La masturbation – partie 1

C’est un sujet mille fois traité par la presse féminine dans laquelle on vous parle d’orgasme, de points G, de techniques et de sextoys. On évoque souvent les différentes manières de se masturber sans jamais vraiment mettre les femmes au cœur du sujet. Sans jamais réellement parler de ce qui nous excite, de nos premiers pas masturbatoires, sans jamais vraiment aborder les histoires masturbatoires : quand ai-je commencé à me masturber ? Quand m’en suis-je rendue compte ? Quelles étaient mes pratiques ? Que ressentais-je ? Comment me masturbé-je aujourd’hui ?

Et c’est de cela dont je souhaite vous parler aujourd’hui. Non pas des meilleurs moyens pour atteindre l’orgasme, car ces moyens varient d’une personne à une autre. Non, pour l’article d’aujourd’hui, j’ai demandé à des femmes de mon entourage de me parler de leur masturbation : de ce qu’elles ont fait, de ce qu’elles font et de ce qu’elles ressentent.

Cette première partie évoquera donc les premiers pas masturbatoires de cinq filles qui ont bien voulu me parler de leur sexualité. La masturbation, on en parle partout, on l’évoque partout, on en fait des sujets d’articles, de films de livres. On en en a parfois parlé à la cour de récrée quand nous étions plus jeunes, on l’évoque rarement directement en famille, elle est omniprésente, certes, mais on en parle mal. Elle est souvent catégorisée, jugée. Si tu te masturbes trop, tu as un problème, si tu ne te masturbes pas, tu as un problème aussi. Il faut constamment osciller dans un certain équilibre pour ne pas passer pour une addict sexuelle (autrefois une hystérique) ou une prude.

Lorsque j’ai demandé des témoignages sur la masturbation, je fus surprise d’en avoir si peu. Je pensais qu’il s’agissait d’un sujet facilement abordable, même dans mon entourage. Il m’est arrivé de remarquer que certaines personnes arrivaient plus facilement à évoquer leur sexualité en couple que leur onanisme. Est-ce parce que cela amène certaines personnes à penser que le sexe seule, c’est mal ; ou est-ce peut-être par peur de dire « Je ne me masturbe pas ». Il est vrai qu’à force d’écrire des articles sur la sexualité, certaines personnes pourraient avoir peur d’un jugement.

Concrètement et personnellement, je pense que la masturbation est le meilleur moyen de se connaître sexuellement. La masturbation permet de sonder ce qui nous constitue, permet de sonder ce qui nous excite, nos désirs, nos élans, ce vers quoi l’on tend.

Ayant commencé à me masturber très jeune, j’avoue avoir été étonnée de rencontrer des femmes qui ne le faisaient pas parce que nos évidences ne sont pas forcément celles des autres. Peu importe ce dont quoi on parle.

Il y’a des femmes pour qui la masturbation est venue avec une relation amoureuse, certaines pour qui ça n’a pas beaucoup d’intérêt, certaines qui ne le font jamais, certaines personnes qui ont sans doute pu se forcer à le faire pensant qu’elles n’étaient pas « normales », certaines personnes qui le font depuis leur plus tendre enfance, sans s’être posée de questions, d’autres qui se sont posées mille questions.

Ce qui ressort des cinq témoignages que j’ai pu lire à ce sujet, c’est qu’aucune expérience n’est la même. Parmi ces cinq personnes, quatre ont commencé à se masturber entre 4 et 8 ans, et une aux alentours de ses 11 ans. Je n’ai pas eu de témoignages de personnes qui ont commencé un peu plus tard, je n’en parlerai donc pas. (mais vous êtes invitées à évoquer votre masturbation dans les commentaires).

« J’ai commencé très tôt, 4-5 ans je dirais. Je ne me souviens pas de la première fois mais mon souvenir le plus lointain est assez net : à l’étage de la maison dans laquelle nous vivons à cette époque, mes parents avaient aménagé le pallier en salle de jeux, on y trouvait donc toutes mes peluches, mes poupées, mes jouets et mon ancien lit de bébé dans lequel je faisais dormir mes substituts d’enfant.

