Les amours contingentes : de Beauvoir, Sagan.

Si l’on devait condenser l’œuvre et la carrière de ces deux grands noms du 20ème, on retiendrait surement l’engagement féministe de la première et la vie rocambolesque, controversée de la seconde. En plus d’être louées et fantasmées par la postérité, ces deux personnages présentent au moins un autre point commun : celui d’avoir fréquenté, désiré et aimé des femmes.

En 1949, parait Le Deuxième sexe. Par le biais de ce qui sera considéré comme un véritable manifeste, de Beauvoir révolutionne le féminisme politique d’antan. Les suffragettes laissent alors place à une nouvelle mouvance. Le féminisme radical est né. Pourtant, quand on y songe, c’est quand même une drôle de destinée pour une fille élevée dans la dévotion d’une mère pieuse puis entre les murs de la très catholique Cours Désir jusqu’à son bachot. A 14 ans, pourtant, elle rompt définitivement avec Dieu. A 21, elle devient la plus jeune agrégée de France et rencontre Jean-Paul Sartre. C’est le début d’une longue passion. Intellectuelle, surtout. Pendant plus de cinquante ans, il sera son amour « nécessaire ». Pas question pour autant de faire chambre commune. De l’aveu même de Beauvoir : « A quoi bon par exemple habiter sous un même toit quand le monde est notre propriété commune ? ».

Pas question également de se complaire dans une relation monogame, plate et sans artifices. Une fois qu’on a dit cela, les amours « contingentes » prennent alors tout leur sens. C’est sous le nom de Zaza, son amie de jeunesse, décédée précocement, que se révèle d’abord son amour pour les femmes. A la lecture de ses lettres intimes, on apprendra à titre posthume qu’elle a eu au moins trois autres relations. Sa première véritable expérience lesbienne aura lieu avec Olga Kosakievicz, l’une de ses élèves. Elle sera suivie d’une liaison avec l’écrivaine Bianca Bienenfeld, à qui l’on doit « Mémoires d’une jeune fille dérangée » puis avec Nathalie Sorokine, une autre se ses élèves.

Sagan, c’est une autre histoire, et quelle histoire ! Dans le biopic de Diane Kurys, Sylvie Testud campe une Sagan presque plus vraie que nature,  monument  du 20ème siècle. Tout y est : sa cambrure, sa façon désinvolte de se saisir d’une cigarette, son goût exacerbé pour la fête, pour la nuit, pour la cocaïne et pour le jeu. Son amour des grands espaces, des voitures de course et de la camaraderie. Tout, sauf ses liaisons « dangereuses ». Cela étant, on ne peut intenter un tel procès à Kurys.  Puisqu’à retranscrire fidèlement la vie de l’écrivaine, elle ne pouvait se risquer à s’aventurer sur de tels terrains. Pour une simple raison, Sagan n’étalait pas sa bisexualité comme elle étalait son goût pour les voitures.

Et pour cause, à l’époque, même dans le Paris de Saint-Germain-des-Prés, ça faisait tâche ; pour singer une vieille formule : « l’homosexualité, on la vivait, on n’en parlait pas… ou peu ». Cela ne l’a évidemment pas empêché d’entretenir des relations amoureuses avec Bettina Graziani, mannequin des années 50. Avec Charlotte Aillaud. Et surtout, avec Peggy Roche. A propos de cette relation, Denis Westhoff, fils unique de Françoise Sagan, révèle à Têtu que « C’était une histoire de tendresse et d’amour. Pendant quinze ans, Peggy l’a protégée, habillée, coiffée, maquillée, elle m’a éduquée aussi… Elle s’occupait de toutes les choses pratiques à la maison. Elle était son pilier. Ma mère prenait entièrement appui sur elle. Quand Peggy est partie (cancer du foie), tout s’est écroulé ».

Rania