Sid & Nancy : Histoire d’un meurtre

« Un désastre génial ! Un symbole, une métaphore ! La démence de la génération nihiliste ! » C’est ainsi que le personnage de Malcolm McLaren -le manager des Sex Pistols– qualifie Sid Vicious dans le film Sid & Nancy. Mis en scène par Alex Cox, le long-métrage se propose d’offrir une version de la brève histoire d’amour -qui se finit en meurtre- entre Sid Vicious, l’éphémère bassiste des Sex Pistols et Nancy Spungen, une groupie américaine.

A gauche : le couple du film. A droite: le couple ayant réellement existé.

Pour recontextualiser la chose, Sid Vicious vivait dans un squat avec Johnny Rotten (le leader aux cheveux oranges du groupe punk). Il ne sait rien faire de ses dix doigts, ne travaille pas et passe la plupart de ses journées à s’enivrer de bière qu’il rote jusqu’à plus souffle. La seule chose qui lui plait, ce sont les concerts et particulièrement ceux des Sex Pistols. Il les suit partout où ils vont, les soutient et invente même -selon la légende-le célèbre pogo. Lorsque le groupe renvoie Glen Matlock, leur bassiste, Sid reprend sa place assez naturellement alors qu’il n’a jamais tenu de basse de sa vie, en septembre 1976. Mais les fans n’en tiennent pas compte en raison notamment de son charisme et de son jeu de scène. Et puis, le mouvement punk n’est pas connu pour sa grandeur musicale, ses accords parfaits et sa sagesse de jeu. Au même moment, Nancy, une américaine héroïnomane, groupie punkette et prostituée aguiche le jeune Sid, qui en tombe amoureux alors que l’amour n’est pas une des valeurs punk. L’ «adorable» Sid n’a même pas vingt ans et elle lui fait découvrir -à la demande de Sid- cette drogue qui lui semble si douce, l’héroïne.

Après moins d’un an et demi, le groupe (avec cette configuration) se sépare définitivement. A partir de là, notre couple va habiter à New-York au Chelsea Hotel, Sid fait quelques concerts solo mais sa dépendance lui pourrit franchement la vie et il passe le plus clair de son temps avec Nancy à chercher de la dope, se l’injecter, triper puis de nouveau trouver de l’argent etc. Le 12 octobre 1978, le corps de la jeune femme est retrouvé dans leur salle de bains. En sous-vêtements et recouverte de sang, elle a été poignardé d’une lame de quinze cm dans l’estomac. Ce qui s’est passé cette nuit là, Sid l’a emporté dans l’overdose qui le tue, le 2 février 1979. Le jeune homme a bien été accusé de meurtre mais son manager, Malcolm McLaren a payé une caution de 50 000 $ et un excellent avocat afin que l’affaire soit conclu par un règlement de comptes entre dealers.

Sid Vicious en solo.

Cette sordide histoire est le sujet de Sid (Gary Oldman) and Nancy (Chloe Webb). Réalisé sept ans après la mort du bassiste, le film enquête sur ce qui a pu se passer cette nuit là et comment le couple en a pu arriver à une telle tragédie. L’ouverture se fait sur Sid, prostré, des policiers vont et viennent dans la chambre d’hôtel pendant que le corps de Nancy est évacué. Il est escorté par les autorités puis interrogé au commissariat.

«Où avez vous rencontré Nancy ?»«Chez Linda» répond le jeune homme aux cheveux corbeau, hirsutes. Flashback. Chez Linda et la rencontre avec la blonde Nancy, puis les concerts, la vie, l’amour, la drogue et le meurtre. On suit ce couple charmant dans chacune de ses tribulations, le regard inquiet de Johnny Rotten sur leur relation, le tout ponctué par la musique de Pogues et de Joe Strummer. Au premier coup d’oeil, on pourrait reprocher au film de trop jouer sur les clichés du punk : épingles à nourrice, blousons noirs, crêtes, chaines, badges, bière, crachats, sang et excentricité. Sauf que ce ne sont pas des clichés, c’était le punk. Le documentaire de Julien Temple, The Filfth and The Fury l’atteste. Ses archives montrent tout cela et Sid Vicious, le vrai, apparaît ainsi lors d’une interview qu’il a donné à Hyde Park.

La première partie de Sid and Nancy se déroule en Grande-Bretagne au moment où le punk est à son apogée, dans le cadre la multiplicité des couleurs se fond aux mouvements brutaux, aux jets des crachats et de la bière. La musique est assourdissante et la bluette des petits punks en est presque mignonne. La tournée des Pistols aux Etats-Unis mettra fin au groupe et s’enclenche alors la seconde moitié du film, celle où le couple vit à New-York. Par des moments de calme, d’apathie, le cinéaste parvient à nous rendre, nous spectateurs, dans ce même état amorphe que celui dans lequel se complaise les personnages. Leurs teints de plus en plus cadavériques annoncent l’inévitable de ce cercle duquel ils ne peuvent vraiment sortir, seuls. Si la ressemblance entre Gary Oldman et Sid Vicious – de même entre Nancy Spugen et Chloe Webb-n’est pas bluffante, il s’agit surtout de représenter, de donner une incarnation à ce punk, presque une silhouette (ce qu’il est presque, tant il est maigre). Le film adopte la version officielle du meurtre, celle où lors d’une dispute, Sid aurait mis un coup de couteau à Nancy, sous l’emprise de la drogue. Les deux junkies s’endorment d’ailleurs l’un sur l’autre sans qu’aucun d’eux ne s’aperçoive de la blessure.

Pas de réponse donc quant à la culpabilité réelle ou non de Sid Vicious. Ce dernier est libéré à la fin du long-métrage, et se plonge dans son esprit, fuit la réalité et se retrouve dans une pizzeria dans un New-York flou, danse avec des gamins de quartier sur du hip-hop avant de retrouver à l’arrière d’un taxi, la jeune et de nouveau fraiche, Nancy.

A sujet touchy, fin onirique. Si l’oeuvre d’Alex Cox n’offre pas de nouvelle lumière sur cette affaire, elle a le mérite d’aborder l’après Sex Pistols et le devenir d’un punk loin de l’effervescence londonienne.

Angie

Angie

Caution bisexuelle de BBX, Angie écrit sur le cinéma et les arts. Mais en vrai, elle aime surtout les paillettes et les sequins dorés. Twitter : @angelinaguiboud