« Et j’ai crié, crié pour que tu viennes… »

C’est souvent pendant que je fais l’amour que mes idées d’articles me viennent à l’esprit. Je stoppe ma partenaire quelques secondes et je lui dis « Ça y’est je tiens mon prochain sujet d’article ». Là, j’étais en train d’exprimer le plaisir que j’avais à l’entendre gémir. Gémir et puis crier.

Parmi les sensations qui nous bouleversent et nous excitent le plus, l’ouïe est le sens le plus oublié dans les films pornos ou dans les médias. On entend des cris aigus surjoués au possible mais rarement les frêles ou forts gémissements qui accompagnent les mouvements de la cambrure des reins et les crispations de nos grains de peau.

Pour certaines d’entre nous, les gémissements ont du se faire silencieux afin que nos parents n’entendent pas nos folies masturbatoires.

Julie pense être, par exemple, plutôt silencieuse pendant l’amour, elle pense qu’elle doit ça au fait d’avoir dû se faire discrète lorsqu’elle se masturbait :

« En ce qui concerne mes gémissements, j’ai le sentiment d’être particulièrement silencieuse. Certainement parce que j’avais l’habitude d’être discrète quand je me masturbais chez mes parents (ce qui a dû conditionner mes pratiques sexuelles futures). Cependant, parfois, je peux m’autoriser à des gémissements et bruits quand je suis certaine d’être seule avec mon amante ou mon amant. Et cela m’excite comme si je touchais à ma partie la plus brute et la plus sauvage. »

Obligées de mordre un oreiller alors que tout ce qu’on souhaite faire (souvent) c’est expulser un son comme jaillit l’orgasme. C’est parfois imprévisible, ça monte, c’est puissant et maîtriser cette puissance peut être quelque chose de frustrant :

« Maintenant pour moi, une partie de sexe en silence, c’est tout de même un peu frustrant, ou alors il faut que ce soit rare. Gémir oui, écouter sa partenaire oui, savoir qu’elle prend son pied en nous écoutant… c’est un échange sans mots, ça permet de partager beaucoup sans avoir à dire les choses / même si on les dit clairement aussi, parfois. Je trouve que c’est animal, intuitif. » confie Kim.

Mais gémir, qu’est-ce que c’est au fond ? Quel est ce son qui vient de nous, ce son peu maitrisable ? A quoi sert-il ? A-t-il seulement lieu lorsque nous jouissons ou nous avons un orgasme, a-t-il seulement lieu lorsque nous sommes les réceptrices des caresses et des coups de langues ?

Non. On peut gémir pour tout un tas de raisons : pour guider notre partenaires vers nos endroits les plus érogènes, nous exciter, exciter notre partenaire ou accompagne des soubresauts de jouissance. Pour cet article, plusieurs filles m’ont raconté leurs gémissements et leurs cris :

« Je gémis, je peux même crier, tout dépend de l’intensité du plaisir (donc de la pratique aussi). Si on me fiste, mon cri semble venir du fin fond d’une cavité (c’est assez fou) ! Mais surtout je ne m’en empêche pas ! Le lâcher prise passe par le fait de s’autoriser à s’exprimer. Et j’adore entendre ma partenaire !! D’une part cela rassure sur le fait qu’elle prend du plaisir et cela oriente aussi (« ah tient… ça avait l’air plus jouissif juste avant »). Et ça m’excite !! Cela augmente réellement mon engouement et mon excitation, d’autant plus que ça révèle aussi de son côté un lâché prise et un goût du sexe. L’entendre gémir rien qu’en effleurant sa poitrine, c’est prometteur pour la suite…Gémir ensemble, en même temps, ça représente la réciprocité, le partage. L’entendre gémir alors qu’elle me touche, mais moi pas, c’est assez fou aussi ! Mais j’ai aussi de bons souvenirs dans des situations où il ne fallait faire aucun bruit. Je crois que ça augmente la complicité, l’échange, la communication. On se regarde encore plus dans les yeux, on est plus attentive au corps de l’autre et à ses réactions , on se parle et se questionne dans le creux de l’oreille, etc. Ça pourrait même être un exercice pour développer la sexualité à deux. Parce que du coup, difficile de se permettre certaines pratiques, donc on en profite pour faire des choses « soft », mais prometteuses… » Ines.

