Quatre histoires fétichistes

« Être fétichiste, pour moi, ce n’est pas s’emprisonner dans un seul scénario érotique, c’est avoir une attirance marquée, consciente pour un attribut corporel, vestimentaire ou autre. »

Selon Wikipédia, un fétichisme sexuel est une excitation sexuelle causée par un contact visuel et/ou physique d’un objet, d’une partie du corps spécifique ou d’une situation.

Selon moi, il ne s’agit pas seulement d’une excitation sexuelle, mais aussi sensuelle. Un objet, une matière ou une partie du corps peuvent évoquer milles images différentes, qu’elles soient sexuelles, sensuelles, érotiques, voire tendres. Elles peuvent rappeler des choses liees à notre enfance, des faits, des objets qui nous rassurent au toucher…La tactilité a quelque chose de rassurant, elle rend sans doute le désir (amoureux, tendre, sexuel ou sensuel) tangible parce que justement ces concepts là ne sont pas vraiment saisissables.

Le fétichisme est directement lié à la perception tactile que nous avons des objets qui nous entourent. Le fait d’être excité par un objet bien précis rend notre désir perceptible, par nous-mêmes, ou par les autres. Le fétichisme est donc un rapport sensuel à la matière, qu’elle soit laquée, liquide ou lisse. D’ailleurs, les témoignages que j’ai pu obtenir vont tous dans ce sens :

Pour Sheila, ce sont les cheveux qui l’obsèdent…mais pas n’importe lesquels :

 » C’est drôle mais quand on imagine un fétichiste, on visualise toujours un homme (rarement une femme) dingue des pieds, obsédé par les gros seins ou amateur de vinyle, de latex, de collants en nylon ou de cuir. On s’imagine un vieux dégueulasse incapable de s’exciter autrement que par le biais de ses fixations, prisonnier de ses obsessions. Être fétichiste, pour moi, ce n’est pas s’emprisonner dans un seul scénario érotique, c’est avoir une attirance marquée, consciente pour un attribut corporel, vestimentaire ou autre. Moi, je suis folle des cheveux de filles. Plus ils sont longs et brillants, plus ça me plait ! Et s’ils sont blonds, alors là ! ça ne veut pas dire que je ne peux pas coucher avec une fille brune aux cheveux courts. Mais une blonde aux cheveux longs va provoquer sur moi un émerveillement, une telle fascination que je vais avoir envie de toucher, caresser, respirer ses cheveux.

J’ai un genre de cheveux très particulier. J’aime quand ils sont fins, un peu ondulés. Les blonds et bouclés me plaisent beaucoup aussi. Parfois j’observe les cheveux des enfants (attention, ce que je vais dire est un peu chelou) et ils sont tellement parfaits, si fins, avec des petites bouclettes à la fin que ça me fascine. Je ne dirais pas que ça m’excite mais ça me fascine. Par contre, je déteste les cheveux épais ou cassants. Parfois, je suis à coté d’une fille aux cheveux longs, et même si elle ne me plait pas, que je n’ai pas envie d’elle, je ne peux pas m’empêcher de scruter ses cheveux, de les prendre dans mes mains pour en percevoir la texture, de les humer pour sentir l’odeur de son crâne, de son shampooing. En couple, je fais des coiffures, des chignons à mes copines tout le temps, j’adore. Je trouve ça 1000 fois plus érotique que de faire un massage. »

Marie, elle, est en adoration devant des seins laiteux des blondes :

« Poser ma joue contre le sein charnu d’une jeune blonde ! C’est drôle mais ce n’est pas une connerie. J’adore les seins et ça m’évoque instantanément ce genre d’images. Je suppose que ca a commencé avec ma mère qui a de très gros seins (des vrais hein!) mais qui est brune et contre qui j’adorais me blottir (je le fais toujours quand je la vois et elle râle parce que je suis trop vieille) pour ça ! Ensuite ca s’est confirmé avec ma première chérie qui était blonde et qui avait les plus beaux seins que je n’ai jamais vus : ils étaient si ronds et dodus, si tendres, laiteux, doux, dorés… L’endroit le plus merveilleux au monde, un genre d’Eldorado. Et sa paire de seins ne m’a jamais lâchée l’esprit. et le cœur. Après globalement j’aime les seins des filles, c’est ce que je regarde et ai envie de toucher le plus. Je ne suis pas obsédée, j’sais me tenir ! Mais j’adore ça.Et je n’ai pas précisé mais je parle bien de gros seins et de préférence, des seins de blonde (la couleur et le type de peau est différent, très doux, fin et laiteux et doré à la fois…) Miam! »

