Jouir sans se toucher ?

Qu’est-ce que l’orgasme ? Comment y parvient t-on ? Est-il nécessairement génital ? Avons-nous besoin de stimuler le clitoris pour avoir un orgasme ? Quelle est la part du mécanisme cérébral quand on arrive au sommet du plaisir ?

L’orgasme est une tension suivie d’un soulagement. Le sexe se gorge de sang, le clitoris se durcit, le vagin se lubrifie, les orteils se contractent, le corps entier se tend pour se détendre ensuite. Parfois, la sensation est précise, et parfois, elle est plus diffuse. Même si c’est le corps qui est le lieu de toutes ces sensations, le cerveau est un point central pour atteindre l’orgasme, chez les hommes comme chez les femmes. Mais peut-on envisager un orgasme sans « contact » avec les zones érogènes ?

N’ayant jamais expérimenté ce type d’orgasmes, le sujet m’intéressait depuis longtemps lorsqu’un ami évoqua le fait d’avoir réussi à jouir sans se toucher. Non seulement j’étais étonnée de cette possibilité mais ayant encore quelques clichés en tête, j’avais du mal à imaginer un homme avoir un orgasme sans se toucher.  Il fut donc tout naturel d’écrire là dessus pour déconstruire les idées préconçues sur les orgasmes.

En passant un appel à témoignages, je fus d’abord surprise du nombre des filles ayant déjà atteint un orgasme de cette manière. Dans la majeure partie, ces orgasmes sont fortuits et parfois, c’est une fois un premier orgasme physique que le second orgasme « mental » arrive. Cela demande juste de l’endurance.

Parmi les témoignages que j’ai reçus, il y a celles qui ont expérimenté l’orgasme toutes seules dans leur sommeil ou éveillées et celles qui l’expérimentent à deux.

Il y a les orgasmes fortuits qui peuvent arriver dès l’enfance :

« J’avais oublié mais quand j’étais ado, cela m’arrivait souvent. Tu rêves que tu baises, tu te réveilles alors que ton sexe est tendu. Dans mon cas, je saurais pas dire si c’est un orgasme comme j’en ai quand je me touche mais à l’échelle du rêve, j’imagine que ça en est un. Et à chaque fois, ça me réveille. » confie Alex.

« Les premiers orgasmes que j’ai eus je ne savais pas que ça en étaient : juste une sensation bizarre et agréable. J’étais en CM2, je m’étais assise d’une certaine façon, l’entre-jambe sur le bord de ma chaise. Puis dans mes rêves ça m’arrive très souvent. J’ai conscience que je suis en train de rêver et je cherche à influencer le rêve vers un rapport sexuel si le cadre est propice, étrange et déroutant….Cela m’arrive aussi parfois quand je regarde des choses érotiques ou pornos : l’autre jour j’étais sur un tumblr porn et j’étais super excitée, tellement excitée que le simple fait de me relever et que mon clito entre en contact avec mon short de pyjama m’a fais jouir, un petit orgasme, mais quand même. » ajoute Mélanie.

Pour Emmanuelle ces orgasmes sont totalement inattendus : « Quand je dors, il m’arrive de rêver de moments érotiques. Dans mon rêve je peux être en train de faire l’amour ou de me masturber, (je ne me rends pas compte que je rêve) et l’orgasme monte pendant que je dors jusqu’à ce qu’il me réveille en vrai. Et j’ai des orgasmes sans même me toucher. C’est super intense, comme un orgasme habituel ».

Charlotte, elle, tente de les apprivoiser pour les stimuler : « J’ai très régulièrement des orgasmes sans me toucher car il me suffit de croiser les cuisses et de les contracter par spasmes pour faire pression sur mon clito. J’arrive à avoir des orgasmes très rapidement comme ça. Je me suis rendue compte il y a peu que je contractais le vagin en même temps. Du coup, en ce moment je « m’entraîne » à juste le contracter lui, toujours par spasmes, sans croiser les jambes. Je ressens beaucoup de plaisir comme ça mais je ne suis encore jamais arrivée à l’orgasme, généralement, je croise les jambes au bout d’un moment parce que j’en peux plus et je veux jouir. Aussi, ça m’arrive d’utiliser cette technique (contracter simplement le vagin) quand je suis avec une quelqu’un et que je sais qu’on va faire l’amour un peu plus tard. Ca me permet de commencer à m’exciter et à lubrifier. »

Ainsi, ces orgasmes expérimentés seuls peuvent avoir lieu pendant le sommeil, lors d’un rêve érotique, et même éveillée. Souvent ils sont déroutants car surprenants mais il semblerait, vu les circonstances évoquées, que ces orgasmes soient tout aussi maitrisables que ceux que nous avons lorsque nous nous touchons.

Mais qu’en est-il lorsque cela a lieu avec sa partenaire ?

« Je pense que le sexe est très cérébral. J’ai eu des copines qui s’inquiétaient car elles se disaient que, si je pensais à autre chose ou à quelqu’un d’autre en étant avec elles, je ne faisais pas vraiment l’amour « avec elles » . Mes partenaires avaient l’impression que je n’avais pas besoin d’elles et que je pouvais avoir du plaisir sans elles. Aujourd’hui c’est quelque chose que je vis vraiment à deux, même si ma copine ne peut pas le faire » confie Julia.

Dans un autre article ou nous parlions de ce qui vous excitait, une personne avait confié pouvoir avoir un orgasme par mimétisme du plaisir de l’autre. Peut-être s’agit-il de cela également ?

« Si je pense à un truc et que je vois ma copine se toucher j’arrive à jouir. J’ai l’impression que l’on me pénètre alors que ce n’est pas le cas. Et si je prends ma copine juste avec l’excitation que ça me procure et le fait de l’entendre jouir, à tous les coup ça va me faire jouir en même temps. Je ressens quand même un manque après alors que j’ai pu avoir un très gros orgasme et que je suis vidée de toute mon énergie. Et pourtant j’ai envie de sentir quelque chose me prendre. Plus que si j’avais jouis juste en me faisant lécher par ma copine. Oui c’est ça, c’est une jouissance qui ne va pas me suffire. Même si je peux m’arrêter là .C’est comme si mon cerveau avait jouit mais pas mon corps alors que si. » ajoute Julia.

S’agit-il aussi de concentration sur son propre plaisir ?  La possibilité même de pouvoir se concentrer sur soi finalement alors que les femmes ont pendant des siècles étaient forcées à être concentrées ailleurs : le plaisir de l’homme ?

Pourquoi n’avons que rarement entendu parler de ce type d’orgasme chez les hommes et les femmes ? Car il s’agit du même mécanisme. Il s’agit d’une envie, d’une tension qui, une fois arrivées à son apogée, se soulage.  Le cerveau est le lieu où les connexions se font, le corps lui réceptionne (s’il en a la possibilité) toutes les sensations crées par le cerveau. Que s’est il passé alors pour que nous passions à côté d’une telle découverte sur notre plaisir ?

Peut-être parce que si cela demande une concentration certaine, on oublie le plaisir de l’autre. Mais le plaisir est en soi égoïste et on peut très bien l’être un peu à deux, non ?

Et vous, vous est-il déjà arrivé de jouir sans contact ?

Sarah

photo de couverture : Misungui par Denis Lucas

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.