Manuel de survie en territoire lesbien : le dramagouine

J’avoue, au départ, je voulais faire un article scientifique : commencer sur une étymologie en règles de l’expression pour ensuite en dégager les principales caractéristiques. Et puis, je me suis dit que ça ne servait à rien. Pourquoi vouloir théoriser un concept aussi pluriel ?!

Car, oui, quand on en vient à la gouine community, il n’y a pas un drama mais des dramas. C’est ça qui est saisissant dans l’affaire : la complexité des schémas. Démonstration :

Ce soir, Lauren est conviée chez Léa. Officiellement, c’est pour l’aider à monter son dernier meuble Ikea, le Gluk-Bluk rouge, 50 euros, basic mais chic, la formule gagnante. Officieusement, Lauren aime beaucoup Léa depuis qu’elle l’a rencontrée chez Julie samedi dernier. Jusqu’ici, tout va bien.

Or, l’essence même du drama gouine reposant dans des configurations relationnelles très étroites, Lauren se trouve être la meilleure amie de Julie qui elle-même est l’ex de Léa. Cette dernière, prétextant un emploi du temps (elle bosse chez Décathlon) incompatible avec une vie de couple avait quitté Julie dans un bain de larmes un mois avant ce fameux samedi soir. Julie, d’une nature très sensible aux effluves du sentiment amoureux, passa les dix jours qui suivirent cette rupture enroulée dans une couette, un pot de Nutella à la main droite, la télécommande à la main gauche, oscillant avec constance entre l’amour est dans le pré et les anges de la téléréalité 5 (6 ?).

Bref, Lauren en très bonne amie avait séché les larmes de Julie en ressortant de leurs cartons des phrases aussi élaborées qu’une réflexion de Christine Boutin (j’avais envie) : « Maiiis, va, ne pleure pas, une de perdue, dix de retrouvées et puis d’abord elle ne te méritait pas cette Léa ! »

Bah oué, logique, elle ne la mérite tellement pas que Lauren l’invite quelques jours après à monter… son meuble Ikéa. Vont-elles se pécho ou est-ce que Lauren, prise dans un débat de conscience va quand même abdiquer à la vue de Léa en sueur, s’activant nonchalamment sur les plaques de plexiglas ?

Les deux issues possibles à cette question forment deux écoles bien distinctes : celle d’abord, de l’instinct animal qu’attise une blonde aux courbes joliment dessinées, se lancinant dans une  espèce de chorégraphie du meuble. La seconde est celle bien connue de l’amitié. Une notion somme toute assez floue ou plutôt assez perméable chez les gouines. Et ce, notamment du fait de son chevauchement fréquent avec l’amour et la copulation. Qui d’entre vous peut se prévaloir de n’avoir jamais couché et/ou être tombée amoureuse d’une de ses amies lesbiennes ? Aucune.

Revenons à notre histoire. Le top du drama, vous en conviendrez, eut été que Julie, faisant une halte chez son maraîcher bio qui trouve hype de rester ouvert jusqu’à 3 heures du matin en semaine, décide de passer voir Lauren qui habite 400m plus loin. Pas la peine de développer : Porte entre-ouverte. Partie de jambes en l’air. Cri. Pleurs. Course. Escalier. Taxi.  Ou la variante film américain : Camion. Bip bip. Accident. Non, à bien y réfléchir, Julie ne nous a rien fait donc on ne va pas la tuer. On reste sur la version française.

Un peu moins romanesque mais tout aussi gouinesque (rime pauvre, bonsoir) : j’ai oublié de préciser que Lauren, en bonne lesbienne qui se respecte, vit avec une coloc’, en plus de vivre avec son chat. Sacha est une coloc’ modèle : elle n’est jamais à la maison. Elle sillonne la France en tant que monteuse/démonteuse de barres métalliques pour le compte du spectacle : Les stars des ‘60s repartent en tournée. Le souci avec ce genre de spectacle, c’est qu’on n’est jamais à l’abri d’un malaise cardiaque parmi les artistes. Mauvais tirage pour Sacha. Retour au chômage, retour à Paris.

Cela faisait pile une semaine qu’elle était rentrée à la maison ce fameux soir où Lauren recevait Léa. Pour la septième soirée d’affilée, elle décida de regarder sa série préférée, je ne sais pas si ça vous dit quelque chose : The L Word. Au moment où Shane prenait Carmen sur une console du côté de L.A, Léa achevait d’ôter la culotte de Lauren du côté de Barbès. Sacha mis dès lors un terme à son rituel et s’aventura à dépasser le seuil de la porte pour mieux profiter de la scène qui se jouait dans le salon. « Quoi ? Qu’est-ce ? Léa ? Ici ? ». En fait, j’avais aussi omis de préciser que Sacha, entre deux tournées, était rentrée avec Léa, rencontrée 3 heures plus tôt lors d’une Wet For Me… A la vue d’une telle scène, notre monteuse/démonteuse pris son téléphone et composa le numéro de Céline, -son ex-future-meuf- pour lui raconter ce qui était entrain de se dérouler dans la pièce d’à côté. Problème : Céline a habité un temps chez Julie après sa rupture avec Sandra. Vous imaginez bien la fin de l’histoire : Julie fini par le savoir car Céline n’est pas une tombe et ça, à vrai dire, ça nous arrange bien.

Moralité : si vous voulez à tout prix éviter le drama gouine, il y’a deux options qui s’offrent à vous. Soit, vous emménagez avec votre chérie dans ce charmant village perché dans les Alpes où « lesbienne » est aussi peu connu que le mot Gluk-Bluk soit vous détournez une hétéro et vous ne la sortez qu’en cas d’extrême urgence.

Rania.