Chérie, à qu(o)i tu penses ?

Samedi soir, ma copine et moi faisons l’amour. Alors qu’elle est sur moi, elle pense à l’anniversaire d’une amie qui approche. Le plus naturellement du monde, je lui demande de jouir en imaginant que je suis la dite amie, puis, une autre amie. Voyant ma copine déroutée par ma requête, je lui propose donc de penser à Emmanuelle Devos, notre fantasme actuel, assez éloigné de nous pour ne rester qu’un fantasme. Je prends le timbre de la voix d’Emmanuelle, je bouge comme elle dans Le temps de l’aventure. Je parle avec une voix suave…oui, chérie, tu as couché avec Emmanuelle Devos samedi soir en couchant avec moi. Et c’était bien.

Il y a peu, on m’a suggéré d’enquêter sur nos pensées, sur ce qui nous fait fantasmer, sur ce qui nous excite lorsqu’on fait l’amour avec une partenaire, lorsque l’on baise.

Bien entendu, mon intérêt pour la question résidait dans une seule chose : pensez-vous à une autre personne, réelle ou non ? Pensez-vous à des situations qui n’incluent pas votre partenaire actuelle ? Et enfin, que ressentez-vous si tel est le cas ?

Avec les témoignages que vous m’avez fait parvenir, j’ai pu dressé plusieurs types de situations, toutes plus ou moins entrecroisées :

J’ai pu remarquer que la plupart d’entre vous souhaitait rester « fidèle » pendant l’acte, considérant que penser à une autre personne réelle pour vous « aider » à être excitée ou à jouir n’était pas vraiment honnête.

Alors que c’est entièrement à l’autre que vous pensez lorsque vous lui donnez du plaisir et vous attardez sur ses sensations, c’est pendant que l’autre s’occupe de vous que vous pouvez facilement partir loin. Loin en arrière, en pensant à unE exE, un moment de votre ancienne relation qui vous a particulièrement excité. Dans ce cas là, vous ne contrôlez rien. C’est après que vous culpabilisez, parfois.

Mais vous ne culpabilisez pas toutes – et vous avez bien raison – car en accumulant les expériences sexuelles, vous avez appris ce que vous aimez. Ce n’est pas la personne avec qui vous couchiez qui vous fait encore de l’effet mais un moment particulièrement bandant de votre vie sexuelle ensemble.

Dans ce que j’ai pu lire, cela arrive le plus fréquemment lorsque l’autre personne est en train de vous faire un cunnilingus. Son visage disparaît entre vos jambes, vous ne voyez plus que ses yeux, ou vous ne voyez plus rien, et cette personne que vous désirez ou que vous aimez devient un fantasme présent, ou une relation passée.

Il arrive aussi à une majorité d’entre vous de penser à des scènes vues dans des pornos, ou d’élaborer des scénarios mettant en scène des hommes ou des femmes dominatrices vous prenant violemment et sauvagement. Parfois ils prennent également en levrette votre partenaire qui vous fait à ce moment là un cunnilingus.

Beaucoup d’entre vous m’ont dit aimer être soumise dans leurs fantasmes sans se sentir l’être pendant l’acte, dans la vie réelle.

Vous mettez ainsi votre corps en scène, dans des situations de gangs bangs hétéros ou de viols. Bien que certaines d’entre vous culpabilisent à l’idée de penser à des scènes de porno hétéro, nous sommes toutes d’accord je crois, pour dire qu’il y a une marge entre le fantasme et la réalité, et estimer que ce n’est ni incompatible, ni honteux.

Enfin, lorsque vous commencez à comparer vos relations sexuelles entre votre partenaire actuelle et les anciennes, ou lorsque vous fantasmez sur une personne que vous connaissez et avec qui vous aimeriez coucher, vous pensez presque toutes à l’unisson qu’il est temps de rompre.

Cependant, il s’avère la réalité est plus complexe. Certaines d’entre vous semblent déchirées entre cette notion de fidélité dans la pensée sexuelle et votre rapport à votre plaisir :

« Cette discussion me fait prendre conscience que je considère presque déjà comme une infidélité le fait de penser à quelqu’un d’autre au pieux, même juste pour nourrir la machine à fantasmes (saleté de culpabilité judéo-chrétienne) et d’incapacité à établir une distinction entre les rôles d’amoureuxEUSE et d’amantE. Ce qui est absurde puisque je ne jouis qu’en me masturbant, et que je ne pense pas à mon mec quand je me masturbe… 

Au fond ce qui me gêne aussi c’est que si je pense à quelqu’un d’autre pendant une relation, ça veut dire que je suis centrée sur mon seul plaisir, comme quand je me masturbe, alors que quand je couche avec quelqu’un je suis habituellement tournée vers son plaisir à lui/elle. En fait, penser à quelqu’un d’autre/fantasmer quand je couche avec mon/ma partenaire ça revient pour moi à masturber, donc presque faire comme s’il /elle n’était pas là…. »

Cette partie de ce témoignage me semble être le condensé de tout ce que vous j’ai écrit en amont : lors d’une relation sexuelle avec votre partenaire, vous souhaitez dans l’idéal un véritable échange avec elle. Mais penser à une autre personne, voire à une autre situation qui ne l’inclurait pas, reviendrait à la prendre pour un objet. Objet non de désir, mais un outil de plus pour vous masturber.

Ainsi, la plupart d’entre vous culpabilisent de prendre l’autre partenaire pour un outil, même si c’est exclusivement sur elle que vous vous attardez lorsque vous lui donnez du plaisir. Il se pourrait que lors d’une relation sexuelle, celle-ci ne soit pas toujours un véritable échange. Car c’est au moment de jouir, que surgissent des images, des lieux ou des situations que vous ne contrôler pas. Mais jouir, c’est aussi savoir lâcher prise, prendre son pied. C’est se laisser aller,

Finalement, c’est sans doute dans l’orgasme qu’il y a parfois le moins d’échange.

Mais peu importe car pour certaines d’entre vous, les fantasmes sont beaucoup trop intimes pour être même partagés avec votre amoureuse, votre amante.

 N’ayez donc pas honte de penser à moi la prochaine fois que vous baiserez avec quelqu’un –par exemple, demain ? (Car demain c’est mon anniversaire!)

Bon dimanche à toutes !

Illustration : Aurélie Monfait

Sarah

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.