J’irais cracher sur vos Snuff (movie)

En juillet dernier, Barbi(e)turix consacrait un article à la final girl, la figure récurrente de la survivante de film d’horreur, et particulièrement de « snuff movie ». Pour rappel, le genre consiste à assister à la torture sanglante de chacun des personnages du film et n’en finit pas de séduire le public, à en croire les multiples opus sanguinolents étalés sur nos écrans ces derniers mois.

Le « Rape and Revenge movie » est un sous-genre du Snuff : le spectateur assiste au viol/ à la torture de l’héroïne puis suit sa rédemption obtenue grâce à une vengeance personnelle aussi sanguinaire qu’atroce. Mais que penser exactement de ces films qui, sous-couvert d’ériger la femme en héroïne vengeresse, mettent en scène les viols les plus atroces et démembrent l’image de la femme ?

Du navet à la censure morale

A l’origine, le film d’horreur I Spit On Your Grave est un classique des années 80 qui se différenciait de ses congénères sanglants en quelques points : un cul sur l’affiche, pardon, une femme, dos tournée, petite-culotte déchirée et pieu à la main, une phrase d’accroche second degré judicieusement intitulée « Day of the Woman », suivi d’un scénario cruel : une femme violée et humiliée part à la recherche de ses agresseurs afin de les zigouiller dans d’atroces souffrances. Banni des salles dans différents pays (Irlande, Norvège, Allemagne de l’Ouest…) lors de sa sortie officielle, la censure du film fut telle que l’on ne pouvait se procurer ce petit joyaux de violence uniquement sous le manteau, tel un Playboy ou un Penthouse fut un temps.

En 2010 et 2013, Steven R. Monroe, un Michael Haneke  de parking, réalisait un remake du film avec toujours la même marque de fabrique : des fesses féminines sur l’affiche (vous pouvez cependant jouer au jeu des sept erreurs si vous avez le temps avec ça , ça et ça) et une jeune femme, toujours violée, toujours humiliée qui décide de mettre à mort son gang de violeurs.

Pour les besoins de cet article, j’ai donc jeté un œil aux 1h45 de ce fameux film. Verdict, si l’adaptation récente ne mérite qu’un lancer de tomates mûres, la deuxième risque de recevoir une flopée de fruits pourris. Le but ici n’est pas de faire une critique facile de la trilogie des I Spit On Your Grave mais de se poser cette légitime question : puis-je moi, en tant que femme, me sentir offusquée par le spectacle d’un viol monstrueux et par la vengeance qui suit ?

Loin d’avoir un puritanisme de fille de pasteur, la violence au cinéma me laisse généralement de marbre. Même avec le niveau d’empathie d’Hannibal Lecteur, tous spectateurs se dit que les images qui s’offrent à lui restent de la pure fiction. Mais le sort réservé aux deux personnages féminins, et plus particulièrement dans l’adaptation de 2013, m’ont mise particulièrement mal à l’aise.

Pourquoi ?
 Simplement – et je conseille vivement à l’actrice du film Jemma Dallender de postuler à divers castings de snuffs movies et/ou aux futurs films de Lars Von Trier – le fait de voir une femme se faire violer, droguer de force et torturer à diverses reprises devant nos yeux ébahis me fait penser que nous venons définitivement de passer une étape dans notre société actuelle : celle où le viol (même simulé), autant que le slut-shaming sont des actes définitivement enracinés dans notre pensée contemporaine occidentale et surtout, des faits d’une banalité affolante (culture du viol coucou). Si Irréversible  avait en son temps fait frémir les âmes bien pensantes et les pervers notoires lors de la looongue scène de viol de Monica Belluci, aujourd’hui, ce genre de film ne fait plus ni chaud ni froid à personne. Pas seulement en terme visuel mais en terme d’affect. 
« Ah ouais, un film sur le viol d’une femme ? Oh ben c’est pas pire que Saw hein et de toute façon à la fin la nana dézingue tout le monde alors bon… »

I am a survivor (ou presque)

La vengeance, parlons-en ! Voir une héroïne humiliée se transformer en Rambo prête à en découdre à grand coup de maillet (et dont l’utilité ne sera pas d’être langoureusement léchouillé pour une fois), est-ce vraiment féministe ?

Nos petites écorchées vives se rétablissent comme par magie, ivres de vengeance, elles concoctent un plan machiavélique digne des scènes de tortures Sadienne et s’arment jusqu’aux dents afin de partir en une croisade castratrice. Au final, trente minutes consacrées à de la torture d’opérette et l’héroïne peut reprendre sa vie normale, elle est vengée.

Au final, ce dont témoignent les scénarios « Rape and Revenge », c’est une analyse toute masculine du viol. Qu’est-ce qu’un homme ferait s’il se faisait violer ? Il se vengerait, bien sûr. Scénaristes et producteurs s’accordent sur une chose : on ne peut pas laisser un viol impuni. Delà surgit le fantasme masculin de la vengeance violente comme exutoire, un peu comme Tarantino réécrivant la traite des noirs avec son personnage d’esclave vengeur Django. Mais Tarantino n’a jamais été un noir sous l’esclavage, et les scénaristes des snuff movie n’ont jamais été une femme violée. Si les films « Rape and revenge » sont à critiquer, c’est bien en ce qu’ils confisquent la parole des femmes et justifient la culture du viol. En banalisant la vengeance sanglante, ils nous font croire que toute femme qui ne cherche pas à venger son viol ne le regrette finalement pas tant que ça.

An SI