Sexe, amour et réciprocité

Longtemps, j’ai idéalisé les relations sexuelles. J’imaginais que mes rapports sexuels avec les femmes devaient être totalement réciproques. Je voulais jouir en même temps que ma partenaire, peut-être à l’instar des hétéros, croyant que leurs rapports étaient de facto, réciproques. Je m’étais mise dans la tête que la femme de ma vie serait celle avec laquelle je vivrais un orgasme simultané. Ça n’est jamais arrivé, tout simplement parce que cela demande beaucoup trop de concentration pour avoir un orgasme.

Mais qu’en est-il des autres femmes ? Est-il possible de jouir en même temps ? Ne sommes nous pas trop concentrées sur cette idée d’orgasme simultané dans une société finalement obsédée par l’orgasme? Quid de la réciprocité dans le cul ? Existe-t-elle vraiment ou n’est-elle que le manifeste d’une société binaire dans laquelle les actions dépassent toujours l’idée?

Qui n’a jamais rêvé de vivre un orgasme simultané? Le plaisir monte en même temps et explose simultanément. Le désir de fusion est ainsi à son comble. Il ne s’agit plus alors de donner du plaisir ou d’en recevoir mais de faire corps avec l’autre. C’est parce que nous sommes dans une société totalement obsédée par l’orgasme que l’orgasme simultané est devenu le Graal à atteindre, comme s’il était garant d’une relation sexuelle (et amoureuse) parfaite.

Mais la réciprocité dans le cul ce n’est pas seulement l’orgasme simultané, il s’agit aussi de pratiques.

« Si tu me fais un cunni, je te fais un cunni ». 

Bon, dans la vraie vie ça ne marche pas réellement comme ça, cependant l’idée plane toujours au-dessus de nous :

« Il m’est arrivé de culpabiliser après que ma partenaire m’ait fait un cunni parce que j’étais crevée et que j’avais envie de me lover dans ses bras plutôt que de lui donner du plaisir à mon tour. Jusqu’à ce qu’elle m’explique que ce n’est pas quelque chose qu’on fait sur commande, que c’est du feeling et que ce n’est pas parce qu’elle m’avait fait un cunni que je devais lui en faire un. », nous confie Judith.

« J’adore faire l’amour le soir, c’est là que ma libido est à son plus haut point tandis que ma copine préfère le matin. Du coup, souvent, je lui donne du plaisir le matin alors qu’elle m’en donne le soir. Certes y’a toujours cette idée de réciprocité mais pas en même temps. », avoue Marie.

Claudia-Marie, elle, estime que la réciprocité dans la relation sexuelle est surtout un moteur d’échange pour la relation amoureuse : « Je trouve la réciprocité entre deux personnes tout à fait exaltante quand elles sont sur la même longueur d’ondes. Je crois que la réciprocité est avant tout un moteur de recherche relationnelle qui doit servir à construire des liens réels entre les deux personnes. »

Laura va, elle, beaucoup plus loin car elle recherche surtout un échange amoureux dans la relation sexuelle : « J’aime quand on ressent du plaisir en même temps, que l’échange charnel a lieu en même temps. En fait je trouve ça idiot de parler de réciprocité puisque c’est un échange pour moi, un mélange. Bon, je sais que y’a un petit désir de fusion de ma part, mais c’est assez chouette ce sentiment de vouloir entrer dans l’autre. »

Laura n’a pas tout à fait tort, et puis il s’agit surtout d’un ressenti personnel, mais la réciprocité n’est pas l’échange. L’échange charnel peut avoir lieu sans que cette idée de réciprocité (comme on l’entend couramment) ait lieu.

Donner ou recevoir 

Il y a des personnes qui préfèrent donner du plaisir que d’en recevoir, ou d’autres qui estiment que parce qu’elles sont actives ou dominantes, ce sont elles qui en donnent alors que, finalement, elles en reçoivent également. Françoise estime qu’elle ressent beaucoup de plaisir quand l’autre en reçoit et que du coup cette idée de réciprocité est un peu dépassée :

« Pour ma part, lorsque je fais l’amour avec ma copine, je ne recherche pas forcément l’orgasme pour moi… Mais, la faire jouir, par contre, est mon but. L’entendre gémir, l’entendre crier, sentir ses mouvements de hanches contre moi me rend dingue ! Et rien que ce moment de pure intensité me fait l’effet d’un orgasme. Je suis bien, fière, épanouie… Je la prends dans mes bras, caresse son épaule, l’embrasse. »

Quant à Judith, elle avoue clairement préférer les rapports de force:  » Je ne sais pas si on peut parler de non-réciprocité, mais j’aime bien quand dans le même rapport sexuel ce n’est pas équilibré. Bien sûr, j’adore donner du plaisir mais comme je me sens la plupart du temps assez soumise, j’ai envie qu’on commande. Mais on peut toujours me demander dans ce même rapport de faire plaisir à l’autre, voir de jouer à un jeu dans lequel je suis obligée de faire un cunni à ma partenaire. Pour moi il y a une forme de réciprocité dans l’acte de donner du plaisir mais au fond, ce n’est pas fait de la même manière ».

C’est sans doute parce que l’idée de réciprocité implique une notion d’équité sexuelle qu’on a du mal à la définir. La réciprocité implique quelque chose de l’ordre de l’équivalence. Mais s’agit-il d’une équivalence des pratiques et des actions ou du but, de l’intention ? S’il s’agit de l’intention, tout est susceptible d’être réciproque car on trouve aussi notre plaisir dans le plaisir de l’autre. Et parfois même, cela peut nous suffire.

La réciprocité sexuelle implique une équivalence bien trop aléatoire d’une personne à une autre pour en élaborer un concept général. Donner et recevoir, active, passive, dominante/dominée sont des notions qui se lient et se délient. Et cette notion de réciprocité se calque peut-être un peu trop sur un modèle hétérocentré : la bite entre et donne, la vulve reçoit.

Sarah

Image de couv : Four Chambers

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.