Bambi, de Sébastien Lifshitz

« La difficulté pour moi maintenant, c’est d’affronter les années qui passent.»

Lors de la conférence de presse qui précède le nouveau film de Sébastien Lifshitz Bambi, Marie-Pierre Pruvot dit Bambi, personnage éponyme du film, s’exprime avec une assurance et une intensité quelques fois teintées d’autodérision. 
« Il est difficile lorsqu’on a été jeune et jolie, ce que je prétends avoir été, de se regarder vieillir. Ce sont là les vraies difficultés. »

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle en impose. Il n’est donc pas difficile de croire que cette charmante dame fut un jour une figure du Paris nocturne des années 50, vedette du music-hall Le Carrousel. La seule chose qui paraît improbable en la regardant est de se dire que biologiquement, Bambi fut d’abord Jean-Pierre, né à Alger, il y a plusieurs années de cela. « Une identité qu’elle rejette dès l’enfance » nous explique-t-elle. En tant qu’homosexuelle, il n’est pas difficile de deviner cette détresse de vivre dans un corps, une pensée qui ne vous convient pas. A un degré moindre bien sûr, mais le simple fait d’être élevée avec la certitude que la sexualité qui définit votre identité est plus ou moins une abomination laisse présager qu’on ne se construira pas de la même façon que Mr ou Mme toutlemonde.

A son égard, Sébastien Lifshitz dispose d’une véritable tendresse. Il la décrit comme « quelqu’un qui avance comme une ligne droite avec une volonté poussée par le fait que plus un contexte est hostile plus il force à réagir ». 
Elle sourit modestement et rétorque un mot d’esprit qui fait rire l’assemblée. Assise sur ma chaise, en discrète spectatrice, je reste interdite devant cette femme magnifique, aux yeux d’un bleu chaud et profond, qui dégage autour d’elle une aura troublante, un silence respectueux. La conférence ne dure pas longtemps mais une fois que l’on a rencontré cette femme, il nous tarde de voir ce que ce documentaire, dont le réalisateur n’est rien d’autre que celui des Invisibles – sorti quelques mois plus tôt – donne à voir.

Bambi retrace en une heure la transformation impressionnante d’homme à femme de cette icône du music-hall, devenue prof de français par la suite et qui, à travers un témoignage touchant – filmé avec une humanité fidèle à Sébastien Lifshitz et doté de réelles images d’archives tournées en Super 8 – laisse une trace indélébile dans notre mémoire. 
Le public, composé de trentenaires en goguette mais aussi de quinqua/sexagénaires réagit à de multiples reprises et en particulier lors d’un passage où une voix masculine traite ces hommes « d’invertis », qui n’ont aucune place dans une société hétéro-normée aux codes de genre bien définis, laissant le travestissement ou le transgenre sur le bas-côté.

Dans un contexte social et politique mouvementé, il est extrêmement réconfortant d’entendre des spectateurs s’indigner pour ces personnes qui souhaitent simplement vivre comme bon leur semble.

Après Les Invisibles, ce documentaire sur Bambi représente un nouveau courant, dont le cinéma LGBT semblait cruellement avoir besoin. Celui d’un point de vue positif et plein d’espoir, à l’inverse d’un grand nombre de documentaires qui, à travers les sujets abordés, virent sans gêne dans un pathos sans nom, réduisant leurs protagonistes à de petits agneaux égarés, dépressifs et torturés par des mauvais choix de vie et des problèmes sexuels contre-nature.

Après le générique de fin, une main se lève, la personne qui parle est une des représentantes trans de Txy. Elle tient à remercier Sébastien Lifshitz et Marie-Pierre pour leur documentaire et tout le bien que celui-ci peut procurer. Et on ne peut que lui donner raison.

Date de sortie : 19 juin 2013

Sortie dvd 25 juin 2013.

An Si