. Que ce soit sur place ou à emporter, avec elle, on mange tant que c’est chaud. Face à une déferlante de « you’re beautiful / such a babe / so cute / sexy etc », je décide de limiter mon séjour à Melbourne à quelques visites touristiques et à des soirées sans histoires dans ma petite banlieue bourgeoise, façon Desperate Housewives.

J’accepte cependant de retenter une rencontre lors de mon retour sur Sydney.

Tatouée de la tête aux pieds, un requin sur le bras droit, son nom de famile sur le gauche, « mum » sur le poignet droit, « dad » sur le poignet gauche, un simple « I love eating » en description sur son profil, des photos d’elle en train de manger ou déguisée en Tortue Ninja et une tendance à l’ivresse institutionnalisée. Pas mon genre criais-je à la fontaine avant de boire toute son eau.

Et la machine Tinder continue de tourner. Conséquence du « mass matching » entamé précédemment, me voilà rapidement connectée à la moitié de Sydney : les exs de mes potes sur place, les exs de la fille que je fréquente, les matches de mes matches… Un océan de consanguinité se dessine devant moi. Difficile dans ces conditions d’échapper au « Hey je t’ai vue sur Tinder » en allant en soirée ou de recevoir des messages salaces de filles qui m’ont croisé / vaguement parlé la veille dans un bar.

Amusées, mes copines finissent par m’avouer que Tinder est réputé être une application de pur dating en Australie et que je devais passer, au mieux pour une Parisienne snobinarde qui allume sans jamais éteindre, au pire pour une prédatrice insatiable qui fait du tourisme sexuel.

Le retour en France s’annonçait difficile, adieu succès éphémères et amours de vacances, il était temps de retourner à la case « moche et éternelle célibataire ».  Nostalgique de cette gloire passée, je refais quand même, sans grande conviction, un petit tour sur l’application, histoire d’échanger quelques mots. Car passée la joie de retrouver la compagnie de mes deux félins, je dois rapidement reconnaître qu’ils manquent cruellement de conversation.

C’est ainsi qu’une fille vient m’aborder en soirée une semaine plus tard « On s’est parlé sur Tinder ». Sauf que je suis incapable de me rappeler d’elle. Troublée par le fait de ne pas me souvenir d’une fille avec d’aussi jolis yeux, je lance l’application en lui promettant de la retrouver rapidement « parce que tu sais, je ne parle pas à grand monde en ce moment là-dessus ». Stress et vin rouge n’aidant pas, impossible de mettre la main sur la dite jeune fille, et me voilà en train de faire défiler des pages et des pages de matches… Dévoilant pas moins de 150 profils…

La charmante demoiselle m’a gentiment remercié avant de disparaître à tout jamais.

Bref, Tinder ne m’a pas tué, mais pas sur que j’en ressorte plus forte.

 

Lucienne

 

photo : Therèse + Joel pour Time Magazine