Coup de gueule: quand le sexe n’est pas qu’une histoire de cul

Le cul. Ce sujet qu’on osait à peine aborder il y a quelques décennies et dont on parle aujourd’hui comme on parle de l’expo qu’on a vu au Centre Pompidou le mois dernier. Certes, pas dans tous les milieux.  Mais le cul est partout: dans les médias, les magazines féminins, le cinéma ou les séries. Je pense par exemple à Sex and the City qui était à l’époque la première série à parler de cul sans tabou et à montrer des femmes prendre en main leur sexualité. C’était sans doute subversif pour la société puritaine des Etats-Unis.

Mais voilà, aujourd’hui, certain.e.s estiment qu’on parle trop de cul. « Que c’est bon là, c’est plus subversif, la bite, les seins, la chatte. Tout ça, c’était subversif à l’époque de la révolution sexuelle mais aujourd’hui, c’est l’overdose. »

En effet, je pense qu’on parle beaucoup de cul, mais selon moi, son overdose n’est pas liée à son abondance. Non. On parle très mal du cul. Et surtout, on ne sait pas véritablement de quoi on parle quand on parle de nos pratiques sexuelles.

De quoi parle-t-on en réalité quand on parle de cul ? Parlons nous seulement de nos petits secrets sexuels personnels ? Était-ce vraiment une conversation sur la meilleure position pour jouir que nous avons eu lors de notre dernière réunion hebdomadaire de poker entre amies ? Qu’est-ce qui est en jeu quand on parle de cul?

Je me souviens d’une anecdote évoquée par Gaëlle-Marie Zimmermann lors d’une table ronde dans le cadre de la Queer Week. Elle racontait comment le fait d’être chroniqueuse sexe l’avait amenée à être abordée par des mecs qui pensaient qu’elle baisait avec tout le monde. Comme si écrire sur la chose revenait à baiser avec tout ce qui bouge. C’est que le dicton « Ceux qui en parlent le plus en font le moins » n’a pas vraiment été en entendu.

Plus sérieusement, parler de sexualité dans les médias, écrire des articles de cul ne fait pas de vous quelqu’un qui a envie de coucher tout le temps avec tout le monde. Pas plus que parler de cul publiquement indique que vous avez été sexuellement abusée pendant votre enfance.

Je suis souvent surprise qu’en 2015, il y ait encore des gens qui me demandent  « Mais quand même, pour parler autant de cul, tu dois avoir vécu un truc que t’as pas résolu« . Finalement, comme si parler de sexe, c’était mal, et surtout, malsain. Comme s’il fallait vraiment être un peu folle pour exprimer à voix haute ce que la plupart des gens osent à peine dire à voix basse.

La révolution sexuelle n’a peut-être pas été si libératrice. Il est encore mal vu d’oser parler de cul. Certes on en parle partout, on parle sextoys, orgasmes et techniques de fellation. On évoque peu dans les médias mainstream les sujets vraiment importants: ceux qui parlent de nous, ceux qui parlent des normes, ceux qui remettent en cause les pratiques, questionnent nos fantasmes et les confrontent à la réalité. Ces articles là existent peu. C’est parce qu’en réalité, on parle de l’intime. Parler de techniques et de performances n’a pas grand chose avoir avec l’intimité. Mais parler vraiment de ce que qui nous anime quand on aime ou qu’on désire, ça gêne, ça appuie potentiellement là où ça fait mal. C’est peut-être parce que justement – et même chez les LGBT- on a du mal à remettre en question, non pas nos pratiques mais ce qu’on ressent, ce qu’on prend comme des automatismes naturels.

Parler de cul ce n’est pas seulement parler des différentes positions sexuelles, non, parler de cul c’est montrer comment chacun et chacune d’entre nous trouve sa place dans la société, comment les normes nous emprisonnent parfois. Parler de cul, c’est parler du rapport que chacun et chacune entretient avec la société. Parler de cul c’est parler de notre propre relation entre notre privé et notre politique.

Parler de cul, c’est parler de la société. Et c’est peut-être pour cela que certaines croient qu’en baisant avec vous, on vous remettra à la place à laquelle ils nous croient appartenir: de celle qui baise avec tout le monde. Comme si parler de cul c’était baiser avec tout le monde, et comme si vouloir baiser avec beaucoup, c’était mal. Le cul, c’est sain. Ce qui n’est pas sain, c’est le tabou et le jugement. Le jugement de ceux qui le pratiquent abondemment comme de ceux qui ne le pratiquent pas du tout.

Et parler de cul, croyez moi, c’est bien plus que de parler de nos fesses.

Sarah

Illustration de couv’:  Kate Bellm

Photo du corps de l’article: Mike Mogul

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.