Le couple, cet animal étrange.

Apéro entre copines. Vous attendez la question, elle va venir. Oui, ça y est, elle vient, le tour de table commence. Votre ex qui déballe sa vie de couple absolument épanouissante et parfaite. L’amie qui détaille le CV de sa copine en date. Vous êtes juste après et à moins qu’elle ait fait un CAP vente après HEC, vous avez peu de chance pour que son récit s’étende encore longtemps. 30s pour préparer une réponse acceptable. Et voilà c’est votre tour. Non, non, épargnez moi.

Et si, ça y est, c’est fait:

– « Et alors, toi, tu as quelqu’un? »

– « Non non ». Prendre un air ferme et assuré pour qu’on n’insiste pas.

– « Toujours pas? Même pas une fille en vue? » Raté.

Là, vous ne répondez pas. Manque de force.

– « Il faudrait peut-être y penser, ça fait combien temps que t’as pas baisé? »

Vous répondez encore moins, atterrée. Erreur dramatique, la table se met à calculer votre période abstinence avec de vagues réminiscences de vacances à Hossegor. « Nan mais attends, ça fait pas… 4 ans ?? »

Alors non, je n’ai pas de copine. Et non, toujours pas, et même qui plus est, je n’en veux pas. Cet exemple de légère oppression n’en n’est qu’un parmi tant d’autres vécu par le peuple des célibataires, si bien qu’on en vient à mentir ou à employer des formules floues ou allusives du type « c’est un peu compliqué en ce moment » qui masquent le fait invétéré du célibat, face à la sécurité affective orgueilleuse des couples qui se montrent souvent arrogants d’être à deux contre le monde.

Mes congénères féminines vivent le couple comme un impératif.  Toute leur existence ne semble tournée que vers cette unique ambition : vivre le bonheur du couple. On en bouffe à toutes les sauces, en long en large et en travers. Les couples, on se les prend de plein fouet dans la rue, arborant sur leurs mines réjouies l’étalage de leurs amours libidineux. Et je ne pense pas spécialement aux hétéros. J’englobe ici-bas la masse caramélisé de chaque personne normalement constituée propice à l’amour avec un gros A sucré.

Celles qui se tripotent publiquement entre deux rayons de bouquins. Celles qui font des montages photos crado de leur couple alors que non, il est moche ton couple, il est ridicule. Oui, parce que bien souvent lorsque nous sommes en couple, nous avons une fâcheuse tendance à penser que nous sommes les Thelma et Louise de la vie réelle, les Brangelina des pauvres, les Liz Taylor et Richard Burton des années 2010. Que le monde entier est prêt à s’agenouiller sur notre passage ou crève d’envie d’être façonné du même marbre.

 » Hihihi t’es trop rigolote ma Lindsy »

Mais si l’adéquation mathématique de deux âmes sœurs peut facilement donner des envies de régurgitations aussi violentes qu’un shooter lait-slash-vodka en fin de soirée, une partie isolée du couple, la partie « oméga » plus précisément, donne quant à elle des envies de célibats profonds et irrémédiables. Celles d’entrer dans les ordres religieux, de jeter sa libido et ses endorphines dans la bouche d’égoût la plus proche sans aucun regret aucun et de violer à perpétuité vos doigts ou votre gode (si vous en avez un).

Parce qu’il n’y a rien de pire que d’être amie avec une fille en couple. Surtout lorsque le couple est au stade de fœtus en développement (moins d’un an). La fille en couple depuis 3 ans, te casse également les ovaires mais avec un peu plus de lucidité. Sans doute parce qu’elle sait qu’il n’y a plus d’espoirs mais que râler en radotant sur les manies lourdingues de sa moitié, c’est comme le vin, c’est bon pour les artères.

La fille en couple est éternellement insatisfaite dans son bonheur. Tout va trèèèèès bien mais comme ça va trop bien, il faut trouver quelque chose qui déconne pour que ça aille un peu moins bien. Je me demande ce que Freud penserait de tout ça. Pas grand-chose sûrement, étant donné qu’il n’aura sans doute jamais eu la chance de côtoyer une nana en boucle et en sur-volt sur la personne qui lui répète 7j/7 «  t’es trop bonne bb, je crois que je t’aime ».

La fille en couple se plaint de beaucoup de choses : du manque de sms, du manque d’attention, du manque de cunnilingus, du manque d’empathie, de toutes ces choses du quotidien qui vont lui détruire le moral. Elle va te démontrer par a+b que « Trucbidule » est une conne dénuée de tout sentiment et de toute spiritualité, qu’elle n’est pas faîte pour être traitée comme un objet mais que « putain, c’est quand même un sacré bon coup. » Donc, ça passe. Sauf pour toi qui rêve d’ingurgiter une plaquette de Lithium dans les plus brefs délais.

La fille en couple c’est un peu comme l’herpès, ça arrive toujours quand on s’y attend le moins, ça s’accroche, ça pique et on attend que ça passe (paraît-il). On apprend à répondre sans écouter et on dissémine des banalités dans la conversation en attendant que la pluie d’éloge et/où de plaintes sans résonnances se tarisse avec le temps.

Chères lectrices, finissons cet article sur une touche de poésie.  Que cette sentence imprégné de la sagesse d’un grand célibataire, Guy de Maupassant, vous fasse songer à la vacuité de votre bonheur :

« Tant de gens croient s’aimer qui s’ignorent entièrement, tant de gens vont les mains dans les mains ou la bouche sur la bouche, sans avoir pris le temps même de se regarder. Il faut qu’ils aiment, pour n’être plus seuls ; qu’ils aiment d’amitié, de tendresse, mais qu’ils aiment pour toujours… Et de cette hâte à s’unir naissent tant de méprises, d’erreurs et de drames. Ainsi que nous restons seuls, malgré tous nos efforts, de même nous restons libres malgré toutes les étreintes. »

 

An Si / Lubna

Photo : capture d’écran We might be dead by tomorrow Soko