Manuel de survie #3 (Partie 2)

Souviens-toi, chère lectrice invétérée du Webzine le plus trash but class du Web 2.0, nous nous étions quittées il y’a quelques jours sur un suspense haletant. Depuis, tu actualises sans cesse ta page en espérant que la suite fasse irruption dans ton Mac :

«  Quoi ? La Flash?… Non, allez-y sans moi… »

« Mais attends, tu rigoles ou quoi… ça fait 1 mois que tu nous en parles ! En plus, Marie sera là…»

« Non mais les meufs… y’a la partie 2 du manuel de survie #3. Imaginez qu’elles décident de publier ça dans la nuit. »

Je te rassure (oui, j’ai décidé de te tutoyer maintenant qu’on est intimes), en règle générale, il n’y a pas de publication le Samedi à 3h30 pour des raisons… Es-tu majeure ?!

Bon allez, trêve de blabla. Je te vois derrière ton écran, tu ne tiens plus. La suite, vite !

Herblay. Samedi. 14h. Toi, ta chérie de 5 mois et les oiseaux qui chantonnent. Vous êtes devant la porte. Le moment que tu as redouté toute la semaine est désormais inévitable. C’est sa mère qui vous ouvre. Elle vous salue chaleureusement toutes les deux et manque de t’écraser l’épaule en s’appuyant dessus.  Belle-maman 5 mois est petite et baraque. Vous la suivez dans la petite allée qui forme avec quelques arbres fruitiers un couloir menant à la Véranda. La famille est déjà au grand complet ! Tout le monde a pris place autour de la grande  table installée à même le gazon. Beau-papa 5 mois est aux manettes… ça sent bon le cochon et la patate.  Après avoir salué dans l’ordre la cousine, son mari, la sœur, son copain et les 3 petits frères, soit 30 minutes après ton arrivée, tu t’assoies à côté de ta chérie au bout de la table.

Commence alors l’heure la plus longue de toute ta vie…

Tu n’as jamais été spécialement à l’aise en société, tu n’as pas la parole facile et tu es très vite intimidée par tout étranger qui fait irruption dans un rayon de 5 m autour de toi. Et là, ils étaient 9, d’un coup. 9 étrangers te scrutant avec minutie, promenant leurs regards au gré du moindre mouvement que tu opères. Dans ce genre de situation, ton remède à toi est une substance liquide qui selon sa concentration produit des effets divers sur les comportements individuels.  Il fallait donc que tu trouves le moyen de t’emparer de cette bouteille de rouge. Tu n’as pas eu besoin de le faire, belle-maman t’as servie en esquissant un sourire de fausse politesse. Les 10 premières minutes d’usage où l’on s’excite sur la douceur du temps et le retard des transiliens se sont déroulées sans accroc. Beau-papa a coupé court à la bonhomie de la conversation  en te posant cette question, celle que tu redoutais plus que tout, cette espèce d’équation à 10 inconnues encore irrésolue à ce jour : « Que faites-vous dans la vie ? ».

Généralement, tu réponds que tu enchaînes des petits boulots en attendant une ouverture, qu’on ne récolte que ce qu’on sème et qu’à n’être pas très doué à l’école, on ne finit que très rarement en CDI. La situation ne se prêtant pas à ce genre de réponse, tu as accouché d’un «  J’ai toujours aimé la peinture. C’est mon principal passe-temps. Malheureusement, comme vous le savez, le marché de l’art est très difficile d’accès. On se base plus sur un nom que sur un talent brut. Vous êtes très vite pris dans un cercle vicieux. Vous voyez, avoir un bon coup de pinceau ne suffit pas, il faut des connaissances et beaucoup de chance. Je continue à croire au hasard des rencontres… ».

Exploit ! Tu t’es rendue compte qu’il t’était possible de pondre une phrase en assez bon français sans les mots putain, meuf et pétard dedans. Le rouge commençait à faire effet. Belle-moche-cousine t’a interrompue : « J’imagine que vous n’arrivez pas à beaucoup vous voir toutes les deux. Les « artistes », ça dort le jour. Les cadres, ça se réveille tôt et ça se couche tard. ». Façon délicate de t’envoyer à la figure le cursus scolaire sans fausse note de ta meuf. Tu reprends volontiers du vin. Le tour de parole est maintenant à belle-maman : « Alors comme ça, vous êtes originaire du Périgord, c’est charmant par là-bas. Vos parents y vivent-ils toujours ? Que font-ils dans la vie ? ». Tu reprends du rouge. «  Euh, mes parents, euh, c’est-à-dire qu’ils ont divorcé quand j’avais 16 ans. Mon père est fonctionnaire de mairie et ma mère a perdu son travail au bureau de poste du village quand il a fermé ses portes. Il n’était plus très rentable. ». Tu as bien sûr évité de signaler que ta mère a surpris ton père dans le lit conjugal en pleine partie de jambes en l’air avec Chantal, sa secrétaire. Que c’était là, la raison effective de leur divorce. Que quelques semaines après, ta mère ayant perdu son job a sombré dans l’alcoolisme et est devenue par la même occasion pilier de bar au PMU du village. Que ton père, lui, n’a jamais versé de pension alimentaire à ta mère car Chantal avait des goûts de luxe : un Week-end à Dunkerque par-ci, un Week-end à Besançon par-là.

La bouteille est finie. Tu n’as pas eu le temps de manger. Tu commences à être bien éméchée. En te tournant vers celle qui partage tes matins, tes après-midi et tes soirées depuis maintenant 5 mois, tu t’es dit qu’à bien y regarder, vous n’aviez pas grand-chose en commun. Probablement qu’elle aspirait à se complaire dans une vie réglée comme du papier à musique. A vivre en banlieue. A avoir un chien et plein de mioches. Toi, dans cinq ans, dans dix ans et même dans quinze ans, tu voulais continuer à avoir une vie de junkie-clubeuse-bohème-fauchée car les bureaux ça te file l’urticaire et que la Dubstep est plus douce à ton oreille que le chant des oiseaux. Tu as regardé ta montre, il était déjà 17h30. Tu t’es dit qu’en pressant le pas, tu pourrais encore passer par chez toi avant de rejoindre Alex et Amandine pour un petit before improvisé avant the soirée to be pour toute gouine à mèche qui se respecte. Tu lui as simplement dit qu’il fallait que tu partes, que tu lui expliqueras demain. Tu t’es barrée. Sur le chemin te menant à la gare, tu as hésité à revenir. Tu t’es souvenue que Julie serait là ce soir, que ça faiit un moment qu’elle te chauffe et que tu lui trouves des qualités. Tu as arrêté d’hésiter.

Moral  -trash but class- de l’histoire : Toujours refuser de rencontrer ses parents. De toute façon, toujours refuser d’aller en banlieue. Toujours se souvenir de cette phrase : « Everytime we fuck, we win ».

Rania