Coming out, épreuve ou libération ?

« Et toi, ils ont réagi comment tes parents ? » Cette question, vous l’avez sans doute déjà posée, et vous y avez peut-être même déjà répondu. Le coming-out est un événement que de nombreux membres de la communauté LGBTQ ont vécu. On a souvent tendance à dire qu’il s’agit d’un moment difficile à passer, mais que son accomplissement soulage : « enfin débarrassée ! »

Pour autant, à entendre les témoignages de certaines d’entre nous, il semble qu’il y ait d’autres étapes à franchir, elles aussi plus ou moins douloureuses. Ce peut être le cas lorsque vous arrivez en terre inconnue, dans le cadre de vos études supérieures, d’un nouveau boulot, ou encore d’un voyage. Bref, vous avez compris où je voulais en venir : désolée les filles, il n’y aurait pas un, mais plusieurs coming-out(s). Surtout, pas de panique ! Il n’est pas question de passer votre vie à faire des va-et-vient entre votre placard et le reste du monde. Mais encore moins de rester les bras croisés, ou pire, de les baisser.

D’ailleurs, le but de cet article n’est pas d’accroître votre peur du regard des autres ni d’augmenter ce sentiment de menace que vous ressentez parfois. Au contraire, ce que je veux vous donner, ce n’est pas une baguette magique pour faciliter cette démarche, car il n’y en a probablement pas, mais plutôt un bon grand coup de pied pour vous inviter à franchir le cap, vous ouvrir aux autres. Car le coming-out, c’est le passeport vers la visibilité. Et la visibilité, la carte verte pour l’égalité. Seulement parfois, les choses ne se passent pas exactement comme on l’aurait voulu. Reculer de trois pas en arrière, c’est l’impression que vous aurez peut-être pour faire cette véritable enjambée. Rassurez-vous, vous n’êtes pas seule.

Constance a en effet connu quelques déboires à son entrée dans les études supérieures :

« Même si j’avais déjà l’expérience du « coming-out familial », le chemin pour faire accepter ma sexualité en Ecole de Commerce n’a pas été sans embûches ! Pendant plusieurs mois, j’ai expédié le sujet de conversation  « petit copain » et bafouillé des excuses bidons pour éviter qu’on sache que j’allais me trémousser seins nus à la Wet le vendredi soir… Mais petit à petit, j’ai réalisé que l’invasion de umpa-lumpas en sweat « Manif pour tous » que j’avais visualisé ne faisait pas le poids face à mon envie de me confier et de parler librement à mes amis. Oui, me braquer et me taire a été une perte de temps. Par conséquent, dans un acte digne du courage de deux lesbiennes qui s’embrassent devant le Kremlin, j’ai décidé un jour de porter mon t-shirt « GAY OK ». Certes, la déduction a été rapide, les réactions curieuses plus ou moins bienvenues ont fusé. Mais une chose est sûre. L’étonnement a eu lieu des côtés, car j’ai pu mesurer à quel point il était important que j’ouvre le dialogue. Beaucoup de mes amis m’ont interrogé sur ce que j’appellerais volontiers des clichés. J’ai dû me confronter aux stéréotypes habituels des homosexuel(les) qui mènent une vie de débauche, ne veulent pas de relations sérieuses ni d’enfants… Mais j’ai pris mon mal en patience. J’ai essayé d’expliquer. Je comprends maintenant à quel point elles circulent mal les informations « sur le sujet » : sur la vie que nous menons. J’en ai conclus qu’il faut parfois participer à des débats terriblement sinueux pour parvenir à faire entendre la simple analogie entre un couple hétérosexuel et un couple gay. »

Ça va aller Jodie.

