J.D. SAMSON :« Nous sommes tous des sujets politiques »

 Le Tigre, vous vous souvenez ? Et le monsieur de ses dames, JD Samson ? Elle revient cette année avec du tout neuf, du frais, Labor, un deuxième album pour le groupe MEN. Plus personnelle mais tout aussi politiquement engagée, la musique de JD Samson évolue entre excentricité et psychoanalyse avec un message toujours aussi fort : « tu peux devenir qui tu veux, si tu veux être un homme, tu peux être un homme». Tête d’affiche de la Drag King’s édition de la Wet For Me, nous nous sommes entretenues avec celle qui ne se déclare ni homme ni femme, mais d’un genre… « fluctuant ». Explications.

Tu reviens cette année avec Labor, ton deuxième album avec le groupe MEN. Tu as l’impression d’avoir été aussi politiquement engagée dans cet album que dans ton premier, Talk About Body ?

Oui, vraiment, c’est juste que j’emprunte une autre voix pour cet album. Je crois que dans Talk About Body j’ai beaucoup parlé au nom de la scène queer. Je passe le plus clair de mon temps à dire « nous faisons ceci », « nous faisons cela » au lieu de « je ressens ceci », « je fais cela ». Mon implication politique est devenue celle plus profonde d’un être humain, avec ses émotions d’être humain. Et j’ai l’impression que mon activisme évolue bien comme ça, de telle manière que je peux aider à construire des ponts entre les gens, les choses, grâce à ma sincérité, ma frustration et mon propre constat de la réalité. La plupart des morceaux de l’albums sont politiques, mais ils sont peut-être un peu moins explicites que sur le premier.

L’équipe de ce deuxième album a complètement changé non ?

Oui, la plupart des gens avec lesquels j’ai écrit Talk About Body ont quitté le groupe juste avant que l’album ne sorte. Ils voulaient tous se consacrer à leurs carrières artistiques respectives et pour être honnête, j’en suis très contente. Les gens s’attendent à ce que les groupes soient toujours composés des mêmes personnes mais moi je trouve ça plus intéressant quand ils changent. Michael et moi sommes là pour tenir la forteresse, mais les autres membres tournent. MEN est plus un collectif qu’un groupe et c’est de cette manière que nous travaillons nos chansons et nos lives.

Et Labor, il ne serait pas un peu plus électro que le premier album ?

Ah mais c’est très intéressant, car la plupart des gens me disent qu’il est au contraire plus pop que le premier. Mais j’aime le fait qu’il créé un débat. On s’est battu pour faire quelque chose d’à la fois pop et arty, pour moi il est vraiment abouti car il est basé sur une dualité entre excentricité et psychoanalyse. C’est cette dualité que je trouve très intéressante, le concept autour du terme de « Labeur », l’idée de travail, de naissance, de vie.

Et MEN, ce nom, il vient d’où ?

D’une philosophie de vie que Johanna Fateman et moi avons tenté de mettre en place dans nos vies quand on était djs. Ça consiste à se poser la question suivante : si nous nous comportons comme des hommes, allons-nous être traitées et payées en tant que tel ? C’est comme ça que ça a commencé, c’était plus une blague qu’autre chose à la base, mais au final c’est un sujet très intéressant à aborder, tu peux devenir qui tu veux, si tu veux être un homme, tu peux être un homme.

Et tu crois que cette liberté que tu incarnes fait que le « personnel » devient forcément « politique » quand on est un personnage public ?

Oui, je crois que rien que le fait de m’habiller le matin est un acte politique, tout comme le fait de… marcher dans la rue, manger des aliments sans gluten, jusqu’à l’argent que j’ai à la banque est politique. Mais je ne suis pas plus importante que qui que ce soit. J’imagine que mon genre et mon orientation sexuelle font que j’ai l’air plus intéressante pour les gens qu’un homme blanc et hétérosexuel, mais pour moi l’expression de son genre et de sa sexualité par un homme blanc et hétérosexuel est bien plus intéressante. Nous sommes tous des sujets politiques, tout dépend de si nous analysons ou non la manière dont nous occupons l’espace sur la planète, c’est ça qui nous rend politiques.

Et tu as enregistré deux autres chansons, un peu plus politiques, dont une en faveur des Pussy Riots, en plus de l’album c’est ça ?

Oui, je voulais qu’elles soient gratuites. Du coup, tu peux les avoir en plus de l’album quand tu nous le commandes en ligne. C’est dans la lignée du fait de se produire soi-même, c’est quelque chose de politiquement radical, ces chansons devaient être lancées de cette manière, pas comme de simples produits mais comme un outil de protestation.

Tu as l’impression d’être un modèle pour certain(e)s ?

Si j’aide les gens, d’une quelconque manière, cela me fait me sentir bien. Si montrer qui je suis aide à montrer que des gens sont différents dans le monde, je continuerai de le faire. Parfois je me sens un peu utilisée, mais quand je relis tous les lettres que m’on écrites des gosses de la scène queer, qui me remercient pour ma visibilité, je me dis que ce que je fais sert à quelque chose.

Et tu dis te considérer comme « genre fluctuant ». C’est quoi exactement ?

Ça veut dire que je me situe quelque part sur le spectre du genre, mais que cette position peut changer, sans que j’appartienne jamais à cette vision binaire du genre adoptée par le monde.

Tu es invitée ce soir pour la Wet For Me, c’est la première fois que tu fais partie d’un line-up queer parisien ?

Non, j’ai déjà mixé à Paris au Pulp, mais il y a longtemps, j’ai adoré, mais c’est dommage car à l’époque je n’étais pas aussi bonne qu’aujourd’hui. Puis avec mon groupe j’ai joué dans quelques soirées queer aussi, et à chaque fois c’était une super expérience.

Et tu as quelle image de la scène queer parisienne par rapport à celle des États-Unis ?

J’ai l’impression que la communauté queer parisienne est plus soudée qu’ici. Je crois aussi que la scène musicale y est fantastique, pour les femmes comme pour les hommes, je vois beaucoup de femmes qui en imposent !

 Adeline