Femme, noire et communiste : Free Angela !

Femme, noire et communiste. Trois caractéristiques complexes à assumer en 1970. Trois, comme le nombre de chefs d’accusation qui ont pesé sur les épaules d’Angela Davis, alors âgée de 26 ans. Accusée de meurtre avec préméditation, d’enlèvement et de complot, la militante est alors passible de la peine de mort. Trois fois. Un procès de grande ampleur raconté dans le documentaire, Free Angela and all Political Prisoners.

En 1970, deux prisonniers, militants des Black Panthers accompagnés d’un complice extérieur tentent de s’évader lors de leur passage au tribunal. Pour ce faire, ils prennent en otage le juge et le jury. Le tout se finit dans un bain de sang. Les accusés ainsi que le juge sont tués par les forces de l’ordre. Or, l’arme ayant servi à cette tentative d’évasion appartient à…. Angela Davis.

Lors de cette découverte, la police édite un mandat d’arrêt à l’encontre de cette professeure de philosophie particulièrement brillante mais déjà connue pour ses engagements dans les causes noire et communiste mais aussi pour avoir défendu des prisonniers membres des Black Panthers (quant à leurs conditions d’emprisonnement, notamment). Renvoyée de l’université de Californie sous les ordres de Ronald Reagan lui-même, elle préfère fuir les autorités. Après une cavale, s’ensuit l’enfermement, l’isolement mais aussi un soutien mondial. Elle devient peu à peu le symbole international des révolutions en cours, le symbole des luttes pour l’égalité entre noirs et blancs mais aussi le symbole d’une femme forte. Sous le slogan “Free Angela”, des milliers de personnes de nombreux pays défilent dénonçant l’injustice et l’hégémonie américaines. Le monde artistique et intellectuel prend également part à sa défense : Jean Genet accuse le gouvernement conservateur américain de vouloir tout détruire  quand les Rolling Stones écrivent la chanson Sweet Black Angel.

Shola Lynch ne réalise pas une biographie de l’intellectuelle mais retrace cette période si particulière de sa vie. Période qui devient une sorte d’avatar, un moment central au sein duquel Angela Davis a puisé sa force, ses idées et ses réflexions. Une terrible expérience néanmoins perçue par la philosophe comme le point de départ de sa pensée. Il s’agit aussi de la jeunesse de cette femme, de ses années de formation intellectuelle à l’aube de ce qu’on a appellé le black feminism. D’ailleurs, lors de son passage devant le tribunal, la tension est à son comble : il s’agit d’une femme noire communiste face à un tribunal blanc. Mais Davis ne se démonte pas et invoque le machisme du juge.

Comme elle l’affirme également, la prison l’a rendu plus forte : Elle y a beaucoup lu, beaucoup écrit.

Le spectateur n’est pas accablé d’archives personnelles, intimes qui évoqueraient son histoire familiale. Ce n’est pas le sujet. On ne connait ni sa date de naissance ni son enfance. Et ce jusqu’au générique de fin, aucun carton ne nous indique la suite de son parcours (ce qui peut-être perturbant pour qui ne connait pas ce personnage).

De nombreuses archives de l’époque sont aussi présentes dans le film : Des allocutions publiques de la jeune militante au visage rayonnant et aux dents du bonheur, des photos de manifestations colorées, des documents du FBI, de superbes dessins de procès… Le montage alterne avec des témoignages d’Angela Davis elle-même ainsi que ceux des principaux acteurs de cet événement.

A 69 ans, sourire aux lèvres, Angela Davis n’a rien perdu de sa vigueur et modifie ses engagements au gré de ses reflexions comme elle le dit à juste titre lors d’une interview : “Il faut apprendre à se concentrer sur une cause . Mais il faut rester attentif, être conscient que les luttes entretiennent des liens intimes, organiques.”

A bon entendeur…

Angie

 

 

Angie

Caution bisexuelle de BBX, Angie écrit sur le cinéma et les arts. Mais en vrai, elle aime surtout les paillettes et les sequins dorés. Twitter : @angelinaguiboud