Le couple : de la pression à sa place sociale

« Et toi, alors tu as quelqu’un ? ». Cette question, nous l’avons toutes expérimentée. Lorsque nous avons pris notre premier rendez-vous chez le gynéco, après notre bac ou la première fois que nous sommes rentrées avec des suçons dans le cou.

Cette question rituelle des Noël en famille, posée par Tata avec un sourire en coin et un regard derrière lequel se cache l’interrogation suivante : « Qui de ma fille ou de ma nièce va trouver un mari en premier ». Vous, vous n’y pensiez même pas. Vous passiez seulement une partie de votre temps à vous masturber devant des scènes de The L Word en cachette.

Parce qu’à la question de votre tante bien aimée qui vous offre encore des barbies et se demande si vous baisez enfin, vous ne pouvez peut-être pas encore répondre que vous aimez les filles, même si vous le savez déjà, même si vos parents le savent déjà. La tante en question se frotterait bien les mains de savoir que sa nièce est une « déviante » et pas sa fille. Concurrence entre sœurs oblige.

La pression sociale d’être en couple…

Dans la société actuelle est exercée une forte pression sociale d’être en couple. Elle n’est pas forcément visible mais est extrêmement vicieuse. Il suffit de voir les contenus des médias qui nous entourent, des histoires racontées au cinéma et dans la littérature qui sont souvent l’expression de fantasmes peu réalistes. Il suffit également de voir les séries TV dans lesquelles le fil rouge reste la grande histoire d’amour (hétéro, évidemment) : Ross et Rachel dans FRIENDS, Lois et Clark etc. De nombreux montages sur Youtube regroupent les histoires d’amour au fil des saisons et expriment cette fascination pour l’âme sœur, ou le homard (cf Pheobe Buffay dans FRIENDS raconte que chacunE à son homard, c’est à dire sa moitié et uniquement une unique moitié à vie).

Peu importe les remises en question intellectuelles de la notion de couple, il est souvent très difficile de sortir de cette définition de l’amour unique même si notre société tend à accepter et exprimer qu’il est possible (enfin !) d’avoir plusieurs grands amours dans sa vie.

Le problème avec ces histoires d’amour et d’âme sœur c’est qu’elles racontent comment le couple se forme et devient une famille (enfin apparemment !). Elles racontent que le prolongement logique de l’amour entre deux personnes est le couple, des enfants, éventuellement un mariage et tout ce qui va avec (notamment les avantages juridiques qu’il y a à être mariéE).

Le second problème c’est que ces histoires créent aussi des frustrations très fortes. Nous grandissons avec des contes, des films d’amour à l’eau de rose, nous frétillons d’avance à l’idée de vivre tout cela, nous vivions tout cela, mais c’est toujours plus complexe qu’à la télé ou qu’au cinéma. Parce que oui, c’est beaucoup plus complexe. Les histoires que l’on nous raconte son fantasmées, si elles étaient trop réalistes, peut-être nous ennuierons-nous ?

La pression sociale à être en couple est si forte que l’on s’oblige parfois à retrouver quelqu’unE très rapidement sans vraiment souffler ou prendre le temps de se retrouver seulE. On se retrouve à accumuler des histoires parfois un peu pansements, pour ne pas être seulE, mais aussi parce qu’il y a une pression forte.

Etre en couple est signe de capacité à s’engager, de maturité. Une personne célibataire est souvent perçue comme une personne incapable de se poser quelque part, une personne éparpillée, peu mûre alors que l’engagement, il est aussi ailleurs.

…Encore plus forte pour les personnes LGBT.

C’est notamment encore plus fort pour nous personnes LGBT parce que nous sommes déjà considérées comme des personnes marginales, hors de la société, qui avons décidé d’assumer quelque chose qui ne fait pas partie de la norme.

Afin de se conformer à la norme sociale hétéronormée, certaines d’entre nous s’obligent à atteindre l’objectif d’un couple stable. Nous l’avons bien vu avec les manifestation pour le mariage pour tous cette année – et c’est d’ailleurs pour cela que le Pink Bloc s’est crée – à l’intérieur même du mouvement pour le mariage pour tous, des personnes LGBT en excluaient d’autres sous prétexte qu’elles étaient « trop » folles, trop pailletées, trop dégenrées, pas assez dans la norme. Comme si demander l’égalité justifiait que l’on gomme toutes les différences entre les individus, comme si nous, personnes LGBT devions redoubler d’efforts pour montrer que nous sommes des êtres capables d’élever des enfants et de se dire oui à la Mairie. Comme si la normalisation de notre communauté était la condition de l’égalité.

Etre en couple n’est pas plus un signe d’engagement que de devenir médecin, que de militer dans une association ou que d’être célibataire. L’engagement et la maturité n’ont rien avoir avec le fait d’être deux au quotidien et lorsque vous ne faites pas partie de la clique des gens en couple, on vous le fait bien sentir et cette fois ci, ce n’est plus votre tante homophobe qui vous l’exprime, mais une amie, gouine, qui s’est battue elle aussi contre l’exclusion.

Le comble.

Sarah

Illustration: The L Word

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.