« J’ai vexé ou inquiété plusieurs de mes partenaires par ma manière de crier. CertainEs m’ont demandé d’arrêter de simuler, mais je ne sais pas vraiment dans quelle mesure je simule ou non. Petite, quand je grimpais à l’arrière d’une moto, je chantonnais en rythme, pour accompagner les virages, la vitesse et ma trouille-exitation. Pour moi, mes cris pendant le sexe c’est la même chose, ils sont volontaires, ils ne sont pas de l’ordre de l’instinct ce sont des cris tempos, ils rythment un mouvement de hanches, des coups de reins, un poing qui trouve son balancier. Je ne crie qu’à la pénétration, je mets ma voix au diapason, parfois, j’augmente la cadence, en général, la personne en face se cale inconsciemment sur ce nouveau rythme. C’est bien, mais comme c’est construit, arrive que je n’en ai pas envie, que je veuille me taire, et ça perturbe les habitudes de mes amantEs et les explications peuvent être pire encore. On passe de  » qu’est ce qui ce passe aujourd’hui » à « alors toute les autres fois tu simulais, rien n’était vrai. Pour les gémissements par contre, certain sont irrépressibles, ceux qui viennent quand on me caresse, sans toucher a mon sexe, ceux qui m’échappe en pensant à ce que je suis entrain de faire à mes amantEs. D’autres gémissements disent, « continue », « plus fort », « tu y es », comme le « oui » qui sort dans un souffle, en même temps que l’orgasme. Mais cela aussi sont parfois handicapant, parce que j’aimerais bien pourvoir les arrêter parfois pour me concentrer à fond sur le petit film mental brulant mes paupières, mais que ça a toute les chance de faire croire à mon amantEs que ce qu’il/elle fait ne me fait plus d’effet, alors j’arrête mon film, le temps d’un soupir. Sinon le fist me fait en général jacasser comme une pie cocaïnomane, mais ça sort du registre cris et gémissements » confesse Roxanne.

Il y a quelque chose de l’ordre animal dans ces gémissements et ces cris, de l’instinctif, mais surtout une communication, une excitation non verbale. L’oreille, le cerveau et le sexe sont sensibles aux sons. Qui n’a jamais été excitée par un timbre de voix particulièrement émoustillant, ou par le son de la voix d’une journaliste radio ?

« Les cris… j’adore écouter les sons de ma partenaire pendant l’amour. Je prends soin d’être attentif à cette progression depuis les gémissements jusqu’à ce que le souffle fasse vibrer les cordes vocales par trop d’intensité. Du coup, il m’arrive de m’étouffer moi-même, me retenir pour ne pas couvrir ses bruits. J’aime d’autant plus me lâcher depuis que j’ai mué et que mes sons sont plus graves et rauques. La résonance n’est plus du tout la même et cette sensation dans ma poitrine me plaît. Après, j’aime bien aussi quand au-delà des cris, on se dit des saloperies ou juste des « ouh c’est bon ça! ». J’adore! Ce que j’aime particulièrement c’est quand on ne sait plus si les cris sont de plaisir ou de douleur. Je trouve ça puissant, violemment excitant!…J’ajoute que je me suis déjà retrouvé avec une fille qui couinait sans jamais se laisser aller à plus de son et de lâcher prise…. ça m’a profondément… pas ennuyé, mais carrément exaspéré! J’avais envie de lui dire « mais putain vas-y crie! » T.

Il y a gémir, puis il y a crier, avant, pendant l’orgasme. Ce cri puissant dont on ne connaît pas la source mais seulement la résonnance. Tout le monde ne crie pas. Certaines personnes n’en ressentent pas le besoin, d’autres craignent le lâcher prise, de se laisser complètement aller, par peur du jugement peut-être, par peur de véritablement perdre un contrôle sur ses sons. Parce que certains sons peuvent pétré mal vécus, parce que le lâcher prise complet est parfois difficile à atteindre, parce qu’on aime baiser avec cette tension liée à la frustration de ne pas pouvoir faire du bruit. Le son, ou son absence obligatoire peuvent véritablement faire monter l’excitation sans même toucher sa partenaire.

C’est peut-être le sens le plus tendu, le son, finalement.

Sarah

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.