Julia, quant à elle, est fascinée par la matière vernie, laquée, parfaite…

« Tout ce qui est noir et qui brille. Mais pas de n’importe quelle manière, il faut que cela soit laqué, vernis ou enduit et que ce soit un vêtement ou des chaussures. Je ne sais à quand remonte cette attirance. En tout cas, cette attraction m’a même conduite jusqu’à Munich il y a plusieurs années pour y rencontrer une des papesses du fétichisme à savoir Heike.  J’ai une paire de cuissardes noire en vinyle laqué et mes Doc Martens sont noires et laquées. Lorsque j’ai pratiqué le SM, ma Maitresse, était vêtue de vêtements en vinyle…Et honnêtement rien que cela était un divin plaisir. Tout ce que qui est revêtu de vinyle ou est laqué noir est forcément beau.Pouvoir expliquer les origines, le fondement ou la genèse de cela m’est impossible. Franchement, j’en ai parlé autour de moi, j’ai tenté de comprendre pourquoi je ressentais ces vibrations au bruit de la matière qui se plie et se tord ;  Pourquoi, instantanément, je me retourne dans la rue lorsque je vois une fille qui porte des chaussures noires vernies… Il y a peut être cette volonté de perfection dans la matière et le rendu visuel qu’elle procure. En effet, si l’on porte quelque chose de noir et de brillant, il doit être étincelant, avoir cet aspect si parfait qu’il devient un miroir noir et subtilement éclatant. Cet aspect apporte peut-être quelque chose de sublime à celle qui porte cette matière ou ce style de vêtement. Si cette matière a été touchée, ou éraflée, elle perd immédiatement de sa splendeur… Il n’y a plus d’éclat, elle devient commune. L’esthétique est cruciale dans ce domaine là. Aucune imperfection n’est tolérée… Bref. Je suis une fétichiste… »

Enfin, pour Laura, ce sont les doigts qui la fascinent et qu’elle regarde en premier chez quelqu’un :

« J’ai toujours été fascinée par les mains sans que je ne saisisse vraiment pourquoi. Plus jeune, j’aimais les mains fines et vraiment propres, exempts de vernis. Aujourd’hui c’est plutôt la manière dont une personne va utiliser ses mains dans une conversation qui va attirer mon regard. J’observe sa façon de bouger ses doigts, comment elle s’exprime avec, ça en dit long sur une personne, enfin je crois. J’aime bien aussi les personnes qui utilisent leurs doigts dans leur travail : que ce soit dans le modelage, la sculpture, le dessin ou même le fait de manier les raccourcis clavier, d’écrire…Je sais pas, ça m’évoque automatiquement des images sexuelles. Je regarde les doigts et je les imagine tout de suite dans ma bouche, voire dans mon sexe. D’ailleurs, j’ai même l’impression que si elle les met dans ma bouche, ce sera plus intime. Ah oui j’adore les doigts dans la bouche, je crois que c’est la chose qui m’excite le plus. Mais en fait, je me rends compte que ça m’obsède vraiment. Si je veux arrêter d’être excitée par une personne qui me plait, il ne faut absolument pas que je regarde ses doigts. C’est aussi quelque chose dont je me souviens longtemps après la relation…Les  doigts de la personne, ce qu’elle en fait. Je crois que j’ai une sorte de fétichisme totalement enfantin… J’adore manger avec les doigts,toucher la personne… Ça m’évoque quelque chose de rassurant sur ma capacité à désirer sans doute. Bref, les doigts, c’est ma façon d’appréhender le monde, on fait tout avec : on cuisine, on écrit, on fait l’amour, on touche, on blesse. Tu vois la personne discuter, tu la vois croiser ou décroiser ses doigts et tu sais presque tout de suite qu’elle peut te faire du bien… »

Je ne pourrais pas me permettre d’écrire une synthèse sur le fétichisme sexuel tant il renferme en seulement quatre témoignages, des images et des expériences différentes. Mais de ce que nous avons lu ci-dessus, je peux en tirer des débuts d’hypothèse: il y a quelque chose de curieux dans les fétichismes sexuels, il appellent à la fois à des images mentales, visuelle alors qu’ils évoquent le toucher, un rapport physique.

Longtemps, on a pensé que le fétichisme était masculin. Longtemps aussi, il a été pensé que le fétichisme était une névrose, quelque chose de dégueulasse, alors que le fétichisme n’est une qu’histoire d’images, d’excitation sexuelle, de toucher, d’expériences sensorielles.Peut-être parce que cela détournait les hommes et les femmes de la procréation…Et oui, on peut bien faire l’amour sans pénétration, et avoir une sexualité épanouie. La sexualité n’est pas qu’une histoire de va et viens, elle est sensuelle.Le fétichisme est là pour nous rappeler que la sexualité renferme bien des manières de faire l’amour, et surtout, qu’elle est créative presque par nature !

Et vous, quels sont vos fétichismes ?

Sarah

Illustration de couv’: Marie Rouge

Illustration 1: Gabrielle Grenier

Illustration 2: Marie Rouge

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.