MANUEL DE SURVIE EN TERRITOIRE LESBIEN #2 : LA DATE

Aaaah la première date! On s’attend à terminer heureuse et au pieu, mais généralement on se retrouve à raquer pour offrir un verre de Pouilly et on se prend un vent parce que la fille est partisane du « pas coucher le premier soir ». On rentre donc chez soi, le portefeuille lesté et la libido froissée.

Oui, la première date fait toujours l’objet de mille questionnements: Qu’attend-t-elle de moi? A-t-elle une grand appartement? Pratique-t-elle le fist anal? Qui payera l’addition?

Au fond, il y a deux écoles: la première, défenseuse d’un idéal passéiste conçoit le premier rencard comme le point de départ d’une belle histoire d’amour. La deuxième, blasée de la chatte, y verra la simple occasion de s’envoyer en l’air. Mais quelque soit votre ambition, il y va de la première date comme d’un jeu d’échec. Pour abattre la reine (sur votre lit), il faut savoir avancer ses pions.

Replaçons nous dans un contexte de drague lesbienne classique: votre Target vous a donné rendez-vous au Little café, vous êtes arrivée avec dix minutes d’avance pour être sûre de chopper une place en terrasse (et de flatter votre meilleur profil). Vous avez taxé assez de clopes pour tenir deux heures de conversation. Vous êtes prête à vous lancer dans le grand bain de la séduction discount.

1. QUI PAYE ?

Lorsque l’on est, comme moi, à la fois précaire et radine, la gestion de la thune devient centrale lors de la drague. Il est donc important de faire comprendre à la meuf que d’une, vous êtes la proie. De deux, vous êtes à découvert. Pour cela, nul besoin de vous lancer dans une tirade sur vos impayés du mois de janvier dus au fait que vous avez dépenser la moitié de votre smic chez Sandro pour une veste que vous ne remettrez probablement jamais mais qui était quand même hyper jolie avec son petit col en cuir et ses surpiqures contrastées. Nul besoin de tirade donc. Allez au plus simple:

– « Et sinon, tu fais quoi dans la vie ? »

– « Je me cherche, et toi ? »

Simple et efficace. J’en conviens, faire passer vos dépenses compulsives et votre inhabilité maladive à garder un travail pour une posture romantico-poétique relève du défi. Il sera donc nécessaire d’accentuer votre coté « blessé par la vie », en faisant appel à une petite anecdote dédouanante:

– « Quand j’avais 6 ans, mes parents ont divorcé et avec ma mère on s’est retrouvé à la rue. On a squatté d’appart en appart pendant presque un an. J’ai été déscolarisé et c’était pile au moment où on apprend les soustractions. Ma mère avait plus un rond, c’était vraiment une sombre période. Parfois on avait pas assez pour acheter du pain, alors on volait de la brioche. »

Une fois la larmichette de votre dulcinée recueillie, neutralisez l’émotion en insistant sur la femme forte que vous êtes devenue grâce à toutes ces épreuves et commandez un whisky. Sec.

2. ON BAISE?

-« C’est pour moi. »

Ca y est, Target mord à l’hameçon. Vous venez donc de vous faire offrir un verre. Si vous avez suivit mes précieux conseils vous êtes présentement en train de siroter un whisky de 20 ans d’âge. Sinon -et dans ce cas vous n’êtes qu’une imbécile timorée et timide- le temps passe et vous vous demandez si pour votre image, vous devriez prendre de la bière pour faire “jeune- jeune”, ou du vin pour faire “jeune-élégant”. Vous optez pour le vin qui fait quand même plus “rendez-vous”, mais au moment de choisir vous bafouillez « un jus d’abricot” en demandant si c’est toujours “Lapy ower”.

Target quand à elle commande une pinte de blanche. Car c’est une gouine, une vraie.

S’engage alors l’affreuse et insipide phase du « on fait connaissance » on vous échangerez anecdotes insignifiantes sur vos vacances à l’ile de Ré et l’écouterez tirader sur sa passion du scrap-booking. A la 13e minute, elle vous fera un compliment sur vos cheveux et vous manquerez de vous étouffer avec votre jus d’abricot. Vous chercherez à lui rendre son compliment et enfanterez d’un charmant:

-« oué toi aussi…t’as euh… t’as de beaux lobes. »

A la 17e minute, Target, gargarisée par tant de romantisme, vous offrira un deuxième verre. Au troisième, elle vous caressera légèrement la paume de la main en vous regardant dans les blancs des yeux. Et là, deux solutions:

-« On va chez moi? » (Target a de la suite dans les idées et vous avez peut-être des chances de pécho ce soir.)

-« Je suis vraiment heureuse de t’avoir rencontré » (Target est une idéaliste doublée d’une oie blanche.)

Deux possibilités, mais ce soir, pas de chance, vous avez la loose et Target n’en démord pas, vous êtes la femme de sa vie, elle préfère donc rentrer seule chez elle pour « prendre le temps de mieux vous connaitre ». Horreur, damnation, hérésie encore une! Vous l’imaginez déjà dans deux semaines débarquer chez vous avec sa brosse à dent, sa PS3 et tous ses espoirs. Vous la voyez vous promettre fidélité et bonheur jusqu’à la fin de vos jours…NON…NON PAS ÇAAAAA!

3. ON SE RAPPELLE?

Vous êtes donc face au dilemme suivant: dois-je rappeler Target au risque de voir mon appartement pris d’assaut d’ici une semaine? Ou dois-je planter Target au risque de replonger dans la misère sexuelle?

Qu’on se le dise, nombreuses sont les lesbiennes qui se targuent de ne pas coucher le premier soir, brandissant des principes et des théories fumeuses sur le nombre de rendez-vous à imposer à l’autre avant de se faire défoncer les parties génitales. (Les meufs, il n’y a aucun risque que la nana en question devienne le père de vos enfants, alors à quoi bon?)

C’est que l’immense majorité des filles, bercées par le mythe du grand amour depuis qu’elles ont l’âge de lire Martine va à l’école s’imaginent que chaque nouvelle rencontre est l’opportunité de leur vie. Et qu’il ne faut pas la gâcher en faisant les choses à l’envers (69).  Je sais pas si vous avez vu Indiana Jones, mais ce que vous auriez du retenir c’est que le Graal ne ressemble pas à une coupette flamboyante recouverte de rubis et de diam’s. Non, le Graal ressemble à un vieux pot de chambre. Et bah, il en va de même pour le grand amour. On l’imagine parée des meilleurs atouts, apparaissant à nous comme une évidence alors qu’en réalité, The big love c’est peut-être cette gouine dégueulasse que tu as recalé sur facebook la semaine dernière.

Moralité: Arrêtez de regarder La petite sirène, n’attendez plus et foncez le poing levé comme Amel Bent vers vous savez quoi. Et puis si comme moi  votre meilleur jour ne se révèle que la nuit, coucher le premier soir augmentera vos chances de vous faire payer le restau à votre prochaine date. C’est pas beau ça?

Lubna

Lubna

Grande rêveuse devant l'éternel, Lubna aime les livres, les jeux de mots et les nichoirs en forme de ponts. Elle écrit sur l'art, avec un petit a : bd, illustration, photo, peinture sur soie. Twitter : @Lubna_Lubitsch