Je suis donc dans le lit à barreau, à cheval sur la tête d’un de mes oursons, je me frotte contre son museau comme un simulacre de rapport sexuel, c’est un espace ouvert, n’importe qui pourrait arriver et me voir, je ne me rappelle pas avoir peur de cela, pas plus que lorsque je me raconte des tas d’histoire en mettant en scène barbie et autres personnages. Je ne me souviens pas non plus de mes sensations précisément, si ce n’est que c’est agréable et irrépressible. J’ai continué jusqu’à mes 16-17 à me masturber à califourchon sur mes peluches, notamment une qui m’a été offerte par un ami vers mes 12 ans, que j’ai appelé Alexie, comme l’ami en question. J’ai néanmoins diversifié mes méthodes à partir de la puberté : jet du pommeau de douche avec pression différentes et augmentation progressive de la température, jusqu’à presque me bruler, utilisation du tuyau (métallique) du pommeau en frottement entre les lèvres, ça faisait mal, mais c’était particulièrement bon, sophistication de la technique peluche : regarder un porno (film ou bd) coincer la peluche dans une culotte/string et insérer une brosse à cheveu, une bouteille de déo ou tout autre objet faisant l’affaire, dans le vagin et continuer mon simulacre de rapport sexuel. Pendant toutes ces années je ne parvenais pas à me masturber avec mes mains directement, j’avais besoin d’introduire un élément extérieur comme pour matérialiser un/une partenaire, sans ça je n’étais pas excitée. » M.

« Haha, c’est drôle car je viens de lire ton statut tout juste après m’être fait jouir. Trêve de plaisanterie : 1. Les souvenirs sont vagues mais j’ai commencé assez tôt comparé à la moyenne je pense, vers l’âge de 6 ans. J’ai le souvenir de quelque chose d’assez libre, au début, j’ai commencé à me frotter contre un nounours qui faisait à peu près ma taille et petit à petit, vers l’âge de 8 ans, j’ai commencé à initier mes copines. A chaque fois que j’en invitais une chez moi, je lui parlais de masturbation, du comment faire etc. Je trouvais que la découverte était fabuleuse et je n’y voyais vraiment pas de honte. Quoique. J’ai fini par demander à ma mère si c’était normal de se frotter contre mon nounours haha. Elle m’a répondu gentiment que oui, il n’y avait pas de mal mais qu’il ne fallait pas le faire en public ni le dire trop ouvertement. Cela dit, je me suis fait une meilleure amie tout aussi intéressée par la chose une année plus tard et nous passions notre temps à ça. Et moi aussi de mon côté. Je n’ai pas arrêté. Puis un jour, j’ai eu mes règles juste après m’être masturbé et j’ai cru les avoir déclenché. Ce qui m’a foutu un peu la frousse pour le coup. Pour moi ça a toujours été quelque chose d’assez libre finalement, et j’ai ouvert le champ des expérimentations. Côté technique, je suis passée par pas mal de trucs plus ou moins drôles. Ours en peluche, coussins, crayons, arbres (ça me fait d’ailleurs penser à ton expérience d’éco sexe hehe, j’avais une longueur d’avance ). Malgré tout, même ado, je ressentais une certaine gêne car j’avais l’impression d’être la seule intéressée par le cul, mis à part les garçons. » M. bis