Ariane, elle, a vécu son « bleu est une couleur chaude », devoir se cacher pour vivre son histoire d’amour adolescente :

« Pendant mes premières années de lycée je me suis rendue compte que les filles m’attiraient. Je n’ai rien dit à personne parce que j’avais peur de perdre mes amis, d’être la fille « bizarre ». Peu de temps après, je suis tombée amoureuse d’une fille qui se moquait du regard des autres. C’était l’amour fou. Mais un jour, deux de mes meilleures amies m’ont prise à parti dans une discussion sur les homosexuel(le)s. Elles disaient : « Les homos ne devraient pas pouvoir se marier ». C’était horrible. J’ai donc vécu une double vie pendant tout mon lycée, et beaucoup me voyaient encore comme « l’hétéro qui trouve les mecs du lycée inintéressant ». L’été du Bac ma mère m’a demandé si j’étais en couple avec la fille chez qui elle me conduisait tous les week-ends. Ça s’est très bien passé, alors que je m’en étais fait une montagne : je regardais The L Word la nuit cachée sous ma couette en priant pour que personne ne rentre dans ma chambre ! Elle m’a dit que ça lui prendrait un peu de temps pour se faire à l’idée mais qu’elle m’aimait toujours autant et que ça ne changerait rien. Ensuite, j’ai dû déménager dans le cadre de mes études supérieures. J’ai pensé que si je n’avouais pas d’entrée mon homosexualité je ne le ferai jamais. Et c’était tellement agréable. Je pouvais enfin présenter ma copine à mes amis. J’ai bien eu droit aux questions « pourquoi », « comment », mais c’était simplement de la curiosité. »

Daphné, elle, a du gérer l’homophobie assumée de son entourage :

« Quand j’ai annoncé à mon ami Tristan que j’étais sur le point de me mettre en couple avec une fille, il était bouche bée, mais surtout furieux. Je ne pensais pas qu’il avait des idées aussi arrêtées sur l’homosexualité. Malgré mes efforts pour en discuter, la violence de sa réaction a annulé toute possibilité de débat. Il semble que nous étions tous les deux dégoûtés : j’ai arrêté de lui adresser la parole. Pourtant, beaucoup plus tard, alors que je m’étais faite injuriée par des manifestants contre le mariage gay, j’ai voulu lui faire part de mon sentiment d’impuissance, dans l’espoir qu’il comprenne peut-être enfin. Mais non sans surprise, il a de nouveau tenu des propos homophobes. Il m’a répondu l’air de rien qu’il n’était toujours pas d’accord avec ce que j’affirmais, pour la simple et bonne raison que « sans les homosexuels le monde n’aurait pas connu le SIDA ». A l’absurdité de sa réponse, je n’ai pas pu m’empêcher de rire. L’ignorance, j’ai pensé. Rien de plus. Je me suis efforcée de lui faire une démonstration par A+B que ce qu’il venait d’énoncer n’avait strictement aucun fondement. Il a fini par me répondre que ma « théorie » était  « 100% correcte ». Je suis loin de croire que les mouvements de haine de même que l’incompréhension s’évaporeront en un clin d’œil. Mais je pense sincèrement que prendre le temps de discuter en gardant son sang-froid peut faire bouger les choses, ne serait-ce qu’un tout petit peu. »

Cette méconnaissance, tantôt haineuse, tantôt gênée, révèle un problème de fond relève de toute évidence d’instances bien plus vastes comme l’éducation ou la culture, et on sait comme les associations LGBTQ travaillent à combler ces lacunes. Mais la vie quotidienne exige parfois de nous une patience dans la communication, voire des talents de maïeutique supérieurs à ceux de Socrate lui-même ! Pourquoi avoir une telle générosité ? Parce que prendre la parole ce n’est pas davantage céder que s’aider. C’est avoir la main mise sur les interrogations de l’autre, tout en arrêtant de se dissimuler. Je crois qu’il y a une pédagogie contre l’agacement mutuel, contre l’assèchement des discussions, mais aussi et surtout que le coming-out n’est pas un aveu. Il est de notre ressort à toutes de faire en sorte de nous sentir à notre place.

Et vous, comment s’est passé votre coming out ?

Lalo