Au commencement était Gertrude Stein

Stein est une poétesse, écrivaine, dramaturge, collectionneuse et féministe américaine. Elle fut l’une des premières lesbiennes célèbres à l’être ouvertement. 

Gertrude Stein est de ces femmes et hommes dont la clairvoyance a consacré des artistes que la postérité a loués, mais qui souvent, sont montés au ciel sans avoir tutoyé les sommets. Nous n’estimons l’exacte valeur d’une chose qu’en la perdant. Il en va ainsi, bien souvent, du génie. Il faut dire qu’en la matière, Stein a été la contemporaine bienveillante d’une période fort prospère. Bien sûr, il y a eu sa complicité et son admiration pour Picasso. Il fera d’elle un célèbre portrait en 1906. Dès le début du siècle, elle défendra l’art moderne. Collectionneuse chevronnée, elle achète des Cézanne et des Matisse à peine balbutiants.

Evidemment, Stein est bien plus qu’une simple visionnaire. C’est d’abord une femme de lettres. Après des études de médecine jamais achevées à l’université Johns-Hopkins, elle se passionne pour l’hystérie féminine et se penche sur les cas d’écriture pathologique. Entre 1903 et 1911 à New York et en Europe, elle s’attèle à “l’oeuvre d’une vie”: The Making of the Americans mais c’est un autre livre qui la révèlera The Autobiography of Alice B.Toklas. Cette dernière fut incontestablement le grand amour (pendant 25 ans) de Gertrude Stein. C’est au cours d’un dîner que les deux femmes se rencontrent. Elle s’installent ensemble en 1907. A partir de cette année, elles passeront l’essentiel de leur temps dans leur maison de Fleurus à recevoir de jeunes artistes prometteurs, surtout des peintres ou des sculpteurs et des écrivains.

Quand éclate la grande guerre, les deux femmes quitteront épisodiquement la France pour l’Espagne notamment. Après une escale à Perpignan puis à Nîmes où elles assistent à l’arrivée des troupes américaines, elles retrouvent un Paris meurtri par la guerre: « C’était un nouveau Paris. Guillaume Apollinaire était mort. Nous vîmes un nombre énorme de gens, mais personne, si je ne me rappelle bien, que nous ayons connu avant la guerre ».

Getrude Stein et Alice Toklas dans leur maison à Bilignin.

Dans les années 1930, les deux femmes achètent une maison à Bilignin. Gertrude Stein et Alice Toklas sont déjà très célèbres quand éclate la seconde guerre mondiale, cette fois-ci, malgré elles, les deux femmes décident de quitter la France: « je manque d’initiative, en général, je reste là où je suis. C’est ainsi qu’il y a eu Paris et l’Espagne, et puis il y a eu Paris et Bilignin et qu’allais-je donc faire en Amérique quand j’y serais. Après tout, je suis américaine d’accord. Que je me trouve là-bas  ne fait pas que je le suis davantage » écrira Stein dans Autobiographie de tout le monde.

Accueillie en véritable star dans son pays d’origine, Gertrude Stein entame avec celle qu’elle appelait ouvertement “sa femme” une série de conférences qui la mèneront à Washington, Harvard, Atlanta, Dallas. Etc. Quand l’accalmie reprend ses droits en Europe, les deux femmes reviennent en France. Gertrude Stein mourra d’un cancer de l’estomac à l’hôpital américain de Neuilly-sur-Seine en 1946. Alice Toklas ne s’éteindra qu’en 1967. Dans un célèbre billet, elle écrira: « Ma très chère, puisque je ne t’ai pas souhaité bonne nuit et que cela me manque tant, sache maintenant combien je t’aime ».

Rania