Après l’amour d’Agnès Vannouvong

Lorsque la narratrice se sépare de sa compagne Paola avec qui elle vivait depuis dix ans, sa vie bascule. Collectionnant les amantes, elle part à la recherche effrénée du plaisir et de la jouissance : de Paris à New York, de Rome à Berlin. Pourtant après l’amour, le manque est inéluctable. Dans cette ronde de la séduction, toutes ces Edwige, Garance, Éva, Delphine et autres conquêtes furtives prolongent l’absence de Paola… La rencontre avec Héloïse amorcerait-elle un tournant ? Mêlant brillamment romantisme et crudité, douceur et violence, Après l’amour est un roman sensuel et sexuel qui explore la fulgurance du désir féminin.

Après l’amour est un roman sur le deuil, sur comment se reconstruire après une rupture, comment reconstruire son désir et vers qui. La verbe d’Agnès Vannouvong est assez brut, honnête et fluide. On se meut dans Paris et on suit les mots de l’auteure dans la quête de la narratrice à trouver à nouveau objet à son désir. Après l’amour est définitivement un roman contemporain, de son temps, parfois cru et à la fois pudique. Rencontre avec son auteure, Agnès Vannouvong :

BBX : Quelle est la part d’autobiographie dans votre roman? 

Agnès Vannouvong :Après l’amour n’est pas un livre autobiographique tel que le définit Philippe Lejeune dans Le pacte autobiographique. Il n’y a pas de coïncidence exacte entre le JE de l’auteur, du narrateur et du personnage. Pour moi, il est évident  qu’on écrit à partir de soi. Qui peut dire le contraire ? Qu’on écrive une biographie sur Balladur, Churchill ou Dalida, on parle de soi, c’est inévitable. Duras a cette phrase « Ce sont toujours les autres qui détiennent l’amorce d’une histoire qu’on écrit. Il est stupide de penser qu’on est seul au monde ». L’écriture est un acte de déplacement du réel. L’acte d’écriture est un acte de dédoublement. Le JE n’est pas le reflet de la réalité. Après l’amour est un roman, une fiction qui parle d’une chose intime et universelle : la rupture et la reconstruction. Il parle d’une femme prise dans une urgence, une quête de soi, une stratégie de survie post-amoureuse, un désir. Il parle de la vie, de vous et peut-être de moi. Ma place n’est pas de dire que ce détail est vrai ou faux. L’autobiographie ne m’intéresse pas, l’autofiction encore moins. Les choses se jouent ailleurs. Dans l’écriture, dans la langue.

Quelle est la genèse de ce roman? Comment le sujet est-il venu à vous? L’écriviez-vous depuis longtemps? 

 J’ai écrit ce texte pendant quelques années. Puis un jour, je me suis enfermée trois mois, j’ai écrit, réécrit. Là, j’ai trouvé un souffle, haché, sec, nerveux. Pour l’héroïne du roman, il dit l’urgence de vivre.

Vouliez-vous dépeindre le milieu lesbien de la façon la plus réaliste possible?

Ce qui m’intéresse est de prendre le réel, le secouer, le retranscrire, être au plus juste, au plus près des gens, des choses. La vérité a un charme puissant. Elle n’est pas facile à saisir.

Dans le chapitre « Comment repérer une lesbienne », il est question de culture lesbienne, avec des clins d’œil, des références. La narratrice cite Radclyffe (Le Puits de solitude), Sarah Waters (Caresser le velour), pour le cinéma ou les séries tv, The L Word, When night is falling ou encore Claude Cahun. La narratrice vit dans une maison à Brooklyn, près de Park Slope où on croise des couples de filles mères de famille. Si mon roman s’ancre dans une culture, évoque certains milieux, mon propos dépasse clairement l’idée d’appartenance à un groupe. Je ne fais partie d’aucune communauté même si je suis intéressée par la marge, l’écart. Des lecteurs/lectrices me disent que ce roman dépasse la sexualité, l’homosexualité. C’est vrai. L’échec est universel, l’amour est universel, la quête de soi l’est tout autant. A propos de ce roman, un critique a eu ces mots, très justes, et je l’en remercie : « Peu importe la sexualité, c’est l’histoire universelle d’une reconstruction après une rupture, d’une cavale après la chute. A cru, la cavale ». J’aime bien la métaphore équestre. Car ce texte est une chevauchée, sur la quête de soi, de l’autre.

Paris est bien décrite à travers les rues, les lieux, ce qui fait de ce livre une œuvre vraiment visuelle. Aviez-vous pensé à l’aspect fortement visuel de votre livre?

J’aime les images, sans doute est-ce lié à mon intérêt pour la photographie et le cinéma. Ce roman est une succession de tableaux vivants ou une photographie aux contours très nets.

En ce qui concerne la portée du livre, vous pensez-vous engagée lorsque vous publiez un tel roman aujourd’hui? Quel est votre message?

Je ne suis pas Patrick Bruel, je n’ai pas de message à faire passer. J’écris, c’est tout. On écrit pour écrire, pour mettre en musique, en mouvement, en action. La littérature est une prise de risque, surtout quand elle devient exigeante et envahit vos journées. Mon engagement est dans les mots.

Que pensez-vous de l’homosexualité féminine dans la littérature?

Faut-il en penser quelque chose ? L’homosexualité est plus qu’un thème, c’est une forme de sensibilité, un regard sur le monde. Hervé Guibert a cette belle phrase dans L’image fantôme : « L’image est l’essence du désir, et désexualiser l’image, ce serait la réduire à la théorie ». Je vous invite à remplacer le mot « image » par « homosexualité », ça fonctionne aussi.

Et enfin, avez-vous d’autres projets en cours?

Je travaille sur mon prochain roman. On retrouve la narratrice et des questions qui me préoccupent beaucoup, en ce moment. Vous aurez, je l’espère, des surprises !

Après l’amour d’Agnès Vannouvong, paru le 22 août 2013 aux éditions Mercure de France.

Illustration: Agnès Vannouvong par Nadège Murez.

Edit*: Agnès Vannouvong dédicacera son roman le 2 novembre à Cineffable au stand Violette and Co à 16h.

Sarah

 

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.