«Quand j’ai commencé à me masturber je devais avoir l’âge de 7 ou 8 ans. De mémoire, c’est en calant (attention c’est technique) ma cuisse entre le draps et le matelas c’est à dire sur la tranche du matelas, que j’ai ressenti un certain plaisir. J’aimais cette sensation, le coin du matelas qui frottait contre mon entrejambe me menant jusqu’à l’orgasme. Orgasme qui se caractérisait par une sorte de forte décharge électrique au niveau du périnée, se répétant et s’atténuant peu à peu….Le fait de sentir quelque chose entre mes cuisses était intense. Parfois, même mes peluches y passaient, du moment que quelque chose pouvait frotter cette partie là de mon corps…J’étais heureuse…car je jouissais, d’une manière peut-être particulière, mais j’atteignais l’orgasme…Je partageais la chambre avec une de mes sœurs et je devais donc me montrer discrète et prudente…Plus tard, ma mère ayant sans doute remarqué les taches de liquide séminal (et non pas sperme) plus qu’abondant me gratifia d’un cadeau quelque peu étrange. Je retrouvais un vendredi en rentrant du collège, emballé dans du papier kraft, un livre illustré sur l’éducation sexuelle. Livre d’une horreur absolue puisqu’il n’y était question que de couples hétéros…lol…le livre devait avoir été édité en 1970…Je laisse donc à ton appréciation la qualité graphique et pédagogique du truc… Cela m’appris néanmoins une chose : c’est à dire : utiliser la partie avant de mon anatomie sexuelle. Et je découvris, émerveillée, qu’en effectuant avec la pointe de mon majeur sur la partie la plus sensible à l’avant de mon sexe des petits cercles et en frottant mes doigts de l’autre main juste à coté de mon périnée, j’avais des orgasmes délicieux. De plus, ma poitrine naissait et j’aimais les caresses dessus…j’aimais les sensations, la fréquence de mes masturbations étaient de plusieurs fois par semaine, toujours dans mon lit le soir ou la nuit. » J.

«Vers 11 ans, 12 ans ? J’ai fait un rêve un jour, je ne sais plus ce qui se passait dans ce rêve. J’ai ressenti ce qu’on ressent quand on se masturbe et j’ai alors essayé de le reproduire. J’ai essayé de trouver le moyen : le clitoris. J’utilisais le tissu de la culotte au début. Je ne savais pas du tout ce que je faisais. Au début c’était pas trop ça, ça me prenait une demie heure pour ressentir du plaisir et après c’est devenu une habitude et j’avais plus la technique. Je le faisais avec les doigts après la culotte, quand j’ai compris que c’était le clitoris. J’ai percuté  qu’en fait je me masturbais vers mes 14 ans.

Je me sentais coupable car j’étais accro, je n’arrivais pas à m’arrêter  et je ne trouvais ça pas bien d’être addict à un truc. J’en ai parlé à mon père sans mentionner qu’il s’agissait de ça. Il m’a dit « si ça te fait du bien, continue, si tu te sens coupable, arrête, enfin fais ce que tu veux ».J’ai continué. » L.

« Je ne sais plus vraiment très bien quel âge j’avais lorsque j’ai commencé à le faire, mais je devais avoir autour de 5 ans. J’ai mis un peu de temps à comprendre ce que je faisais. Je crois que je l’ai compris en regardant un film dans lequel une gamine se masturbait en cachette dans les toilettes. Je devais avoir 7 ans. Pour me masturber, j’imaginais la suite des films que je regardais. C’était souvent des films avec Audrey Hepburn ? Au début, je jouais le rôle de la fille dans le film, puis au moment d’embrasser mon oreiller et de lui dire des mots d’amour, celui-ci se personnifiait en Audrey Hepburn ? Je devenais dominant de la relation, je ne savais pas si j’étais de sexe masculin ou féminin. Par la suite, j’introduisais des objets en même temps de faire l’amour avec mon oreille, tout y est passé je crois : des feutres stérilisés  au savon de Marseille, les jambes d’une poupée barbie, une brosse à dents et tout autre objet susceptible de me procurer un plaisir interne. J’ai commencé à maitriser la masturbation avec les doigts qu’au moment de ma première relation amoureuse, sans doute parce que je me disais qu’il fallait que je ressente avec mes doigts ce qui me procure du plaisir pour que ma partenaire puisse m’en donner. Ce fut assez laborieux en fait au début… » S.

 

Avec cet article, je ne tente aucunement de faire une étude qualitative ou quantitative. Ce qui est véritablement intéressant est la manière dont sont racontées ces histoires là, plus que ce qu’elles racontent. Si vous avez envie d’en savoir plus sur le sujet, je vous invite à lire le rapport Hite, un rapport publié en 1976 et dont la lecture fut personnellement une véritable libération.

Dimanche prochain, nous parlerons de vos différentes manières de vous masturber. Et vous êtes toujours invitées à témoigner.

 

Sarah

Illustration de couv: Gustav Klimt

 

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.